■ "BB", illustration par François Guery.
Nietzsche distingue deux grands types humains : les innombrables copies, et le nombre restreint de modèles originaux dont ce sont des copies. Il met dans ces « originaux » les fondateurs, que ce soit de religion, d’états, de doctrines, d’éthique.
J’ai lu jadis une petit livre de poche illustré de photos, livre signé Simone de Beauvoir. C’était à la fin des années cinquante. Le sujet du livre était Brigitte Bardot. Il y avait des photos d’elle en bikini, sur des plages, faisant du ski nautique, ou avec des amis. L’auteur créditait Bardot d’avoir incarné, et même inauguré un nouveau type de femme, libre, non soumise, nature, insouciante du qu’en dira-t-on. Un type humain qui détonait dans le paysage moral de la France traditionnelle, France qui s’est d’ailleurs convertie à cette innovation, l’a entérinée, lorsque De Gaulle, président, l’a reçue à L’Elysée et a plaisanté avec elle. Dand « la vérité », Clouzot l’a fait jouer comme une grande tragédienne, vraie.
L’auteur ou autrice du « deuxième sexe » a donc fait de Brigitte Bardot une figure unique de son existentialisme : une personne libre et responsable d’elle-même, une personne qui n’a pas besoin de modèles tout faits pour exister et se conduire. Beauvoir a défendu la femme, le deuxième sexe. Faut-il l’oublier, pour chanter le troisième ?
Elle a été une traînée de poudre qui a touché le monde traditionnel, a labouré le sol du machisme éternel pour y faire pousser des femmes autonomes ou désireuses de le devenir. Partout ! Je peux témoigner que dans des pays aussi traditionnels que la Géorgie, petit pays qui résiste au poutinisme, il y a des femmes dont la BB des années 1950 demeure un avenir, une vocation, un type idéal. On peut extrapoler, chercher la trace de son rôle de modèle partout dans les pays de terreur et de violence faite aux femmes comme telles. Moyen Orient forcément.
Sa disparition est saluée de manière confuse et contradictoire. Je lis avec les cheveux dressés sur la tête, et avec consternation, des avertissements violents sur les réseaux sociaux : des groupies hypnotisées diffusent leurs mots d’ordre, ne pas se compromettre avec cette figure « raciste islamophobe », ne pas saluer son décès autrement qu’en en profitant pour répéter et diffuser les directives et l’« agitprop » de la Gauche radicale, perdue dans le labyrinthe de ses dogmes incompatibles entre eux. Ils veulent garantir les libertés, et ils défendent Gaza, et ce, ceux qui vont avec, la « pieuvre de Téhéran ». Islamophobe, qui ne le serait, si « islamisme » signifie rétrograder, restaurer le monde d’avant : sans les libertés individuelles, sans les droits de l’humain conquis dans le sang en occident, répandus quand même partout, à travers l’enfer de la mondialisation conquérante. Ils sont aveugles à la colonisation qui n’est pas occidentale, et qui continue, en Afrique et ailleurs, ils relaient les pires calomnies captieuses que les dictateurs répandent contre nous.
Je constate avec soulagement que dans cette Gauche déboussolée, on prend de plus en plus ses distances avec l’apparatchik vieillisant qui n’en démord pas, et s’accroche au Pouvoir qui est sa raison d’être.
Brigitte Bardot n’a pas seulement été la France, elle l’est, pour ceux et surtout celles qui l’aiment de loin, et espèrent acquérir sa liberté de jugement et de comportement dans leur vie, en dépit des carcans qui les enferment encore.
Quand elle défend les animaux, on ricane. Quand elle se rallie à l’extrême droite, on l’identifie à ces positions tardives pour taire le message plus essentiel que sa vie a envoyé partout. Une chape de silence la menace, elle échouera, et ses erreurs ne compteront pas au regard de ce qu’elle a promis à toutes et tous, « à simplement être ».

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