« Les chroniques de l’Empire » : L’Empereur et les plaisirs du palais

 Napoléon mangeant aux côtés de ses soldats.

Par Werner Legrand-Montigny - Chroniqueur du Contemporain.

Avoir l’Empereur à sa table ou être invité à la sienne peut vite se transformer en course et relever de la compétition. En temps ordinaire, il ne passe guère plus de dix à douze minutes à table.

En effet, Napoléon n’a que peu de patience lors des repas. Rapide, il avale le sucré et picore le salé indifféremment, ce qui pour certains d’entre nous, aurait pour effet de nous retourner l’estomac !

Il n’est pas rare de le voir quitter la table, la nappe maculée de taches. Même traitement pour son uniforme, lui pourtant si soigneux de sa personne, changeait fréquemment de vêtements après ses repas.

Napoléon ne traîne pas devant son assiette, il s’impatiente et expédie volontiers ses repas, debout, assis ou à cheval. Autant est-il précis et minutieux lors de la conception d’un plan de bataille, autant est-il brouillon lorsqu’il se restaure. Il est en effet décrit comme « irrégulier dans ses repas et mangeait vite et mal », selon Brillat-Savarin.

Son premier valet de chambre, Louis-Constant Wairy, dit Constant, vit dans l’intimité de son maître. De fait, il connait bien ses habitudes et relate dans ses mémoires : « Douze minutes était le temps consacré à Paris, pour le dîner, que l’on servait à six heures. Napoléon se levait de table et laissait l’impératrice avec les autres convives continuer le repas à leur guise. Son déjeuner, qu’il prenait seul à neuf heures et demie, ne durait pas plus de huit minutes. »

Le fait d’engloutir de la nourriture à peine mâchée, provoque chez Napoléon des indispositions : « L’habitude de manger précipitamment causait parfois à Sa Majesté de violents maux d’estomac qui se terminaient presque toujours par des vomissements. »

Louis-Joseph Marchand, dernier valet de chambre et fidèle compagnon de l’Empereur jusqu’à la fin, rapporte au sujet de la nourriture impériale : "Les mets les plus simples étaient ceux qu'il préférait : les lentilles, les haricots blancs, les verts qu'il aimait beaucoup, mais qu'il craignait de manger par la crainte d'y trouver des fils qui, disait-il, lui faisaient l'effet de cheveux, et dont la seule pensée lui soulevait le cœur ; la pomme de terre arrangée de toutes les façons lui plaisait beaucoup, même cuite à l'eau ou sous la cendre." Le tout était arrosé de Chambertin, son vin préféré.

Mais avant d’être cet « Aigle foudroyé », Bonaparte ne s’y est pas trompé. Il connait le goût de ses hôtes de marque et grands diplomates pour « la bonne chère ». Pour cela, il se tourne vers son ministre des Affaires étrangères, le prince Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, mais également vers l’Archichancelier Jean-Jacques Régis de Cambacérès, fait duc de Parme en 1808.

L’Empereur leur dit un jour : « Recevez à ma place. Donnez au moins deux diners dont un de grand apparat chaque semaine et accueillez à vos tables toutes les personnalités françaises et étrangères de passage à Paris auxquelles nous avons à faire honneur ».

Ceci n’est pas sans nous rappeler le récent dîner donné sous les ors de Versailles au roi Charles III et à la reine Camilla, hôtes de prestige de la France durant quelques jours.

Les tablées impériales sont prestigieuses et les mets les plus fins et délicats y sont dégustés et Bonaparte met un point d’honneur à avoir, dit-on, « la meilleure table d’Europe ».

Il a d’ailleurs attaché à son service, les plus grands noms de la cuisine de son époque. Citons François Claude Guignet, dit Dunant, inventeur du renommé poulet Marengo. Nous trouvons ensuite André Viard auteur du fameux ouvrage : Le Cuisinier impérial, ou l’art de faire la cuisine et la pâtisserie pour toutes les fortunes.

Mais le plus célèbre d
’entre eux est sans conteste Antonin Carême, « roi des chefs et chef des rois ». Il passera d’ailleurs au service Talleyrand, avec une notoriété allant bien au-delà de nos frontières.

Lors du congrès de Vienne en 1814, Antonin Carême est du voyage avec le prince de Bénévent. Ce stratège et terrible duc de Talleyrand, demande à son cuisinier de se surpasser au regard de ses prestigieux invités. L’erreur n’est pas permise.

Antonin Carême présente alors, « un vol-au-vent nappé de ragoût de laitance de carpe », et bien d’autres merveilles.

Durant une décennie, ce maître queux de génie n’a de cesse d’user ses casseroles d’une cour à une autre, partout en Europe. Mais ceci est une autre histoire.

1 Commentaires

  1. Top! Détails de l'histoire toujours intéressants à connaître.

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