Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris, consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie et Président du Corps consulaire de Normandie.
La région de Normandie a été particulièrement touchée par ces faits à Incarville, où deux fonctionnaires ont perdu la vie, mais également à Rouen ou une personne, abattue par la police, a commencé à incendier la synagogue.
Cette violence est, également, très marquée en Nouvelle-Calédonie avec des émeutes et un gendarme tué.
Avant toute chose il est essentiel de soutenir et de se ranger derrière les forces de l’ordre qui nous protègent au quotidien, parfois au péril de leur vie.
Cette violence croissante mérite que l’on s’y attarde et l’exemple calédonien est, de ce point de vue, particulièrement significatif.
L’origine des troubles en Nouvelle-Calédonie procède d’un conflit ethnique.
Même si le métissage existe et représente 13% de la population néo-calédonienne, le conflit oppose les kanaks à la population d’origine européenne.
Le feu aux poudres a été mis par la volonté du gouvernement de procéder au « dégel du corps électoral ».
Depuis 2007, les listes électorales pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie sont gelées à leur état de 1998, ce qui limite le droit de vote pour ces élections aux personnes qui vivaient dans l’archipel avant 1998, en excluant les arrivants récents, qui représentent aujourd’hui 20 % de la population.
Peut-on imaginer un instant un tel gel du corps électoral dans l’Union européenne ?
Quelle qu’en soit la motivation ce gel passerait immanquablement pour un déni de démocratie.
Pour expliquer la situation insurrectionnelle actuelle l’ancien garde des Sceaux, Christiane Taubira a développé dans un communiqué de presse : « Un peuple en ces lieux refuse de décliner, de dépérir, de s’éteindre.
Ou simplement, de se faner, de renoncer à lui-même.
Ils sont ainsi, les peuples : attachés à leurs racines, leurs cultures, leurs mythes, leurs histoires, leur
géographie. »
Cette déclaration questionne à bien des égards.
J’ai toujours, pour ma part, condamné la violence et continue à le faire pensant que l’éducation et la connaissance de notre civilisation sont fondamentalement sources de progrès et l’unité.
La question mise sur la table par l’ancien garde des Sceaux semble sonner le glas d’une sorte de multiculturalisme qu’elle présente comme acculturant, finalement, un peuple vernaculaire.
Elle pose la question de l’autodétermination des peuples.
Ce principe de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes fait souvent consensus, mais il se trouve, en l’espèce, confronté au wokisme, à l’histoire et à la réalité démographique de l’île.
Mais quelle serait la réaction des Français métropolitains si une telle situation se présentait en Bretagne ou celle des Allemands si la Bavière revendiquait son indépendance pour des motifs identiques ?
La question est donc de savoir, tout d’abord, ce qui caractérise un peuple mais, également, ce qui rassemble pour caractériser une nation.
Cette question est aujourd’hui essentielle et risque si nous n’y prenons pas garde de se poser rapidement sur d’autres territoires que la Nouvelle-Calédonie.
Elle masque une réalité, celle de l’échec de l’intégration.
Il n’entre pas dans ce propos de rechercher une solution, ni même d’en proposer une pour la Nouvelle-Calédonie, mais simplement de pousser un cri d’alerte sur l’émergence de fractures multiples dans les pays européens qui au-delà des problématiques de violence, d’intégration, de religion, sont aussi confrontés au défi de leurs propres identités.
Si nous voulons y faire face, il ne faut plus des mesures qui s’additionnent les unes aux autres.
Il faut peut-être rechercher l’élan de la construction d’un projet de société, en profondeur, rassembleur, centré autour du bien commun dont il reste encore à trouver l’incarnation.
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