« Les chroniques de l’Empire » : Joachim Murat, le sabre de Bonaparte

 Joachim Murat (1767-1815), maréchal de France, roi de Naples

Une existence à nulle autre pareille ! Si l’Empereur estime que sa vie est un roman, celle de cet homme ne l’est pas moins. Par le jeu des circonstances et favorisé par les bouleversements de la Révolution française, Joachim Murat se voit hisser de la paysannerie à la royauté. Arrêtons-nous sur quelques moments de son existence.

Par Werner Legrand-Montigny - Chroniqueur du Contemporain.

Joachim voit le jour le 25 mars 1767, c’est un enfant, semble-t-il, remuant et bagarreur. Il fait un bref passage chez les lazaristes mais abandonne cette voie pour vivement rejoindre le régiment des chasseurs des Ardennes en 1787. Il intègre ensuite le 12e régiment de chasseurs à cheval.

La Révolution offre à cet homme des perspectives encore insoupçonnées. L’abolition des privilèges lui présente une carrière jusqu’alors impossible à envisager. Murat est décrit comme ambitieux, carriériste et opportuniste, mais le plus adéquat serait plutôt de le dépeindre comme sagace et voyant loin. Il a su tirer parti des évènements de son époque et s’entourer des bonnes personnes. Doit-il en être blâmé ? Certes non, mais cela ne s’est pas fait sans mal. La rencontre avec Bonaparte, en 1795 à Paris, scelle la suite de son parcours, et ces brillants officiers deviennent plus tard compagnons d’armes en Italie. Enfin, celui qui est amené un jour à régner sur Naples, fournit une aide capitale un fameux 18 brumaire de l’an VIII, à celui qui, peut-être en son cœur, songe déjà à de hautes fonctions… Dès lors ces deux lions sont unis près d’un quart de siècle pour une aventure à nulle autre pareille.

Bien entendu, Murat n’est pas insensible aux honneurs mais sait s’en montrer digne et reconnaissant à son bienfaiteur, l’Empereur. Il est comblé de titres, de récompenses, pensions diverses et finit par entrer dans la famille impériale. Le 20 janvier 1800, il épouse la plus jeune sœur de Napoléon, Caroline Bonaparte.

Dans les situations impossibles et parfois même désespérées, Napoléon peut compter sur ce « Gascon », cet « Achille » des temps modernes sur les champs de batailles européens. Il se couvre de gloire en Egypte, en Italie et lors de maintes batailles. Marengo, Austerlitz, Iéna, Eylau, la Moskowa… On lui reprochera souvent de ne pas être économe de la vie de ses hommes, engloutissant de nombreuses ressources lors des campagnes. Fait étonnant, il reçoit un jour une étrange blessure à Aboukir. Une balle lui traverse les joues sans faire d’autres dégâts. Ses mâchoires, ses dents, sa langue sont intactes !

Les relations entre Murat et Bonaparte ne sont pas à proprement parler très cordiales. A tout le moins, ils se supportent et Murat doit souvent composer et s’effacer devant l’Empereur. Deux caractères si dissemblables, des points de vue différents sur la conduite des affaires de l’Empire finissent par séparer les deux hommes au fil des années. L’Empereur n’écoute pas ou bien peu Murat, leur correspondance est au vitriol, cinglante, sans quartier ! Peut-être Bonaparte aurait-il dû prêter une oreille plus attentive parfois, car les réflexions de Murat n’étaient pas dénuées de sens. Mais comme toujours, et quelque soit son état, général, maréchal, duc, prince ou roi, Murat doit céder à la volonté impériale. L’Empereur le rudoie, l’humilie, et les éclats entre ces colosses sont terribles. Toutefois, Murat finit par rentrer dans le rang, mais ce ne sera plus le cas en fin de carrière.

Murat aime le beau et le porte bien. Il arbore les uniformes les plus flamboyants, réalisés dans les plus belles étoffes, au grand dam de son beau-frère qui ne manque un jour de le lui reprocher, l’affublant de ressembler à Franconi, célèbre acteur de l’époque. Sous les pinceaux d’Antoine-Jean Gros, il est très facile de reconnaitre le prince Murat et l’on peut facilement dire « qu’il n’abdiquait pas l’honneur d’être une cible. »

 Portrait équestre du roi de Naples.

