■ Jean-Luc Mélenchon en campagne à Strasbourg le 19 janvier 2022 (@Thomas Bresson).
Avant même d’entrer dans le vif du sujet, il convient de débuter mon propos par quelques considérations préalables. Il va être question ci-après de la notion d’extrémisme, notion connotée négativement et arme rhétorique de disqualification massive, souvent rejetée par ceux qui y sont rattachés, même lorsque ce rattachement fait pratiquement consensus. Même les plus fervents néonazis ou stalinistes refusent en effet cette étiquette. Par ailleurs, ce ou ceux qui peuvent relever de l’extrême-gauche ou de l’extrême-droite ne font pas l’objet d’un consensus total parmi les politistes, et à ce titre, il serait bien prétentieux de ma part de prétendre que ce qui va suivre a la moindre validité scientifique. Il s’agit tout au plus d’un avis personnel argumenté, fondé sur des postulats de départ non démontrés.
Nous allons tout d’abord nous intéresser à une définition du terme « extrême-gauche » telle qu’elle est donnée par plusieurs politologues cités sur une page du site de la CFDT dédiée à la question. Notre argumentaire ici sera double : d’une part, cette définition, nous le verrons, est assez critiquable en l’état ; mais d’autre part, on peut montrer que, même en admettant qu’elle soit juste et indiscutable, LFI y adhère plutôt bien.
Il est fréquent d’entendre, de la part d’hommes politiques, de chercheurs ou de simples citoyens, que La France Insoumise n’appartient pas à l’extrême-gauche du spectre politique, mais à la gauche radicale, voire à la gauche tout court. Bien souvent, cette idée est fondée sur un argument d’autorité un peu simple : lors de l’attribution des nuances aux divers partis politiques, lors d’élections précédentes, le Conseil d’Etat a catégorisé le Rassemblement National à l’extrême-droite et LFI à gauche. Cela n’est en réalité pas exact : pour les élections législatives de 2022, le Conseil d’Etat enjoint le ministère de l’intérieur à corriger sa circulaire attribuant à chaque formation politique une nuance. En effet, il considère qu’attribuer aux quatre partis membres de la NUPES une nuance différente pour chaque parti nuit à la transparence du scrutin. Une nuance NUPES est donc créée, située dans le bloc de clivages « gauche ». En 2023, cette même institution déboute le RN qui demande une modification de la circulaire ministérielle de nuançage pour les sénatoriales. La formation nationaliste demande à ne plus être classée dans le bloc de clivages « extrême-droite » à l’occasion de ce scrutin, par mesure d’égalité avec LFI et le PCF, classés à gauche. Le Conseil d’Etat ne fait alors que statuer la chose suivante : un tel classement n’entache pas la sincérité du scrutin. N’étant pas et ne voulant pas assumer le rôle de politiste, le Conseil d’Etat n’a donc pas tranché le débat de l’appartenance ou non de LFI à l’extrême-gauche, il n’a juste pas considéré que la classification ministérielle pour les sénatoriales de 2023 était de nature à fausser le scrutin.
Une définition du terme « extrême-gauche » fréquemment formulée pourrait être « camp portant une volonté d’abolir le capitalisme par un processus révolutionnaire et critique de la gauche institutionnelle. » On peut commencer par remettre en question une telle définition, principalement parce qu’elle lie appartenance à l’extrême-gauche et anticapitalisme marxiste. Or, il est intéressant de constater que le terme « extrême-gauche » est au départ le nom officiel d’un groupe parlementaire républicain radical de la IIIème République. Républicain radical, et non marxiste, puisque les socialistes feront leur apparition à la gauche de ces radicaux. De plus, lier extrême-gauche et marxisme révolutionnaire implique au fond de lier le positionnement sur l’axe gauche-droite à une adhésion plus ou moins forte au capitalisme. La gauche devient le camp critique du capitalisme mais ne souhaitant pas l’abolir. Des personnalités de droite comme Charles de Gaulle, Philippe Seguin ou Jacques Chirac (au début de sa carrière) sont-elles alors de gauche ? La droite serait alors le camp de la défense du capitalisme, mais quid des sociaux-libéraux issus du PS, comme Jean-Marie Bockel ? Sont-ils de droite ? Depuis les années 1960, le marxisme ne cesse de tomber en désuétude, au profit de luttes post-matérialistes, moins focalisées sur la critique du capitalisme que sur celle de systèmes d’oppression fondés sur le genre ou l’ethnie. Cela a amené des théoriciens d’extrême-gauche, à l’instar de Chantal Mouffe, à développer une rhétorique révolutionnaire pourtant post-marxiste