■ Le Président Macron recevant son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, ainsi que le président élu américain, Donald Trump, à l’Elysée, à l’occasion de la réouverture de Notre-Dame.
Si des nouvelles venant d’outre-Atlantique sont souvent le sujet d’engouement, celle-ci pourra certainement être créditée d’avoir suscité l’émoi de beaucoup parmi ceux de la classe politique et intellectuelle en France, en Europe et dans le monde. En effet, il est indéniable que la récente victoire dans l’échéance électorale américaine de Donald Trump et de son colistier JD Vance relève des opportunités majeures pour le Vieux Continent, mais représente surtout un coup de réveil nécessaire pour ce dernier. Que ce soit les experts ou les officiels, tous sont manifestement d’accord pour dire que Washington avec l’équipe de Trump à sa tête va sûrement détourner son attention du continent européen. Hélas, cela est très probablement vrai. Mais ai-je besoin de souligner que c’est l’administration du président Obama qui au début des années 2010 décide de fixer comme objectif stratégique le pivot vers l’Indo-Pacifique, ce pivot s’inscrivant dans un contexte d’une rivalité croissante entre Washington et Pékin? Mais si la nouvelle administration mettra sûrement à exécution cette rupture de manière plus brutale et décomplexée, avec en tête une vision bien plus transactionnelle de la relation transatlantique, il faut tout de même reconnaître que des opportunités historiques se profilent pour Paris. Pensons l’espace d’un instant aux enjeux français et à l’implémentation (ou plutôt la ré-implémentation) d’une grande stratégie, car une nation sans idée claire de sa destinée ne peut se réclamer digne du statut de puissance, un statut que Paris s’est efforcer à garder depuis la débâcle de juin 1940 et la perte progressive des colonies.
Mais alors en quoi Donald Trump pourrait-il pousser Paris à retrouver sa place naturelle au sein d’un ordre international qui est malheureusement chamboulé par le désir de multiples révisionnistes de déloger l’hégémonie américaine et par extension occidentale?
La réponse se trouve en grande partie outre-Rhin et dans l’histoire du continent européen.
En 1948 le secrétaire général de l’Otan d’alors le général Lionel Hastings a réussi à décrire le fil rouge de la mission de l’alliance atlantique, « de garder les américains, de repousser les soviétiques et de garder les allemands à terre ». Car si la nouvelle superpuissance américaine s’est implantée dans l’Europe d’après-guerre, elle l’a fait non pas seulement pour contenir Moscou mais aussi pour empêcher la montée en puissance de l’Allemagne, mettant ainsi fin au débat autour de la «question Allemande» qui avait dominé la pensée stratégique collective européenne depuis la guerre franco-prussienne de 1870-71. Mais dans un monde ou les fondations de l’ordre international libéral s’effondre devant nos yeux, dont l’engagement résolu de Washington à rester engagé dans la lutte pour préserver la sécurité européenne, une Allemagne en manque de confiance, ce pays qui pourtant en jouissait lors de son brève histoire en tant qu’État-nation, ne peut être crédible pour porter la voix de l’Europe en face d’interlocuteurs américains, russes ou chinois. Dans son ouvrage «Leadership», l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger détaille sa rencontre avec le général de Gaulle en marge d’un sommet franco-américain. Pendant leur déjeuner à Versailles, Kissinger demanda au dirigeant français, « mais comment aller vous empêcher une résurgence