Versailles, incarner le prestige de l’État français, de Louis XIV à la République

 Le château de Versailles sous la neige © (Jean-Luc Bailleul)

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris et consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie.

Alors que le roi d’Angleterre Charles III entame sa visite d’État, de 3 jours, le dîner de mercredi à Versailles interroge sur le rôle de cette résidence royale et les rapports qu’elle entretient avec la République.

Tout se résumerait peut-être dans la devise de Louis XIV, « Nec pluribus impar », à nul autre pareil.

L’installation de la Cour et du roi à Versailles intervient le 6 mai 1682. La ville devient, alors, le nouveau centre du royaume, le siège du gouvernement, jusqu’en 1789, sans que Paris ne perde son rang de capitale.

Versailles prend alors une place symbolique où le souverain expose sa grandeur, cherche à impressionner et par un contrôle sur les productions artistiques et une forme de vision, dont la galerie des glaces est l’apothéose, crée un écrin à la mesure de sa devise.

Versailles est aussi le lieu de résidence du souverain et le lieu où il reçoit ses hôtes de marques.

Souvent imité par les souverains étrangers sous l’ancien régime, Versailles ne fut jamais égalé.

La révolution, le retour du roi à Paris, le refus de Napoléon de s’installer à Versailles et l’installation des monarques de la restauration aux Tuileries auraient, pour des raisons diverses, pu sonner le glas du rôle diplomatique de Versailles.

Louis-Philippe en offrant à Versailles à partir de 1830 une vocation muséale à la gloire de la France a en large part sauvé Versailles.

Depuis, le Second Empire et la République n’ont jamais cessé d’entretenir des liens étroits avec ces lieux, que soit à La Lanterne, résidence présidentielle, ou pour recevoir avec faste les souverains et personnalités étrangères toujours fascinées par le prestige qui émane de cette résidence.

Peut-être est-ce Victor Hugo qui nous offre la clé de cette symbolique, lorsqu’il considère que Versailles n’est plus seulement le symbole de Louis XIV, de la monarchie, mais le symbole de l’histoire de France dans sa complétude.

« Avoir accompli cette œuvre, c’est avoir fait un monument national d’un monument monarchique ; c’est avoir mis une idée immense dans le passé, 1789 vis-à-vis de 1688, l’empereur chez le roi, Napoléon chez Louis XIV ; en un mot, c’est avoir donné à ce livre magnifique qu’on appelle l’histoire de France cette magnifique reliure qu’on appelle Versailles ».

Le changement dans la continuité, en quelque sorte.

En 1855, la reine Victoria est reçue à Versailles et marque ainsi le début d’une longue liste d’hôtes qui viendront dîner sous les ors voulus par la Cour, sous le regard des souverains français.

Dans la France instable des années 1870, la République cherche à utiliser Versailles pour s’inscrire dans la longue continuité de l’histoire. À cette époque, un protocole de visite officielle du château de Versailles est mis en place pour impressionner les souverains étrangers.

Depuis Versailles est utilisé pour symboliser la République.

Même si depuis la 5ème république, les présidents ne sont plus élus à Versailles, le congrès du parlement s’y réunit et c’est à Versailles que le président use de son droit de prendre la parole devant les Chambres.

Mais surtout, Versailles est devenu le lieu par excellence des réceptions républicaines pour honorer les hôtes.

Le Général De Gaulle a procédé à l’électrification de la Galerie des Glaces en 1961, en prévision de la visite de John Kennedy.

Les visites d’État se succèdent, du G7 de 1982 aux visites plus récentes de Poutine, de l’héritier du Japon et de Charles III d’Angleterre.

Alors quel enseignement en tirer.

Versailles reste un écrin, construit et toujours utilisé pour la mise en scène du pouvoir, pour véhiculer le prestige de la France et par extension celui de l’État.

Mais attention aux écueils, car si, comme le dit Arnaud Benedetti « Le château de Versailles marque une forme de nostalgie, celle de la grandeur perdue de la France », la roche tarpéienne n’est jamais loin du capitole.

Il faut néanmoins demeurer positif et valoriser l’usage de Versailles par la République.

Cet usage montre avec évidence que l’histoire de France puise ses racines bien au-delà de la Révolution française et que le prestige de la France se nourrit encore que ce soit pour les dirigeants et l’État ou plus simplement pour les touristes de cette histoire encore vivante et de ce patrimoine dont nous avons la charge et que nous nous devons protéger et de transmettre.

Alors ouvrons Versailles et souhaitons que la France rayonne encore et toujours du prestige que ce lieu magique dégage, et pour longtemps.

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