et orientée sur la critique institutionnelle. Au demeurant, LFI reste un parti se revendiquant anticapitaliste, créé en réaction à l’abandon par le PS de la doctrine marxiste, et qui encore aujourd’hui manifeste ce rejet du capitalisme dans ses textes fondateurs et ses campagnes de communication (cf. campagne d’affichage « le capitalisme nuit gravement à la planète » de LFI). Toutefois, il est vrai qu’il n’en propose pas une sortie totale dans son programme électoral. Mais exonérer à ce titre LFI de l’étiquette « extrême-gauche » est une faute majeure, puisque cela revient à n’attribuer une étiquette que sur la foi du programme électoral seul. Or, à ce titre, le RN ne peut être qualifié de parti d’extrême-droite qu’à l’aune de son programme électoral. Si l’on admet qu’un parti d’extrême-droite est un parti xénophobe et antiparlementaire, on peut se demander alors où dans son programme le RN expose-t-il de manière explicite sa volonté d’abolir la démocratie parlementaire ou de vouloir jeter hors du territoire national la totalité des étrangers de France, afin d’obtenir un pays habité uniquement par des nationaux ? La réponse est simple : nulle part. Ces parties du programme du RN ont été effacées par la notabilisation du parti. Si LFI n’est pas d’extrême-gauche car son programme ne correspond pas explicitement aux critères retenus pour définir cette dernière, alors le RN ne peut pas être considéré comme un parti d’extrême-droite pour les mêmes raisons.
Par ailleurs, une telle définition laisse penser que l’idée de révolution, marqueur d’extrémisme car témoignage d’une rupture avec le système politique et social dans son ensemble, ne peut être, à gauche, séparé de la volonté d’abolir le capitalisme. Comme si la rhétorique révolutionnaire, pour pouvoir être attribuée à l’extrême-gauche, se devait de promouvoir la révolution contre le système économique capitaliste spécifiquement. Or, volonté d’abolir le capitalisme et révolution ne sont pas liées. On peut très bien souhaiter mettre fin au capitalisme par une voie réformiste : ce fut le positionnement des sociaux-démocrates et des partis socialistes européens pendant une majeure partie du XXème siècle. On peut également être révolutionnaire sans pour autant souscrire à l’objectif marxiste : le nationalisme révolutionnaire est un exemple frappant de ce dernier propos. On peut même vouloir la fin du capitalisme, un changement brutal de régime, et pour autant ne pas être classé à l’extrême-gauche : de nombreux mouvements fascistes de l’Europe de l’entre-deux-guerres se réfèrent au système corporatiste et au dirigisme pour rédiger leur programme économique. C’est la limite principale de cette définition : confondre idéologie (mettre fin au capitalisme) et méthode (par la révolution), unissant deux éléments du politique qui ne sont pour autant pas nécessairement liés, et qui, lorsqu’ils le sont, n’épousent pas forcément les frontières de ce que l’on qualifie communément de « parti d’extrême-gauche ». Admettons cependant que cette définition soit juste : LFI n’est-il pas un parti révolutionnaire ? D’aucun répondrait qu’une formation révolutionnaire ne se prêterait pas au jeu électoral, ou du moins le ferait à des fins de propagande, sachant pertinemment sa défaite inéluctable. Et en effet, certains partis révolutionnaires de gauche sont ou ont été dans un des deux cas de figures : la Fédération Anarchiste ou l’Union Communiste Libertaire pour le premier, Lutte Ouvrière et le Nouveau Parti Anticapitaliste – Révolutionnaires pour le second. Cependant, si extrémisme rime avec refus de se prêter au jeu démocratique, on peut, par symétrie, retirer au RN, ou même à Reconquête ! ou au Parti de la France, l’étiquette de partis d’extrême-droite. LFI présente bel et bien un aspect révolutionnaire. Elle est fondée sur la doctrine de la révolution citoyenne, développée par Jean-Luc Mélenchon mais inspirée par Hugo Chavez, et sur les idées de Chantal Mouffe. Le parti utilise aussi un appel fréquent à l’imagerie de la Révolution française, comme lorsque Thomas Portes pose le pied sur un ballon à l’effigie du ministre du travail Olivier Dussopt lors des manifestations contre la réforme des retraites de 2023, ou lorsque Antoine Léaument prend la défense de l’instigateur de la Terreur Maximilien Robespierre. On peut aussi se souvenir d’Adrien Quatennens appelant en 2024 à des marches populaires sur l’Elysée pour exercer une pression sur Emmanuel Macron afin qu’il nomme Lucie Castets à Matignon, ou les appels récurrents de l’eurodéputée Rima Hassan à la « révolution ».