allemande ? », de Gaulle lui répond alors sèchement : « Par la Guerre ». Évidemment, cette tribune ne tente pas de prôner un retour à la confrontation militaire avec l’Allemagne, mais plutôt une prise de conscience. Pour le souverainiste qu’était de Gaulle, il aurait considéré un président Trump-esque à la Maison Blanche comme étant une aubaine pour la France. De Gaulle savait très bien que les allemands restent des compétiteurs. Comme l’érudit Hans Kadnanis le souligne dans un de ses ouvrages, Berlin a su bâtir un Mitteleuropa géoéconomique, adaptée aux contraintes du 21ème siècle, dominant ainsi les pays qui l’entourent et la politique budgétaire de l’UE, tout en restant incapable de faire face aux menaces qui plannent et de tenir tête aux défis sécuritaires nombreux, de l’immigration incontrolé en passant par la Russie depuis 2008. Cette domination d’une Allemagne nouvellement réunifiée ne peut aller sans réponse, surtout dans une Europe où le facteur équilibrant de la Grande-Bretagne a décidé de se retrancher sur son île, laissant la France comme seul contrepoids face à un Berlin dominant mais vraisemblablement faible et douteux. Force est de constater que dans son essai datant de 2019, publié dans la revue américaine Foreign Affairs, le néoconservateur Robert Kagan ne s’est donc pas trompé dans son analyse- il envisageait une réapparition de la fameuse « question Allemande » dans le dialogue courant du continent et plus précisément de l’UE. Mais un président américain qui se désengage de manière brutale forcerait les européens à se tourner vers une autre puissance pour leur sécurité, conduisant à un affaiblissement de Berlin qui jusqu’ici tenter de devenir l’hégémon continental sous l’égide des États-Unis. Aujourd’hui, la France est en effet le seul pays de l’UE à posséder la dissuasion nucléaire et la seule véritable puissance à disposer d’une base industrielle de défense indépendante, contrairement à nos voisins allemands qui, il y a quelque temps, ont pris la décision unilatérale d’acheter du matériel américain et israélien au lieu de systèmes français pour réaliser leur projet de système de défense aérien European Sky Shield. Certains européens seront donc potentiellement tentés de percevoir Paris comme étant la garante de la sécurité du continent, surtout avec un Emmanuel Macron qui assume une rhétorique de plus en plus belliqueuse vis-à-vis de Moscou et un discours qui prône, même depuis l’avant 24 février 2022, l’autonomie stratégique européenne. En ce qui concerne le long terme, un désengagement (qui se serait produit avec ou sans le président Trump), pourrait ouvrir un espèce de vide de puissance sécuritaire qui pourrait bénéficier la France, permettant ainsi à Paris de renouer avec la pensée stratégique traditionnelle qui au fil des siècles à caractériser la politique continentale de la nation. Pour autant, il est nécessaire de reconnaître que malgré son arsenal nucléaire d’environ 290 ogives, son siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU et son industrie de défense (qui voit Paris devenir le deuxième plus grand exportateur d’armes au monde), la France ne pourra à elle seule protéger l’Europe ni diriger sa politique de défense. Cela nécessitera néanmoins une certaine présence américaine et un alignement resserré entre Paris et les capitales de l’Europe de l’Est notamment. Mais ces réalités n’empêchent pas une éventuelle montée en puissance. Seulement si l’Élysée et le Quai d’Orsay savent saisir l’opportunité historique qu’est la présidence de Donald Trump.
