Non, la poésie n’est pas morte...

 Claude Monet (1840-1926), Nymphéas avec rameaux de saule, 1916-1919. Huile sur toile, 160 x 180 cm.

La pause estivale offre à chacun le temps pour se ressourcer, se reconnecter avec les siens, sévader d’une actualité et d’un quotidien parfois pesants... En ce mois de juillet, Le Contemporain vous propose d’apporter une touche de poésie à votre été, et de savourer la plume d’une jeune et talentueuse poétesse, Sixtine Graziani, primée l’an passé par l’Académie des sciences morales des Lettres et des Arts de Versailles et dÎle-de-France. Place à l’Art !

Par Sixtine Graziani

Ganymède

Le ciel n’est qu’un arceau
Tu balances entre eau et vin
Mais tes yeux me font perdre pied
Je respire en buvant les larmes du verseau

Je suis enivrée, Uranus Uranus
Dévoile-moi le septième ciel
La voûte n’a jamais cédé
Dans tes yeux saphir et miel

Andromède et Médée
Andromaque et Thésée
Échanson, ta chanson
M’a enivrée

L’amour est un cycle infernal
Puisse celui-ci rester éternel
S’il s’agit de nos destinées
Gravées au-dessus des étoiles


Quand je ferme les yeux…

J’imagine un grand saule, abri contre le temps,
Contre le monde et qui saurait nous séparer
D’Apollon, d’Antéros. Un grand saule isolé
Un saule nostalgique au bord d’un vieil étang.

Un lieu plein de verdure et de lueurs de miel,
Où le temps se dilate et s’étende à son gré
Dès qu’on ne le voit plus comme un bijou sacré.
Pas pour passer les nuits; pour les rendre éternelles…

Un matelas de fleurs ou je m’allongerais,
Baignée dans le soleil à son apothéose,
Ou pour écouter les astres qui chanteraient…

Pour ce petit Éden, cette vive oasis,
Qu’offrirais-je ? Pour vivre un éternel sursis
Loin du chaos brisé d’un monde qui s’effondre !


Plutus

Tu es l’ostie et l’anathème
Tu es le « fuis » et le « je t’aime »
Tu es le sauveur et la croix
Je ne te vois pas je te crois

Passion inversées qui s’enlacent
Tu es la soif et le baptême
Prophétie passée qui s’efface

Les atomes fusionnent, égarant leur rengaine
Tu es mon énergie réponds à cet appel
Notre alchimie est trop profonde
C’est ma vie que ta langue épelle
Et si nos passés se confondent
Nos avenirs sont parallèles


Aux professeurs

Oui, Madame, je songe; irez-vous m’en punir ?
Saurez-vous me forcer, sur Terre, à revenir
Quand mon seul rêve n’est qu’une tente de toile
Pour tous les soirs pouvoir admirer les étoiles ?

L’amour est exclusif ainsi que la pensée;
Combien de vers se sont trop vite évanouis ?
Combien de rêves bleus sont devant nous passés ?
Combien de vérités ne nous ont pas réjouis ?

Rêvez donc avec moi, Madame; je vous jure
Qu’il n’est occupation plus réelle ou plus pure
Que de vouer aux passions son cœur et son esprit;
Pourquoi penser toujours qu’on en paiera le prix ?


Juillet dans les Alpes

Aux soirs rouges d’été, les montagnes se teignent
De bronze ou d’orangé ; un Apollon cupide
Change la neige sombre en torrent d’or liquide;
Pour un moment, c’est Rê qui sur l’Olympe règne.

Le blanc des glaces cède à la rousse douceur;
L’alpage rajeunit, son front nimbé d’or pur.
Muraille de lumière contre le soir obscur,
L’aiguille du midi brille à vingt-et-une heures.

Mais l’abîme de feu n’a vécu qu’un instant
Et le soleil s’éteint, dans la nuit qui s’étend.
Le mont redevient blanc et s’endort sous les cieux

Si clairs qu’on voit à peine les constellations;
Si la Lyre est là, éternelle inspiration,
Hercule tressaillit sous la fureur des dieux !

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