Examinons alors la dernière partie de cette très discutable définition : l’extrême-gauche se doit d’être « critique de la gauche institutionnelle ». Là encore, sans entrer dans la contestation même du bien fondé d’une telle assertion, il est facile de constater que LFI y colle plutôt bien. Son itération précédente, le Parti de Gauche, fut en effet fondé en 2008 par une fraction du Parti Socialiste en rupture avec ses éléphants à qui elle reprochait leur abandon de la doctrine d’opposition au capitalisme. Suite à cela, et jusqu’en 2022, le PG refusa systématiquement de s’allier avec les autres partis de gauche de gouvernement, comme le PS ou EELV. Le PCF fait ici figure d’exception notable. Mélenchon n’hésita pas, d’ailleurs, à exclure du parti des cadres du PG, dont il était pourtant très proche, à l’occasion de certaines élections locales, si ces derniers s’étaient alliés avec des membres de tels partis, y compris, d’ailleurs, avec le PCF. Il n’est pas inutile de rappeler d’ailleurs que le PCF lui-même, archétype du parti d’extrême-gauche selon notre définition de départ, fut fondé au départ sur la base d’une scission de la SFIO suite au Congrès de Tours de 1920. Le fait de naître des conflits internes déchirant un parti de gauche institutionnelle n’est donc pas contradictoire avec le fait d’être critique de ladite gauche, bien au contraire. Enfin, si l’existence de la NUPES puis du NFP peut donner l’impression que la critique mélenchoniste du PS est morte et enterrée, il est intéressant de constater que cet assemblage politique est très instable, ce qui est d’ailleurs dû à l’affrontement en son sein de LFI et du PS. Les cadres du parti au phi ne se privent pas de critiquer vertement leurs homologues socialistes lorsque leurs positions divergent, et le procès en complicité de macronisme n’est jamais très loin, les députés Guedj et Pantel ont pu s’en faire une idée.
Cette deuxième partie cherche à appréhender l’extrémisme selon des indicateurs et des capillarités. On estime souvent que le RN est un parti d’extrême-droite parce que ses alliés, ses cadres ou ses fondateurs appartiennent ou ont appartenu à des courants idéologiques qui sont consensuellement positionnés sur cette extrémité du spectre politique. Examinons alors si les alliés, cadres ou fondateurs de LFI peuvent être situés à l’extrême-gauche dudit spectre, selon notre première définition.
Laissons là notre définition et intéressons-nous aux symétries existantes entre le RN et LFI. Ou plutôt, admettons ce postulat comme vrai et utilisons pour juger de l’extrémisme de LFI les mêmes angles d’analyse que ceux utiliser pour ce faire dans le cas du RN. Pour appuyer l’idée que le RN est encore un parti d’extrême-droite, il est fréquent de montrer du doigt ses alliés européens qui, du Fidesz hongrois de Viktor Orban à la Lega Nord italienne de Matteo Salvini, en passant par le Partij voor de Vrijheid néerlandais de Geert Wilders ou le Chega portugais d’André Ventura, peuvent être rattachés à cette famille politique sans trop d’objections. Si l’on peut juger de l’extrémisme d’un parti par ses alliés, alors penchons-nous sur ceux de LFI, et voyons lesquels peuvent être qualifiés de partis d’extrême-gauche. Au sein du groupe de LFI au Parlement Européen, The Left, on peut compter quelques oiseaux particulièrement louches. Les alliés allemands de LFI, Die Linke, sont les héritiers en ligne directe du Sozialistische Einheitspartei Deutschlands (SED), parti unique ayant pendant quarante ans dirigé la RDA. Ce parti soutient encore aujourd’hui un pays comme Cuba, et une de ses eurodéputées, Carola Rackete, a été vivement contestée en interne pour avoir appelé le parti à se distancer de son passé « staliniste ». L’AKEL, allié chypriote de LFI, fait encore référence dans ses statuts et revendique explicitement souscrire à la philosophie