Alors que faire pour profiter in extremis de la présidence de Trump et devancer Berlin? Paris pourrait entamer un processus de rapprochement stratégique avec de nombreux partenaires, dont les États-Unis de Donald Trump et une poignée de pays européens. Tout d’abord, Macron doit impérativement s’aligner sur la position américaine en ce qui concerne l’Indo-Pacifique, au lieu de prononcer des injonctions en vers Washington lorsque qu’il déclare que la France et l’Europe ne se tiendront par forcément au côté de Taïwan et de son allié américain dans le cas d’une invasion de l’île autonome par la Chine de Xi Jinping- de tels déclarations hors-sol en vue de la menace stratégique que représente Pékin pour l’occident risquent de chauffer Washington à blanc. Ce genre de commentaire est d’autant plus inaudible lorsqu’on se rappelle que la France est une nation de l’Indo-Pacifique qui voit ses intérêts stratégiques régionaux et même globaux menacés par l’Empire du Milieu. Nul besoin de rappeler aux officiels que la diplomatie se joue tant sur le plan géopolitique que sur le plan psychologique. Trump est transactionnel de nature, ce qui laisse à penser que si la France rejoint officiellement la lutte contre la Chine en Indo-Pacifique, Trump soutiendra toute initiative de leadership français en Europe en retour. Si les américains sous Trump signalent qu’ils délèguent leur tâche de préserver la sécurité du continent à la France, cette dernière se retrouvera en position de force sur le continent et elle bénéficiera de la crédibilité nécessaire pour tout pays qui se veut capable de diriger la politique de défense européenne, une crédibilité que Berlin ne saurait avoir car elle manque de leviers géostratégiques sur lesquelles elle peut s’appuyer pour avoir l’aval de Washington, contrairement à Paris qui avec ses territoires d’Indo-Pacifique conserve un avantage important. D’ailleurs, Trump a souvent fait savoir son dédain pour la classe politique allemande qui ne l’intéresse guère et qu’il ne perçoit pas comme étant les garants de la sécurité européenne- on se souvient de la crise diplomatique qui s’était produite entre Washington et Berlin lorsque l’ambassadeur américain Richard Grennell, protégé du locataire de la Maison Blanche d’alors, s’était à l’époque mêlé des affaires politiques du continent, exprimant son soutien pour les populistes rivaux du parti au pouvoir. Alors que Macron ne s’est toujours pas prononcé sur la menace chinoise, il a tout de même réussi à faire preuve de subtilité lorsqu’il a su réunir le président-élu américain et le président ukrainien Volodymyr Zelenskiy au palais de l’Élysée en décembre, en marge de la réouverture de Nôtre-Dame, offrant ainsi un cliché de ce que pourrait ressembler le leadership français. Mais imaginez un instant la réaction de certains en Europe et en Ukraine si à la place d’Emmanuel Macron entre Trump et Zelenskiy se trouvait le chancelier Olaf Scholz- on serait tenté de se dire que Scholz avec sa politique d’apaisement aurait précipité la capitulation de Kiev. Cette pensée à elle seule prouve que c’est bel et bien la France qui doit prendre en main, avec d’autres acteurs capables, la sécurité d’une Europe en voie de disparition. Néanmoins, pour pouvoir diriger la politique de défense de l’Union, il faudra le faire en conjonction avec la puissance militaire qu’est aujourd’hui la Pologne, car il faudra coopérer avec ceux qui se sentent les plus menacés par les ambitions impériales de Moscou. Ceci est exactement ce que réclamait l’ancien député LR Jean-Louis Thiériot dans une tribune publiée dans l’édition mai/ juin 2024 de la revue Conflits. Varsovie, qui a de bonnes raisons d’être soucieuse des russes y compris des allemands à déjà signalé une volonté claire de tracer un chemin pour l’Europe main dans la main avec Paris, ce qui permettra ensuite de tisser des liens clair avec les autres pays de l’Europe centrale et de l’Est, tel que les pays baltes, la Tchéquie, la Roumanie et la Finlande pour en citer quelques uns.
