■ Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre une jeune étudiante iranienne, Ahou Daryaei, protester au harcèlement des gardiens de la révolutions en ôtant ses vêtements.
Bien sûr, j’aurais pu parler des élections américaines, et nous aurons bien entendu l’occasion d’y revenir dans le semaines qui viennent, mais ce qui m’a le plus touché et impressionné ces derniers jours c’est l’image de cette jeune iranienne, Ahou Daryaei, en sous-vêtements, assise au milieu de la rue.
Elle a trente ans, elle est étudiante en langue française de l’Université Azad de Téhéran a été prise à partie le samedi 2 novembre par les forces de sécurité de la faculté parce qu’elle ne portait pas de « maghnaeh », la tenue réglementaire couvrant les cheveux, les oreilles et le cou des femmes dans les établissements scolaires en Iran. En protestation elle s’est dévêtue et on la voit alors sur des vidéos postées sur les réseaux sociaux s’asseoir devant l’université avant de commencer à marcher dans la rue.
Quelques minutes plus tard, elle était arrêtée et on apprenait le 6 novembre qu’elle avait été transférée dans un centre « de soins spécialisés » c’est-à-dire une institution psychiatrique, comme si bien sûr, elle ne pouvait qu’être folle pour accomplir un tel geste. Personne ne sait quel sort lui sera désormais réservé, et on souvient que la jeune Mahsa Amini en septembre 2022 avait payé de sa vie le « port de vêtements inappropriés », ce qui avait été le point de départ du mouvement « Femme, Vie, Liberté ».
Alors la première réaction immédiate, viscérale, c’est l’admiration. L’admiration devant un tel courage, cette capacité d’affirmer sa liberté, sa volonté de résister à l’imposition d’un carcan idéologique et religieux qui nie l’individu.
La liberté de se vêtir comme on le veut et non pas comme d’autres le veulent. La liberté de la peau nue au soleil, et des cheveux arrimés au vent.
La liberté de penser ce que l’on veut et non pas ce que d’autres veulent pour vous. De penser loin et grand, de penser ici et ailleurs. De penser avec et contre.
La liberté de bouger, de courir, de danser, de sourire, de pleurer. La liberté des rondes, et des larmes séchées. La liberté de l’insouciance et des rires déployés.
La liberté d’aimer et de ne pas aimer, de lire et de raturer, d’écrire et de dessiner. La liberté de croire ou de ne pas croire, d’avoir foi en l’humain, en dieu, en la nature ou en rien.
La liberté d’être soi. La liberté de vivre tout simplement.
Et puis vient le temps de la crainte, de l’angoisse de ce qui va arriver à Ahou Daryaei, car évidemment avec le gouvernement des mollahs iraniens, il faut s’attendre au pire, car la liberté est l’ultime défi à leur régime.
Et puis vient le temps de la rage, lorsqu’on se dit que cet acte admirable est peut-être aussi celui du désespoir, quand on se dit que plus rien n’est possible, et que d’une certaine façon, il vaut mieux en finir avec cette vie empêchée. Car Ahou Daryaei savait qu’elle allait se faire arrêter, elle savait qu’elle prenait d’incroyables risques, elle savait que peut être plus jamais elle ne pourrait à nouveau fouler les trottoirs de sa ville ou aller en cours. La rage de son impuissance et de notre propre lâcheté, à nous pays «démocratiques ».
Mais il nous faut résister à cette rage et ne retenir que l’admiration, et l’espoir, car dans l’image incroyable de cette jeune fille assise au milieu d’une foule qui a l’air indifférente, où dominent le gris et le noir, elle dessine avec son corps un îlot clair, un halo de lumière. Oui l’admiration et l’espoir. C’est cela que nous devons à Ahou Daryaei.
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