politique du marxisme-léninisme. Le Parti du Travail de Belgique, fondé dans les années 1960 par des étudiants maoïstes et stalinistes, appelle encore son organisation de jeunesse les « pionniers », comme en RDA, a pour hymne L’Internationale et appartient à la Rencontre Internationale des Partis Communistes et Ouvriers, aux côtés du Parti Communiste Chinois ou du Parti du Travail de Corée, dirigé par un certain Kim Jong-Un. Au Danemark, l’ARV affiche toujours la révolution comme objectif, et refuse de s’allier et même de négocier avec les autres partis de gauche, pour se prémunir de la « traîtrise de classe ». Sur le plan du tropisme poutinien, fréquemment attribué aux partis d’extrême-droite, le Parti Communiste Portugais a voté contre la résolution de soutien à l’Ukraine 5 jours après le début des hostilités, ce que seuls 13 eurodéputés ont osé. Ce dernier parti se revendique par ailleurs révolutionnaire, marxiste-léniniste et « avant-garde du prolétariat ». En Irlande, le Sinn Fein fut pendant 30 ans la façade politique du groupe terroriste Provisional IRA, qui fut un acteur majeur des Troubles et compte à son actif 1824 victimes, principalement des civils. Si les alliés du RN sont très douteux, ceux de LFI le sont tout autant. Si l’extrémisme d’un parti peut s’exprimer à travers les alliés qu’il se choisit, on peut clairement affirmer que LFI est un parti d’extrême-gauche.
Les fameuses « brebis galeuses » furent un élément qui détournèrent un certain nombre d’électeurs du RN au second tour des législatives de 2024. Ces candidats, voire ces cadres louches qui hantent encore les couloirs du 114 bis, rue Michel-Ange, sont vus par certains comme la preuve de l’extrémisme du RN. Or, des cadres et des candidats douteux ou proches de formations extrémistes selon notre définition, LFI en compte également dans ses rangs. En 2020, LFI investit Philippe Poutou, candidat trotskyste révolutionnaire revendiqué, aux municipales à Bordeaux, puis à nouveau en 2024 aux législatives dans la 1ère circonscription de l’Aude. Danièle Obono et Éric Coquerel, pour ne citer que les plus connus, sont des anciens de la Ligue Communiste Révolutionnaire d’Alain Krivine. Le courant « Ensemble ! », gravitant autour de LFI jusqu’au 20 mai 2025, est membre de la IVème Internationale trotskyste, qui porte des idées de rupture définitive avec le capitalisme. Le NPA fait d’ailleurs partie du même ensemble. Le député LFI Jérôme Legavre est également membre du Parti Ouvrier Indépendant, parti d’extrême-gauche lambertiste, courant du communisme auquel a appartenu Mélenchon avant d’entrer au PS, à travers l’Organisation Communiste Internationaliste. Cependant, nous n’avons vu ici que les cas de proximité avec des organisations à la gauche de LFI, ce qui demeure légal. Il s’agit de l’expression d’une conviction personnelle, et, si celle-ci est clairement d’extrême-gauche, elle n’en demeure pas moins légale. Ce qui va suivre est en revanche beaucoup plus contestable. Le député Arnault est un ancien membre du groupe d’ultragauche « La jeune garde », dissout par le ministre de l’Intérieur, condamné pour violences en réunion à quatre mois de prison, bien qu’il ait interjeté appel depuis. Le député Diouara fait sur son compte Twitter d’incessantes références aux juifs et aux « Blancs », qui semblent l’obséder, et accuse Raphaël Glucksmann de « sionisme », ce qui, au vu du patronyme de ce dernier, interroge sur l’antisémitisme sous-jacent d’une telle déclaration. Il est par ailleurs un soutien, à l’instar des députés Guiraud et Bompard, de l’imam Iquioussen, qui fut expulsé pour des propos antisémites, misogynes et glorifiant le terrorisme islamiste. Il semble donc que l’on trouve également des « brebis galeuses », ou, pour les plus conciliants des lecteurs, des « brebis douteuses », à la rigueur, parmi les cadres de LFI.