S’agissant de l’Ukraine, les négociations qui approchent seront sans doute décisives pour le futur du continent. Mais au moment où beaucoup se disent que la nouvelle administration va laisser tomber l’Ukraine aux mains des russes, la réalité pourrait s’avérer tout autre. À peine quelques semaines avant l’inauguration du futur président, l’envoyé spécial pour la paix en Ukraine de ce dernier Keith Kellogg a dû avouer que la guerre ne pourrait se résoudre «en 24h», comme l’avait martelé le candidat Trump au long de la campagne. Cette prise de position a suscité une espérance chez certain que l’administration continuerait à fournir Kiev d’une aide militaire conséquente jusqu’à ce que la Russie viennent à la table des négociations. Dans le cas où ces efforts pour ramener les belligérants autour de la table seraient laissés sans réponse de la part de Moscou, Trump pourrait en effet se sentir personnellement insulté par le Kremlin et pourrait justement décider de fournir plus d’aide à l’Ukraine pour essayer de ne pas paraître faible aux yeux de ses adversaires et même de ses alliées. En connaissant le personnage, il y a peu de doute sur le choix qu’il ferait dans ces circonstances. De surcroît, beaucoup ne mentionnent pas certains exemples qui laissent penser que Trump se montrera ferme avec la Russie de Vladimir Poutine. D’emblée, on oublie souvent que ça reste le président Trump qui a été le premier président américain a approuvé l’envoie de missiles Javelin à Kiev, ce que Obama a refusé de faire, y compris après l’annexion de la Crimée en 2014. Ces missiles ont aidé la cause ukrainienne au début de l’invasion massive en 2022. Trump a également su réparer les erreurs commises par l’administration d’Obama en s’agissant de la Russie, en n’hésitant pas à frapper les dépôts d’armes chimiques de la Syrie de Bachar al-Assad en 2018 après une attaque chimique contre des opposants du régime, une opération qui avait été mené avec la France et le Royaume-Uni. Cette volonté de frapper ce régime soutenu par la Russie souligne le fait que Trump, contrairement à ce qu’on lui reproche, ne se plie pas forcément à la volonté de Moscou. Finalement, ses nouveaux conseillers, dont figurent les faucons Marco Rubio et Mike Waltz, pourraient l’encourager à couper l’axe russo-iranien en frappant les sites de recherche nucléaire iraniens et les sites de productions d’armement qui sont ensuite envoyés vers la Russie pour être employés sur le front ukrainien. Affaiblir ces deux parias, qui viennent de conclure un accord de coopération stratégique, améliora sans doute la position ukrainienne lors des négociations que Trump a en ligne de mire. Un cessez-le-feu ancré sur une base solide confortera la position française et européenne dans le paysage sécuritaire postbellum.
Mais alors en quoi Donald Trump pourrait-il pousser Paris à retrouver sa place naturelle au sein d’un ordre international qui est malheureusement chamboulé par le désir de multiples révisionnistes de déloger l’hégémonie américaine et par extension occidentale?
La réponse se trouve en grande partie outre-Rhin et dans l’histoire du continent européen.
En 1948 le secrétaire général de l’Otan d’alors le général Lionel Hastings a réussi à décrire le fil rouge de la mission de l’alliance atlantique, « de garder les américains, de repousser les soviétiques et de garder les allemands à terre ». Car si la nouvelle superpuissance américaine s’est implantée dans l’Europe d’après-guerre, elle l’a fait non pas seulement pour contenir Moscou mais aussi pour empêcher la montée en puissance de l’Allemagne, mettant ainsi fin au débat autour de la «question Allemande» qui avait dominé la pensée stratégique collective européenne depuis la guerre franco-prussienne de 1870-71. Mais dans un monde ou les fondations de l’ordre international libéral s’effondre devant nos yeux, dont l’engagement résolu de Washington à rester engagé dans la lutte pour préserver la sécurité européenne, une Allemagne en manque de confiance, ce pays qui pourtant