Antisémitisme : le retour de Lacombe Lucien.

 Michel Dray.
 
Montaigne aimait à dire qu’il n’enseignait pas, mais racontait. Avec sa « chronique terrienne », Michel Dray, en sa qualité d’historien, raconte « son » époque, avec humour et parfois avec dérision.

Aujourd’hui : « Antisémitisme : le retour de Lacombe Lucien ».


« L’antisémitisme, une histoire ancienne, un problème permanent et qui conjugue les lubies et les ressentiments de l’air du temps et du brouillage de l’histoire » écrit Emile Mallet, en introduction à son excellent essai intitulé La haine des Juifs (1) L’antisémitisme interroge l’irrationnel comme il procède de la peur de l’Autre. Mallet, en quelques mots a disséqué une névrose qu’on pensait vaincue. Quant à la guerre israélo-palestinienne, l’antisémitisme s’en est nourri plus qu’il n’en est la cause.

L’antisémite, fashion victim de l’islamo-gauchisme ?

L’antisémite est surtout un frustré, un pauvre type, qui, s’agrégeant à la meute, cherche à en finir avec l’invisibilité de sa misérable existence. On dit de lui qu’il est un « Lacombe Lucien » expression qui trouve son origine dans le célèbre film de Louis Malle. Lacombe Lucien est un personnage sans relief qui, pour se croire un « homme qui en a » s’engage dans la Milice. Elle est là, la déraison antisémite (2), irrationnelle et tragique à la fois, qui tel un produit létal mais dont l’effet n’est pas immédiat, empoisonne les consciences. « L’antisémite est sincère quand il dit qu’il n’est pas responsable de ses actes. C’est la foule la responsable. Elle l’aspire autant qu’elle le rassure. Elle masque la lâcheté ordinaire en transformant les bourreaux en fonctionnaires » (3) Hannah Arendt fait scandale, mais elle vient de dénoncer toute l’horreur de la banalité du mal. L’antisémite hurle avec les loups. Ses cris se perdent dans l’anonymat d’une foule où il n’est plus responsable de ses paroles puisqu’elles se diluent dans le nombre. La foule l’aura tout simplement aspiré. Pour autant, cette constatation ne me satisfait pas, car l’antisémite a besoin d’une raison qui le démonétiserait, le dédouanerait : l’idéologue est là pour ça.

Le fanatique religieux ? un individu aux antipode d’un Lacombe Lucien

Esprit rugueux, froid, souvent asexuel, l’idéologue croit appartenir le plus sincèrement du monde au camp du Bien. Il est le soldat de la Vérité, de SA vérité. Aussi, toute opposition à sa propre conception idéologique, sans autre forme de procès, il le range dans le camp du Mal. Au nom de la vision-du-monde pour laquelle il est prêt à mourir, toute velléité de révolte, il la perçoit comme déviance la plus mortelle. Le Torquemada de Victor Hugo démonte excellemment le mécanisme mental du fanatisme, car l’idéologue est avant tout un fanatique. « Car l’eau lave le corps mais le feu lave l’âme (…) je te sacrifierai le corps, âme immortelle ! » (4) Les vers Hugoliens brûlent autant que feu. Torquemada, dans sa folie, « envie » le sort des suppliciés dont les flammes lavent l’âme. Il est dans ce que j’appelle une inspiré névrotique. L’inquisiteur est le maître des horloges du temps, et ce, au nom de Dieu. Pour autant, l’idéologue est doté d’une intelligence pragmatique, il calcule sans cesse sa stratégie, pèse en permanence le poids de ses paroles. Arthur Koestler, dans son roman le Zéro et l’Infini établit un constat sans appel : le zéro c’est l’individu, l’infini l’idéologie dominante. Torquemada, Rousseau, Robespierre, Hitler, le Mufti de Jérusalem, Staline, Castro, Mao, Kim Il Sung et leurs héritiers répondent tous à cette règle. Sur les ceinturons des SS, était inscrit « Gott mit uns », Dieu avec nous. Le processus totalitaire suit la même méthode intellectuelle que le religieux fanatique, qui, au nom de Dieu, n’hésite ni à pervertir son nom ni à le souiller. Ce que le fanatique insupporte, tient précisément dans le fait que Dieu est d’abord une affaire entre soi et soi qui n’a besoin d’aucune Église et encore moins d’aucune théocratie. Musulman, Juif, Chrétien, Bouddhiste ou tout simplement libre-penseur, ce qui fait la grandeur de l’homme c’est précisément son humilité au sens où l’Autre l’enrichi, au sens ou la pauvreté lui est insoutenable. « Les certitudes sont à Dieu, ce que les promesses sont aux politiciens » (5) écrit malicieusement Amos Oz. Ceci fait l’extrême danger du fanatisme religieux c’est qu’il se prend pour Dieu.