Cet élégant prince possède un goût certain pour les beaux bâtiments et acquiert au fil du temps de nombreuses propriétés. L’une des plus célèbre est sans nul doute le palais de l’Elysée, construit en 1720, donné en cadeau à la marquise de Pompadour par le roi Louis XV. Cet hôtel, devenu palais avec Joachim et Caroline Murat, est acheté 570 000 francs en 1805. Murat s’entoure de conseillers avisés pour les décorations du palais. Il acquiert de nombreuses toiles de maîtres et des sculptures de choix. Les époux Murat s’accommodent de leurs infidélités respectives, ce qui ne les exonère pas, de temps à autre, à de violentes disputes au sujet de leurs amants. Quand l’Empereur s’en mêle, aucun serviteur ne se hasarde dans les couloirs, les murs du palais tremblent aux vociférations des protagonistes !

 Caroline et Joachim Murat

Fortuné, influent, ce beau charmeur et grand prince n’est pas oublieux des siens. Il recommande certains membres de sa famille, des amis et des alliés. Quelques-uns lui doivent toute leur carrière. Très populaire au sein de l’armée, il s’avère également fin diplomate en Italie et pendant le Consulat. L’Empereur le sait et utilise les dons de son beau-frère. Et pourtant, il s’en méfie de plus en plus le temps passant.

Murat n’a-t-il pas songé une certaine indépendance pour son royaume de Naples et d’unifier l’Italie ? Impensable pour Napoléon qui le lui rappelle avec force humiliations, même si « Joachim Ier » se montre un souverain éclairé et judicieusement épaulé par son épouse Caroline.

Aimé de ses hommes, il rafle de nombreuses victoires avec eux et cette superbe cavalerie française, l’arme noble de l’époque. Sa bravoure est saluée partout, même chez les cosaques. Toute manifestation guerrière mise à part, voilà qui donne à réfléchir à ce qu’est, le courage et le mérite.

Parmi ses faits d’armes les plus célèbres, le plus glorieux fut sans conteste à la bataille d’Eylau en février 1807. Les Russes et les Prussiens opposent une résistance farouche. Napoléon fait donner la Garde impériale, mais le sort de la bataille reste indécis. L’Empereur s’adresse alors à Murat : « Nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là ? »

A cet instant, obéissant à son empereur, Murat rassemble toute la cavalerie disponible, les brigades légères de Colbert et de Bruyère, les dragons de Grouchy, Klein et Milhaud, les lourds cuirassiers d'Hautpoul, au total 80 escadrons, environ 12 000 hommes. C'est l'une des plus grandes charges de cavalerie de l'Histoire !

Pour savoir comment cela s’est passé, du moins en partie l’imaginer, voyez et écoutez le récit qu’en fait l’actuel descendant du prince Murat : Joachim Charles Napoléon Murat, prince de Pontecorvo. (Cliquez ici)

Mais cette victoire française à la Pyrrhus laisse encore un goût amer. La charge est héroïque mais le prix bien trop élevé.

Murat est auréolé de gloire durant bien des années et mènera d’autres batailles.

Après celle de la Moskowa, il y eut Leipzig, qui marque la plus lourde défaite pour Napoléon. Après la bataille de Tolentino, le roi Joachim regagne sa ville de Naples. C’est alors qu’il est déchu de son titre royal.

A la fin, il s’ensuit plusieurs manœuvres désespérées, des négociations et des pérégrinations sans espoir. Mais ceci est une autre histoire.

Références de l’auteur

  • Murat, de Jean Tulard, universitaire et historien, membre de l’Institut.
  • Murat 1767-1815, de Jean-Claude Gillet, de l'école militaire de Saint-Cyr, diplômé de lettres classiques.
  • Joachim et Caroline Murat, de Michel Lacour-Gayet, licencié en histoire, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris

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