Un autre argument avancé à l’encontre du RN est celui de son histoire, histoire qui comprend les saillies de son chef de file et ses multiples condamnations, mais aussi un certain nombre d’anciens SS au sein de ses fondateurs. Ceci étant dit, il apparait que l’on peut juger de l’extrémisme d’un parti par son histoire. Voyons donc si l’histoire de LFI dénote une appartenance à l’extrême-gauche. A première vue, il pourrait sembler que non : LFI est né du PG, scission du PS. La réalité est cependant plus complexe : Jean-Luc Mélenchon, est, nous l’avons dit, un ancien lambertiste. Le lambertisme est un courant du trotskysme, évidemment opposé au capitalisme, favorable à la révolution, et critique de la gauche de gouvernement. Que disait notre définition déjà ? Par ailleurs, suite à sa fondation, le PG formera le Front de Gauche, avec d’autres partis. Le PCF, bien sûr, mais également le Parti Communiste des Ouvriers de France, dont le programme dit "Le Parti lutte pour la destruction complète du système d'exploitation de l'homme par l'homme et l'instauration du communisme à l'échelle mondiale. Le système socialiste qui résoudra la contradiction entre les forces productives et les rapports de production créera les conditions pour parvenir à la société communiste, société sans classe où sera appliqué le principe de chacun selon ses besoins...". Que disait notre définition déjà ? Cet argument historique possède également des limites évidentes : le PCF, fondé par des dissidents de la SFIO, serait-il parce que fondé par des socialistes un parti de gauche classique depuis sa création en 1920 ? A l’inverse, l’UPR de François Asselineau fut fondé par un ancien du RPR et de l’UMP. L’UPR est-elle donc une formation de droite parlementaire pour cette raison ?
J’achèverai en définissant ce qu’est, pour moi, l’extrême-gauche. Il s’agit d’un positionnement politique, donc une caractérisation idéologique me paraît vaine. Le positionnement à gauche ou à droite dépend avant tout d’un contexte, d’une position adoptée par rapport aux lignes de fracture d’une société donnée à un instant précis. La gauche peut être définie comme le camp soutenant un changement inédit, un bouleversement, une modification du statu quo au nom d’impératifs moraux transcendants. L’extrémisme serait alors l’application à un positionnement de gauche d’une méthode révolutionnaire, contestataire, contestant non le statu quo politique par partie mais dans son intégralité, en tant que système globale. Le rejet des institutions dans leur pratique me semble un bon indicateur, alors, de l’extrémisme. Et dans ce cas, la nature extrémiste de LFI paraît assez évidemment : le parti multiplie les débordements, à l’Assemblée Nationale, sur ses réseaux sociaux, dans la rue… Il n’hésite pas à soutenir des personnalités douteuses (l’imam Iquioussen) ou des groupuscules violents (la Jeune Garde), trempe dans la violence et les menaces, qu’elles soient à l’encontre d’Olivier Dussopt ou de François-Xavier Bellamy. Parfois cette menace est physique, comme le ballon de Thomas Portes, métaphore élégante d’une décapitation. Le livre La Meute a récemment mis en évidence un système d’apparence sectaire au sein de LFI, fondé sur des purges régulières (Henri Peña-Ruiz, Thomas Guénolé, les membres de L’Après) et un culte de la personnalité (« Mélenchon, c’est Dieu » - Sébastien Delogu). Sa rhétorique tend clairement à dénoncer un pouvoir prétendument détenu par des oligarques indéboulonnables qu’il conviendrait de renverser. Dans sa pratique des institutions et dans sa rhétorique, LFI paraît donc clairement en rupture nette avec le statu quo et nourrissant une volonté révolutionnaire.
Le refus de la qualification « extrême-gauche » pour désigner LFI est le fruit d’un blocage moral de certains politistes, hommes politiques ou citoyens, car cela la mettrait sur un pied d’égalité avec le RN. Or dans leur conviction personnelle, et c’est leur droit le plus entier, ils considèrent le RN plus dangereux et plus moralement questionnable que LFI, tant sur le plan des idées que du programme. Cela ne les autorise cependant pas à tenter de faire passer ladite conviction pour un fait scientifique objectif, et il est douteux, comme le fait le journal 20minutes, de transformer la défense d’un tel point de vue en un article de la rubrique fact-checking. Le terme « extrême » est souvent rejeté par ceux qu’il qualifie, car il est vu comme dépréciatif, mais aussi comme un boulet dans la conquête du pouvoir, car entravant l’adhésion du peuple. Alors, oui, on peut dire, arguments à l’appui, que La France Insoumise est un parti d’extrême-gauche.
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