en jouissait lors de son brève histoire en tant qu’État-nation, ne peut être crédible pour porter la voix de l’Europe en face d’interlocuteurs américains, russes ou chinois. Dans son ouvrage «Leadership», l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger détaille sa rencontre avec le général de Gaulle en marge d’un sommet franco-américain. Pendant leur déjeuner à Versailles, Kissinger demanda au dirigeant français, « mais comment aller vous empêcher une résurgence allemande ? », de Gaulle lui répond alors sèchement : « Par la Guerre ». Évidemment, cette tribune ne tente pas de prôner un retour à la confrontation militaire avec l’Allemagne, mais plutôt une prise de conscience. Pour le souverainiste qu’était de Gaulle, il aurait considéré un président Trump-esque à la Maison Blanche comme étant une aubaine pour la France. De Gaulle savait très bien que les allemands restent des compétiteurs. Comme l’érudit Hans Kadnanis le souligne dans un de ses ouvrages, Berlin a su bâtir un Mitteleuropa géoéconomique, adaptée aux contraintes du 21ème siècle, dominant ainsi les pays qui l’entourent et la politique budgétaire de l’UE, tout en restant incapable de faire face aux menaces qui plannent et de tenir tête aux défis sécuritaires nombreux, de l’immigration incontrolé en passant par la Russie depuis 2008. Cette domination d’une Allemagne nouvellement réunifiée ne peut aller sans réponse, surtout dans une Europe où le facteur équilibrant de la Grande-Bretagne a décidé de se retrancher sur son île, laissant la France comme seul contrepoids face à un Berlin dominant mais vraisemblablement faible et douteux. Force est de constater que dans son essai datant de 2019, publié dans la revue américaine Foreign Affairs, le néoconservateur Robert Kagan ne s’est donc pas trompé dans son analyse- il envisageait une réapparition de la fameuse « question Allemande » dans le dialogue courant du continent et plus précisément de l’UE. Mais un président américain qui se désengage de manière brutale forcerait les européens à se tourner vers une autre puissance pour leur sécurité, conduisant à un affaiblissement de Berlin qui jusqu’ici tenter de devenir l’hégémon continental sous l’égide des États-Unis. Aujourd’hui, la France est en effet le seul pays de l’UE à posséder la dissuasion nucléaire et la seule véritable puissance à disposer d’une base industrielle de défense indépendante, contrairement à nos voisins allemands qui, il y a quelque temps, ont pris la décision unilatérale d’acheter du matériel américain et israélien au lieu de systèmes français pour réaliser leur projet de système de défense aérien European Sky Shield. Certains européens seront donc potentiellement tentés de percevoir Paris comme étant la garante de la sécurité du continent, surtout avec un Emmanuel Macron qui assume une rhétorique de plus en plus belliqueuse vis-à-vis de Moscou et un discours qui prône, même depuis l’avant 24 février 2022, l’autonomie stratégique européenne. En ce qui concerne le long terme, un désengagement (qui se serait produit avec ou sans le président Trump), pourrait ouvrir un espèce de vide de puissance sécuritaire qui pourrait bénéficier la France, permettant ainsi à Paris de renouer avec la pensée stratégique traditionnelle qui au fil des siècles à caractériser la politique continentale de la nation. Pour autant, il est nécessaire de reconnaître que malgré son arsenal nucléaire d’environ 290 ogives, son siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU et son industrie de défense (qui voit Paris devenir le deuxième plus grand exportateur d’armes au monde), la France ne pourra à elle seule protéger l’Europe ni diriger sa politique de défense. Cela nécessitera néanmoins une certaine présence américaine et un alignement resserré entre Paris et les capitales de l’Europe de l’Est notamment. Mais ces réalités n’empêchent pas une éventuelle montée en puissance. Seulement si l’Élysée et le Quai d’Orsay savent saisir l’opportunité historique qu’est la présidence de Donald Trump.