Les islamistes observent et marquent les points.

« Êtes-vous pour ou contre LES Juifs ? » demandent des professeurs idéologues à des adolescents boutonneux venant tout juste de débarquer en Sorbonne. Champ de confluence de tous les dédales de l’antisionisme, l’islamisme par l’intermédiaire de ses idiots utiles a ramené l’antisémitisme à ses fondations première : l’antijudaïsme pur et dur. La foule médiévale criant sa détestation des Juifs tandis qu’ils brûlaient en place publique est remplacée aujourd’hui par l’influence mondiale des réseaux sociaux à travers lesquels tous les Lacombe Lucien, avançant masqués, déversent leur haine cybernétique. Jusqu’aux LGBT+ qui collant à la meute s’imaginent exister politiquement. Ils savent parfaitement le sort qui leur serait réservé dans les pays islamistes ; peu importe, ils ne vivent pas là-bas ! Ils savent aussi que la gauche radicale, a médiatiquement le vent en poupe, alors autant en profiter. Quant au monde universitaire, milieu conservateur ancré dans un indécrottable passé soixante-huitard, rien d’étonnant à ce qu’il soutienne les réseaux islamistes. Après tout leurs maîtres à penser que furent Michel Foucault ou Jean Paul-Sartre ont toujours applaudi urbi & orbi le régime islamiste d’Iran ! Quant aux médias dits de réflexion, la chaîne ARTE pourrait faire montre de mètre-étalon en matière de tartufferie. On n’y compte plus les documentaires sur la Shoah, ce qui n’empêche pas les journalistes d’attaquer l’État d’Israël comme si le Hamas n’avait jamais existé ou mieux, comme si ce mouvement terroriste n’avait aucune responsabilité dans la guerre que nous connaissons. L’auteur de cet article est connu pour être très critique à l’égard du gouvernement israélien, mais il est aussi connu pour ne pas mélanger les genres en ne confondant certainement pas terrorisme islamiste et démocratie israélienne.

Quand Adolf Hitler se rappelle au souvenir du Hamas.

« Partout, en plein pays ennemi, nous aurons des amis qui nous aideront, nous saurons nous les procurer. La confusion des sentiments, les conflits moraux, l’indécision, la manique, voilà quelles seront nos armes. » Ce ne sont pas les dirigeants du Hamas qui ont dit ces paroles, mais Hitler lui-même à son secrétaire Herman Rauschning (6).

La confusion des sentiments comme arme de destruction mentale massive ! Jamais la nébuleuse islamiste intervient frontalement, elle préfère laisser ses idiots utiles faire le travail en sous-main. Car, si l’antisémite n’a pas besoin du conflit israélo-palestinien pour exister d’une manière ou d’une autre, les islamistes, eux, ont besoin de Gaza pour se poser en victimes, accuser ses ennemis d’islamophobie et dans la foulée, de militants d’extrême-droite. Pour dire clairement les choses, il n’existerait pas d’État d’Israël qu’il y aurait toujours des gens pour détester les Juifs. Les islamistes ont tout simplement investi un terreau favorable.

L’antisémitisme tel l’herpès, est un virus qui peut se réveiller à tout moment. La bête immonde n’a que faire des couleurs : brune et/ou rouge, elle se jette immanquablement sur sa proie favorite : la démocratie.

Notes
  • La Haine des Juifs, éditions campagne première, Paris 2025
  • Titre de l’ouvrage collectif sous la direction du philosophe Daniel Salvator Schiffer, auquel j’ai eu l’honneur de contribuer.
  • Hannah Arendt, Eichman à Jérusalem, New-Yorker 1963
  • Torquemada, Acte 1, scène 6
  • La Boîte Noire, Amos Oz, 1988 Calman-Lévy pour l’édition française.
  • Hitler m’a dit, Herman Rauschning, Coll Pluriel-le Seuil 1979

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