■ Détail d'une miniature représentant Blanche de Castille dans la Bible moralisée de Tolède, dite bible de Saint Louis.
Par Jean-Baptiste Collomb - Ancien chargé d’enseignement des Facultés de Droit d’Aix-Marseille Université, ancien collaborateur parlementaire. Il est aujourd’hui spécialisé en assurances construction.
Fille d’Alphonse VIII de Castille et d’Aliénor d’Angleterre, Blanche épousa en l’an 1200, conformément au Traité du Goulet, connu comme le Traité de « réconciliation » entre la France et l’Angleterre, le futur Louis VIII le Lion, fils aîné et héritier du Roi Philippe Auguste de France.
Devenue Régente du Royaume de France au décès de son époux intervenu en 1226, elle défendit avec une détermination inébranlable les droits de son fils ainsi que la Couronne, brisant la révolte des grands seigneurs féodaux. La fin de cette révolte s’illustra d’abord par le Traité de Vendôme signé en 1227 qui soumit temporairement le duc de Bretagne Pierre de Dreux dit « Mauclerc » et Hugues de Lusignan.
En effet, en 1229, ce même Pierre de Dreux organisa l’embuscade de Montlhéry. Ce complot qui visait manifestement à écarter Blanche de Castille du pouvoir, que de nombreux féodaux considéraient soit comme une étrangère, soit comme une « usurpatrice » en raison de sa condition féminine, prévoyait d’enlever le jeune Louis IX alors qu’il chevauchait entre Orléans et Paris. L’échec de cette tentative scella le sort des féodaux rebelles, tout particulièrement celui de Pierre : le siège de Bellême fut un triomphe pour les armées royales de Blanche qui s’y présenta avec les troupes de Thibault de Champagne, rallié à sa cause dès 1227. C’est ce même Thibault qui devint Roi de Navarre en 1234 et demeura pour la postérité le « Roi Poète » célébré par les Provençaux et les Occitans comme un « Roi Troubadour » sur le Chemin de Saint Jacques de Compostelle.
Blanche de Castille poursuivit l’œuvre des Capétiens par le Traité de Paris en 1229 qui acheva la guerre contre les Albigeois et opéra le rattachement du comté de Toulouse au domaine royal. En 1234, elle maria son fils, Louis IX, à Marguerite de Provence, fille aînée de Raymond-Bérenger V. Par la suite, Blanche s’effaça assez rapidement des affaires de l’État. Très pieuse, elle fonda l’Abbaye Cistercienne du Lys au hameau de Damarie en 1244 et se retira dans le château de Robert de France, dit le Pieux, où elle s’éteignit en 1252.
Toutefois, la Reine Blanche assuma à nouveau la Régence du Royaume avant de quitter ce monde, lors de ce que l’Histoire nomme aujourd’hui la « Septième Croisade », déclenchée en 1247 et restée célèbre pour son départ depuis Aigues Mortes l’année suivante. C’est un Mistral salé et puissant ainsi que l’âme de la Reine Blanche qui soufflent encore sur les remparts de la cité occitane immortalisés par le peintre impressionniste Frédéric Bazille en 1867.
C’est enfin le souvenir d’une femme, d’une « étrangère », qui exerça le pouvoir à la manière des pays latins et qui, par ses succès diplomatiques et militaires, contribua décisivement à la grandeur de la France.
Blanche sut imposer une idée radicalement neuve du pouvoir souverain féminin, non pas conquérante par la séduction ou la révolte spectaculaire ; mais par la maîtrise absolue des mécanismes de l’État, par la fermeté sans cruauté, par la diplomatie plus redoutable que l’épée.
Elle fit plier les plus grands barons non en les écrasant toujours, mais en les liant, en les convertissant, en les rendant finalement inutiles à la rébellion.
Elle laissa à son fils Louis IX un royaume agrandi, pacifié, centralisé et surtout l’exemple tranquille qu’une reine peut tenir la couronne aussi solidement qu’un roi, sans jamais renoncer.
Dans l’histoire des Reines de France, beaucoup brillèrent. Blanche, elle, régna. Et la France capétienne, devenue grande puissance européenne, lui doit peut-être plus qu’à bien des rois ayant porté l’épée.
Enregistrer un commentaire