Alors que faire pour profiter in extremis de la présidence de Trump et devancer Berlin? Paris pourrait entamer un processus de rapprochement stratégique avec de nombreux partenaires, dont les États-Unis de Donald Trump et une poignée de pays européens. Tout d’abord, Macron doit impérativement s’aligner sur la position américaine en ce qui concerne l’Indo-Pacifique, au lieu de prononcer des injonctions en vers Washington lorsque qu’il déclare que la France et l’Europe ne se tiendront par forcément au côté de Taïwan et de son allié américain dans le cas d’une invasion de l’île autonome par la Chine de Xi Jinping- de tels déclarations hors-sol en vue de la menace stratégique que représente Pékin pour l’occident risquent de chauffer Washington à blanc. Ce genre de commentaire est d’autant plus inaudible lorsqu’on se rappelle que la France est une nation de l’Indo-Pacifique qui voit ses intérêts stratégiques régionaux et même globaux menacés par l’Empire du Milieu. Nul besoin de rappeler aux officiels que la diplomatie se joue tant sur le plan géopolitique que sur le plan psychologique. Trump est transactionnel de nature, ce qui laisse à penser que si la France rejoint officiellement la lutte contre la Chine en Indo-Pacifique, Trump soutiendra toute initiative de leadership français en Europe en retour. Si les américains sous Trump signalent qu’ils délèguent leur tâche de préserver la sécurité du continent à la France, cette dernière se retrouvera en position de force sur le continent et elle bénéficiera de la crédibilité nécessaire pour tout pays qui se veut capable de diriger la politique de défense européenne, une crédibilité que Berlin ne saurait avoir car elle manque de leviers géostratégiques sur lesquelles elle peut s’appuyer pour avoir l’aval de Washington, contrairement à Paris qui avec ses territoires d’Indo-Pacifique conserve un avantage important. D’ailleurs, Trump a souvent fait savoir son dédain pour la classe politique allemande qui ne l’intéresse guère et qu’il ne perçoit pas comme étant les garants de la sécurité européenne- on se souvient de la crise diplomatique qui s’était produite entre Washington et Berlin lorsque l’ambassadeur américain Richard Grennell, protégé du locataire de la Maison Blanche d’alors, s’était à l’époque mêlé des affaires politiques du continent, exprimant son soutien pour les populistes rivaux du parti au pouvoir. Alors que Macron ne s’est toujours pas prononcé sur la menace chinoise, il a tout de même réussi à faire preuve de subtilité lorsqu’il a su réunir le président-élu américain et le président ukrainien Volodymyr Zelenskiy au palais de l’Élysée en décembre, en marge de la réouverture de Nôtre-Dame, offrant ainsi un cliché de ce que pourrait ressembler le leadership français. Mais imaginez un instant la réaction de certains en Europe et en Ukraine si à la place d’Emmanuel Macron entre Trump et Zelenskiy se trouvait le chancelier Olaf Scholz- on serait tenté de se dire que Scholz avec sa politique d’apaisement aurait précipité la capitulation de Kiev. Cette pensée à elle seule prouve que c’est bel et bien la France qui doit prendre en main, avec d’autres acteurs capables, la sécurité d’une Europe en voie de disparition. Néanmoins, pour pouvoir diriger la politique de défense de l’Union, il faudra le faire en conjonction avec la puissance militaire qu’est aujourd’hui la Pologne, car il faudra coopérer avec ceux qui se sentent les plus menacés par les ambitions impériales de Moscou. Ceci est exactement ce que réclamait l’ancien député LR Jean-Louis Thiériot dans une tribune publiée dans l’édition mai/ juin 2024 de la revue Conflits. Varsovie, qui a de bonnes raisons d’être soucieuse des russes y compris des allemands à déjà signalé une volonté claire de tracer un chemin pour l’Europe main dans la main avec Paris, ce qui permettra ensuite de tisser des liens clair avec les autres pays de l’Europe centrale et de l’Est, tel que les pays baltes, la Tchéquie, la Roumanie et la Finlande pour en citer quelques uns.
