
Ce qu’il dit – le contenu – n’a aucune importance car il peut dire tout et son contraire en quelques heures, proférer des absurdités, mentir éhontément, ou tout simplement être incompréhensible. Mais c’est sa parole en tant que telle qui devient la matière du spectacle. Ainsi les dirigeants des autres pays semblent hypnotisés par le show, se comportant avec lui comme s’il était un roi de droit divin qu’il fallait, en sujets dociles, ménager en dodelinant gentiment de la tête. A ce titre une partie des américains ont vu juste en se mobilisant à travers le mouvement « No King », car Trump se voit sans doute comme cela, comme un souverain, conforté dans sa mégalomanie par le comportement de certains dans son entourage qui apparaissent comme de vils courtisans.
Le sommet de l’OTAN qui vient de se tenir à La Haye en fournit un exemple caricatural tant les représentants des autres pays alliés ou la direction de l’OTAN, avec une palme qui peut être décernée à Mark Rutte son secrétaire général, ont montré une complaisance et une docilité vis à vis du président américain qui laissent perplexe. Trump en a profité pour parler de ce sommet comme un « succès monumental » pour les américains.
Ainsi le roi Trump a exigé que les pays membres de l’organisation dépensent 5% de leur PIB en dépenses militaires – décomposé en 3,5% de dépenses strictement militaires et 1,5% de dépense de sécurité ; son souhait a été exaucé et ce principe validé en grande pompe. Or disons-le tout net : cela n’a aucun sens.
S’il apparaît assez évident que les pays européens doivent faire plus pour leur défense -jusqu’à présent on parlait d’un objectif de 2% - le chiffre de 5% ne correspond à rien, il est sorti du chapeau ou plutôt de la casquette MAGA, comme à l’époque le fameux chiffre de 3% pour les déficits budgétaires des pays de l’UE dans le cadre des critères de Maastricht. Aujourd’hui la plupart des pays de l’OTAN essayent de tendre vers les 2%, comme la France, tandis que les USA sont autour de 3,3% avec une tendance à la baisse ces dernières années ! L’effort pour arriver à 3,5% serait donc considérable, et ce, d’autant plus qu’il devrait être accompli dans un contexte où les déficits budgétaires sont très élevés un peu partout et que des murs de dépenses dans les domaines de l’environnement ou de la santé se profilent.
Ensuite ces dépenses doivent être appréciées en fonction de la menace. Dans le cas des pays européens la menace c’est la Russie – on peut en effet sérieusement douter d’une menace chinoise ou nord-coréenne sur le sol du vieux continent…
Or quelles sont les forces en présence ? Le PIB de la Russie c’est environ 2000 milliards de dollars, et en 2024, alors qu’elle mène une guerre de haute intensité et qu’elle a une économie totalement tournée vers le conflit ukrainien, la Russie a consacré environ 150 milliards à sa défense soit 7,5% de son PIB. Le PIB de l’Union européenne – rappelons que 23 des 27 pays de l’UE sont membres de l’OTAN – c’est 18 000 milliards de dollars et les dépenses militaires s’y sont élevées à 326 milliards d’euros en 2024. Déjà plus de 2 fois celles de la Russie alors qu’aucun pays européen n’est officiellement en guerre ! Si on passait à 3,5% du PIB cela correspondrait à 630 milliards d’euros, soit plus de 4 fois les dépenses de la Russie, et ce, sans compter le budget militaire de la Grande-Bretagne !!! Ça s’appelle un très gros écart.
La question n’est donc absolument pas celle du niveau des dépenses militaires des pays européens de l’OTAN mais de leur nature (quel type de matériel ? quels achats communs ? quels nouveaux programmes ?), de la coordination entre les armées nationales, du recrutement (combien de soldats ?) et de la décision politique qui consiste à accepter des pertes humaines lors d’un conflit potentiel. Cela devrait être la priorité absolue.
Augmenter les budgets n’a donc strictement aucun intérêt. Ou plutôt si, cela revient à faire la fortune des entreprises américaines d’armement car les entreprises européennes ne seront jamais en mesure de répondre à un tel niveau de demande. Ici Trump est un formidable VRP du made in America avec sans doute pour lui et ses proches de juteuses retombées financières à la clé.
Dans ce contexte dépenser des centaines de milliards au profit d’actionnaires américains plutôt que pour le bien-être ou l’emploi des citoyens européens, relève au mieux d’un manque de discernement ahurissant, et au pire d’une complicité coupable.
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