Il n’y a pas surpopulation, au contraire !

 Plastique sur la surpopulation au Musée Néandertalien, Mettmann

Par Yves Montenay - Centralien, Sciences Po, docteur en démographie politique. Il a eu une double carrière de chef d’entreprise et d’enseignant en grandes écoles. Il est l’auteur d’ouvrages de démographie et de géopolitique et tient le blog de géopolitique yvesmontenay.fr.

J’entends partout : « il y a trop d’hommes sur terre, c’est mauvais pour la planète », ou, de la part des féministes, « les femmes prennent le gros de la charge des enfants, cela nuit à leur physique, à leur carrière, et creuse les injustices par rapport aux hommes. ». Ou encore « avec les robots et maintenant l’intelligence artificielle, on va vers un chômage de masse. Pourquoi avoir des enfants qui n’auront pas de travail ? »

Je suis démographe, et je sais qu’au contraire nous manquons d’enfants et la catastrophe va arriver : il y a de moins en moins d’enfants et d’adultes mais le phénomène est masqué par l’augmentation du nombre de vieux. Faute d’adultes pour s’occuper d’eux ils vont devoir travailler jusqu’à la limite de leurs forces, au-delà de 80 ans comme c’est déjà commencé dans certains pays.

I. Ce n’est pas la population qui compte, mais son âge


Prenons l’exemple de la Chine : depuis quelques générations, la politique de l’enfant unique était très durement imposée, avec notamment des sanctions envers les femmes soupçonnées d’être enceintes pour une deuxième fois. Il y a donc des dizaines d’années que je tire la sonnette d’alarme pour la Chine.

Première conséquence en Chine : il n’y a plus assez de couples pour acheter les logements qui ont été lancés, et achetés sur plan pour placer son épargne. Une grande partie de ces logements ne seront jamais habités, et l’épargne des acheteurs sur plan sera perdue : on ne pourra plus payer l’hôpital ni avoir de ressources pour ses vieux jours.

Pour l’instant, les seniors meurent moins, tout simplement du fait que la nourriture est maintenant en quantité suffisante, sans parler des progrès de la médecine. Bref l’augmentation du nombre de quadragénaires et de seniors a caché » la diminution du nombre de jeunes.

Et dans une dizaine d’années les dernières générations de femmes de 40 à 45 ans vont être divisées en deux, comme c’est déjà fait pour celles de moins de 40 ans, le nombre de naissances déjà très bas va encore diminuer.

II. Et c’est pareil ailleurs dans le monde

Et n’oublions pas que le Japon, Taïwan et la Corée sont dans des cas encore pires, avec moins d’un enfant par femme en Corée du Sud. N’oublions pas non plus que l’Europe en est à 1,51, les États-Unis à 1,66 et l’Amérique latine, naguère considérée à démographie galopante à 1,78 (source INED). Je rappelle qu’il faut 2,1 enfants par femme pour renouveler les générations.

On pense en général que les pays musulmans sont particulièrement féconds : c’est encore vrai dans le cas des pays les moins développés, tels que le Niger (6,6) ou l’Afghanistan (4,29). Ce n’est plus vrai ailleurs, avec un taux de fécondité de 1,67 en Iran, 1,85 en Turquie, 2,12 en Indonésie ou 2,24 au Maroc.

Et l’Inde est maintenant tombé à 1,98. Et la chute continue !

Reste par contre l’Afrique subsaharienne où la croissance de population est encore rapide, mais où la fécondité baisse nettement, même si elle reste très au-dessus du reste du monde : à 4 enfants par femme, il y a encore presque un doublement par génération, mais on vient d’un triplement et davantage.

L’augmentation de la population africaine ralentit et ne suffira bientôt plus pour que la population mondiale continue (apparemment) à croître. Et bientôt on la considérera comme bienvenue pour faire tourner les économies du Nord.

III. Une catastrophe inévitable, mais longtemps invisible

Quand le nombre de jeunes commence à diminuer, peu de gens s’en aperçoivent. Dans un deuxième temps, la population active commence à diminuer alors que le nombre de vieux continue à augmenter et la main-d’œuvre manque. C’est le cas dans l’ensemble des pays du Nord. Ensuite on s’aperçoit qu’il y ait moins de parents et le nombre d’enfants chute encore plus.

Parallèlement arrivent les problèmes de retraite, et le système politique fait indirectement pression sur les jeunes pour maintenir le niveau de vie des retraités, alors que le nombre de cotisants diminue. Résultat : les jeunes émigrent.

Les employeurs font pression sur les politiques pour trouver les bras et les cerveaux qui leur manquent, mais ces mêmes politiques sont soumis à la pression de la partie traditionaliste des électeurs qui craignent cette immigration (il n’est pas dans l’objet de cet article de dire si cette crainte est justifiée ou non).

Inutile de vous dire ce qui va se passer ensuite, ou, si vous manquez d’imagination, en voici une description littéraire.

IV. Ceux qui craignent la surpopulation ont 40 ans retard !

On voit que ce n’est pas le chiffre total de la population qui compte, mais sa composition par âge. Un ami m’a dit : « la Chine a perdu quelques millions d’habitants, mais elle en a 1 400 millions, donc ce n’est pas grave ». Il n’a pas vu qu’il y avait de moins en moins de jeunes et de plus en plus de de vieux et que la chute allait s’accélérer.

Pourtant, autour de moi, bien des jeunes couples démontrent qu’avoir des enfants ne signifie en pas une « mise des femmes aux travaux forcés », chacun s’arrangeant au mieux pour répartir les tâches… et les plaisirs.

Enfin demandons à ceux qui sont effrayés par la surpopulation ce qu’ils feraient s’ils avaient un pouvoir absolu : interdire les enfants et donc euthanasier les vieux qui ne peuvent pas vivre sans le soutien des adultes ?

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