■ Rencontre les 26 et 27 juillet 2025 entre Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Donald Trump, président des États-Unis, à propos des relations commerciales transatlantiques.
L’Histoire nous donne souvent des clés que nous oublions bien vite.
Vers la fin de l’année 1661 Vatteville, ambassadeur du roi d’Espagne à Londres, avait tenté d’intimider l’ambassadeur français d’Estrades.
Louis XIV, dans un geste d’une fermeté implacable, rompit sans délai les relations diplomatiques avec l’Espagne, expulsa sur-le-champ l’ambassadeur espagnol à Paris et exigea le châtiment de Vatteville ainsi qu’une réparation publique, proclamant qu’il « se rendrait à lui-même la justice qui lui était due si on la lui refusait ».
Par cette pression inflexible, il écarta toute temporisation. Il ne dissimula pas avoir saisi cette opportunité, un « risque calculé », pour éprouver les intentions et la puissance de l’Espagne.
L’épreuve s’avéra concluante ; l’Espagne céda sur tous les fronts, accordant satisfaction pleine et entière.
Louis XIV reçut ensuite l’ambassadeur du roi d’Espagne en présence du corps diplomatique au complet, le nonce en tête, qui consigna officiellement la capitulation sans condition de l’Espagne.
Louis XIV maîtrisait, finalement, cet art du deal qui fait si cruellement défaut aujourd’hui à l’Europe dont la négociation s’est soldée par un accord transatlantique dont les bénéfices pour l’Europe s’avèrent, à l’examen, fort inégaux.
Les critiques, oscillant entre véhémence et tiédeur, se cristallisent sur le taux de droits de douane de 15% imposé aux produits européens, contre une exonération totale pour les importations américaines.
Ces récriminations, bien que révélatrices d’une impuissance palpable, pèchent par leur partialité.
Elles occultent, par exemple, que ce taux, parmi les plus bas au monde, n’est surpassé que par celui du Royaume-Uni post-Brexit, dont les négociateurs bilatéraux semblent avoir mieux manœuvré.
Quoiqu’il en soit, les produits européens exportés outre-Atlantique gagneront en compétitivité face à ceux de nombreuses nations tierces.
Une analyse plus nuancée révèle toutefois une disparité au sein de l’Union : certains États membres tirent davantage leur épingle du jeu que d’autres.
Par ailleurs, l’absence de droits de douane sur les produits américains en Europe prémunit le continent contre une spirale inflationniste que les États-Unis, eux, pourraient connaître.
Les marchés financiers, lucides, n’ont d’ailleurs pas cédé à la panique.
Cependant, l’essence de l’art du deal réside dans l’anticipation, et sur ce terrain, les Américains font preuve d’une redoutable prescience.
L’accord engage l’Europe dans des investissements massifs aux États-Unis, évalués à 600 milliards de dollars. Face à cela, se féliciter d’un investissement étranger d’un ou deux milliards d’euros dans une « gigafactory » dans le nord de la France apparaît dérisoire.
Plus troublant encore, l’Europe, pourtant dotée de ressources conséquentes, semble reléguer l’écologie au second plan, derrière des impératifs économiques.
Elle s’est engagée à équiper ses armées de matériel américain et à acquérir du gaz de schiste à des tarifs exorbitants – 750 milliards de dollars –, bien supérieurs à ceux du gaz russe d’antan.
La puissance américaine s’est ainsi imposée avec une clarté implacable, reléguant les réactions européennes à de vaines lamentations un peu stériles, comme le furent en leur temps les lamentations des Espagnols.
Si « pour être libre, il faut être craint », force est de constater que, dans cette joute, l’Europe n’inspire guère la crainte.
Il vaudrait peut-être mieux suivre et appliquer le modèle donné par Louis XIV qu’il synthétisait avec la formule « ne vous laissez pas gouverner, soyez le maître ».
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