Mer et terre et l’air d’Émilie Romagne

 Piazza San Prospero, Rhège en Émilie.

Par Antoine Bourdon

De l’âme,
Qui n’espère plus d’être amoureuse.

D’où cette image encore,-
Un rêve
Qui de la mémoire comme un désir
Des yeux s’offre d’y croire :
Grand miroir plat de l’âme, la mer
Comme de l’huile parfumée
Pour le néant,- d’âpres senteurs salines
Qui remontent du remous de l’eau dans l’onde,-
La profondeur qui remue d’apparence,
Et l’esprit
Qui de tout est et par tout est
Au temps qui va.

Rien n’arrête tout,
La nuit par le jour et le jour par la nuit,
Qui selon celui-là va selon,
Ô, temps passant…
Et ne suis-je de ce chant,
Qui de silence s’entend à poindre à présent?

Esprit du cœur,
Qui demande pourquoi le pouls?-
Pourquoi la joie comme ce qui revient
La nuit par le jour et le jour par la nuit ?-
Pourquoi penser ce présent,
Esprit du cœur,
Qui jamais n’éternise qu’un moment,
À la mémoire du Temps passant ?

D’où, cette image encore :
La mer
Comme de l’huile parfumée pour le néant,-
Ô, plénitude de l’être.
Et comme de cela
Cette main qui s’agite
Au rêve dans mes yeux,
Et cette pointe d’encre
Pour quelqu’un et envers personne,-
Main qui n’entend plus se chercher par-delà,
Comme la sensation du pas passant,
Comme le chant.

Et cette église dorée du ciel
Comme de briques rouges que le temps pâlit,
Que de jour encore l’on revoit de nuit.

C’est l’heure de composer
Hauteur de chant, vous, corps, aimant,
Qui remuez cela que nous attirons en nous -
Le souffle s’habitant
Et qui revient se chanter même,
Et réjouir celui qui s’en plie de l’écouter.
Car n’est-il pas pour nous, cet air
Qui suspend notre élan
À présent dans l’aire
Que nous permet la vie,
Comme une basse pour elle
De temps en temps
Remplissant un songe mystérieusement?

De cela qui demeure,
Partir, encore.
Et pourquoi la rive et pourquoi la mer
Et cet odeur partout près d’elle de la douceur et de l’amer?

Paisible Adriatique,
Où des barques aux mains des hommes,
Portant en leur creux leur pêche,
Voguent sur la modulation infinie de l’eau,
Retentissante de lumière au fini du jour,
Comme entre de blanches trilles ou de l’or en fraction.

Esprit du cœur,
Qui demande au cœur pourquoi le pouls,-
Une musique prit le pli du corps.
Et tout cela répondant :
N’est-ce qu’évanescence
Qui n’existe, qu’en pensée d’aimer de la dire?

Émilie Romagne, dans son bleu doré du ciel,
Et de cela qui demeure, encore,
Partir,
Et ces terres où viennent vers la hauteur les blés,
Vers son ciel qui passe dans l’azur;
Et ces terres, encore,
Et ces vignes se déployant dans la saison
À parachever de suspendre leurs fruits.
Ces terres où c’est de la culture
Qui donna donne et donnera.

Et qu’est-ce qui de ville en ville
Nous mène
Comme un départ,
Et nous enivre de passer
Seulement dans l’attente d’un retour peut-être?

Cela même qui d’un passé
Chérit tout encore une chose à venir,
Ainsi que ce qui lui fut belle jadis,
Qui désormais de nouveau nous promet.

Et s’il est vrai que d’exister l’acte même
De chercher se retrouve de s’y trouver encore,
Ici, maintenant, là même où cela commençait,
Toutes ces villes que le corps garde en mémoire,
Sont autant de sensations
Encore et pour toujours
Au cœur de ce qui vise pour soi de tout revivre.

L’avenir est un instant à vouloir toujours
Avant que rien ne dure.

Esprit,
Qui trouve son temps par le souvenir du cœur :
La nuit par le jour et le jour par la nuit.
Et dans l’aurore déjà devenue le petit jour,
Que le soleil découvrira à la vie,
Des hirondelles,
Comme des croix dont les frêles corps fébriles
Arquent aux ailes de sembler vouloir aller d’un cri,
Volettent dans le mystère de la joie,
De la lumière retrouvée.
Le ciel est dans l’azur,
Et des rais viennent blanchement
Aux surfaces d’une grande place de Rhège en Émilie.

Et tous ces tons
Pastellisés des devantures des lieux de vie,
Donnent au plaisir de voir l’onctueuse présomption
D’avoir été comme un choix
Qui sort du goût de l’homme,
Où tout ressort droit,-
Ô riantes couleurs dans l’aube passée,
Belle Émilie Romagne dans le dense été.

Que la nuit un rêve déjà soit, passant,
Ou que le jour passe encore au soleil
Qui ne se peut voir en son lieu fixement,
Les paupières sont à découvrir
Que l’amour a l’Idée qui fait voir,
Au cœur de la joie,
Le Réel
Qui se donne présent la musique d’un chant
Au bon temps du temps passant.

Rhège en Émilie, juillet 2024.

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