S’agissant de l’Ukraine, les négociations qui approchent seront sans doute décisives pour le futur du continent. Mais au moment où beaucoup se disent que la nouvelle administration va laisser tomber l’Ukraine aux mains des russes, la réalité pourrait s’avérer tout autre. À peine quelques semaines avant l’inauguration du futur président, l’envoyé spécial pour la paix en Ukraine de ce dernier Keith Kellogg a dû avouer que la guerre ne pourrait se résoudre «en 24h», comme l’avait martelé le candidat Trump au long de la campagne. Cette prise de position a suscité une espérance chez certain que l’administration continuerait à fournir Kiev d’une aide militaire conséquente jusqu’à ce que la Russie viennent à la table des négociations. Dans le cas où ces efforts pour ramener les belligérants autour de la table seraient laissés sans réponse de la part de Moscou, Trump pourrait en effet se sentir personnellement insulté par le Kremlin et pourrait justement décider de fournir plus d’aide à l’Ukraine pour essayer de ne pas paraître faible aux yeux de ses adversaires et même de ses alliées. En connaissant le personnage, il y a peu de doute sur le choix qu’il ferait dans ces circonstances. De surcroît, beaucoup ne mentionnent pas certains exemples qui laissent penser que Trump se montrera ferme avec la Russie de Vladimir Poutine. D’emblée, on oublie souvent que ça reste le président Trump qui a été le premier président américain a approuvé l’envoie de missiles Javelin à Kiev, ce que Obama a refusé de faire, y compris après l’annexion de la Crimée en 2014. Ces missiles ont aidé la cause ukrainienne au début de l’invasion massive en 2022. Trump a également su réparer les erreurs commises par l’administration d’Obama en s’agissant de la Russie, en n’hésitant pas à frapper les dépôts d’armes chimiques de la Syrie de Bachar al-Assad en 2018 après une attaque chimique contre des opposants du régime, une opération qui avait été mené avec la France et le Royaume-Uni. Cette volonté de frapper ce régime soutenu par la Russie souligne le fait que Trump, contrairement à ce qu’on lui reproche, ne se plie pas forcément à la volonté de Moscou. Finalement, ses nouveaux conseillers, dont figurent les faucons Marco Rubio et Mike Waltz, pourraient l’encourager à couper l’axe russo-iranien en frappant les sites de recherche nucléaire iraniens et les sites de productions d’armement qui sont ensuite envoyés vers la Russie pour être employés sur le front ukrainien. Affaiblir ces deux parias, qui viennent de conclure un accord de coopération stratégique, améliora sans doute la position ukrainienne lors des négociations que Trump a en ligne de mire. Un cessez-le-feu ancré sur une base solide confortera la position française et européenne dans le paysage sécuritaire postbellum.
Dans un monde où nos repères semblent se perdre, ou les fondations du monde unipolaire s’écroulent et où nous nous retrouvons au pied du mur, en tant que français et en tant qu’Européen, les circonstances appellent à un sursaut national et une revalorisation de la pensée stratégique basée sur la puissance française prôné par Richelieu, Louis XIV, Napoléon Ier etc. qui à permis le développement de la grandeur de la nation dont le général de Gaulle parlait avec tant de fierté. Et malgré le fait que Trump est souvent considéré comme étant un contributeur à la chute de ce monde qui s’effondre, la RealPolitik exige néanmoins à ce que la nation puisse percevoir l’occasion qu’il représente. On pourrait aller encore plus loin, car il y plus d’opportunités qui se profilent pour Paris tel que l’exportation massive des GNL en provenance des États-Unis à venir sous la nouvelle administration, offrant ainsi la possibilité de se détourner définitivement des sources d’énergies russes et algériennes, ou l’ambition d’une coopération franco-américaine rapprochée pour face aux menaces dans le Maghreb comme le suggère le fameux Project 2025 du think tank conservateur le Heritage foundation. Mais au-delà de la présidence de Donald Trump, cette tribune au fond plaide pour une prioritisation de l’Eurasie. Comme le géographe et diplomate britannique Halford Mackinder le prédit en 1904, «l’île mondiale» Eurasiatique sera la théâtre d’affrontement entre grandes puissances dans la lutte acharnée pour parvenir à l’hégémonie. Bien que la France en elle seule ne peut pas envisager de redevenir une grande puissance dans le sens propre du terme, une revalorisation de l’Europe et de l’Eurasie plus largement, à la place de l’Afrique ou le bon sens nous force à admettre que la politique de Paris depuis l’opération Harmattan de 2011 est une catastrophe qui voit aujourd’hui la France se faire rejeté par un grand nombre d’acteurs régionaux au bénéfice de la Russie et de la Chine, semble être la meilleur voie à emprunter si la France veut espérer peser dans le grand échiquier stratégique mondiale dans les décennies cruciales qui sont à venir. Saisir cette opportunité pour nouer avec un atlantisme nouveau, tout en restant lucide, et en renouant avec une politique continentale qui a façonné l’histoire de la nation, permettra à la France de retrouver sa place historique dans le système international et le concert des nations.
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