Ukraine : La Guerre des Trois

 Vladimir Poutine lors d’un discours lors de la cérémonie de signature des accords sur l’annexion des régions de la RPD, de la RPL, de Zaporozhye et de Kherson à la Russie.

Le conflit déclenché par le Kremlin en Ukraine a conduit la planète à se définir en fonction de cette guerre. Les uns pour des valeurs géographiques en redessinant l’histoire à leur manière, les autres en consolidant les structures de défense de la démocratie et les derniers en calculant les avantages nationaux possibles à en tirer. Pendant ce temps, en cette nuit du 15 au 16 mai 2023 un bombardement sans précédent de missiles russes s’abat sur Kiev, avec les civils comme victimes potentielles.

Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

I. Début de conflit

De l’Est-Ouest au Nord-Sud qui définissaient globalement l’ère post 1945 puis post coloniale, nous sommes passés à une guerre découpant la planète en trois. La géographie y joue un rôle, mais plus mineur que dans les conflits passés, car il s’agit d’une carte des valeurs et des intérêts plus que d’une simple redéfinition de régions. La tentative de grattage de km2 par l’agression des russes est une forme antique de volonté d’hégémonie dans un monde qui s’organise bien plus par les échanges commerciaux et les affinités politiques ou diplomatiques que par les actes de guerre « à l’ancienne ». Le Kremlin est dirigé par de vieux nostalgiques, on ne pouvait donc pas en attendre autre chose que le chaos, compte tenu des historiques personnels des membres de la Douma (chambre basse), dans l’ombre de V. Poutine. La culture mafieuse de l’ex KGB a perduré, pour le malheur des Ukrainiens, et à terme, des Russes également.

II. L’agresseur

Dans cette idiotie morbide de l’histoire moderne, la Russie, la Chine et l’Iran se sont associés à des degrés divers, constituant une sorte de bloc de culture despotique. L’Afrique du Sud tente d’y jouer un rôle également sur l’armement et le Brésil protège ses importations d’engrais en provenance de Russie en rejoignant le groupe. La Chine reste néanmoins en phase avec ses intérêts directs en évitant le piège de la guerre tout en vassalisant la Russie et l’exploitation de ses matières premières à bas prix. La négociation de leur indéfectible amitié en quelque sorte. L’Iran, pourtant culturellement à l’opposé de la société russe d’un point de vue religieux et culturel, s’associe plus directement par la vente d’armes au conflit sur le terrain. Mais ces pays constituent clairement un ensemble protagoniste actif de cette guerre, côté agresseur, même si la Chine et le Brésil portent un masque de faiseurs de paix, circonstanciel.

III. L’ennemi de toujours

L’OTAN, qui aurait été autrefois le seul groupement de pays en opposition, reste la puissance occidentale clairement unie dans le renouveau d’une défense des valeurs démocratiques sans toutefois mettre directement le doigt dans l’engrenage. La dissuasion doit rester la dissuasion, et la mondialisation commerciale reste active, y compris avec la Chine, pendant ce conflit. L’armement, progressivement de plus en plus efficace de l’Ukraine, est le moyen de cette guerre par procuration que livrent les Etats-Unis, en tête des pays alliés incluant l’Europe pour aider l’Ukraine à gagner sur le terrain. L’inclusion récente d’un des pays les plus frontaliers de la Russie dans l’OTAN (la Finlande) conforte l’idée qu’une tension extrême internationale consolide les alliances de défense, à l’envers de la stratégie russe, s’il y en a une. On ignore aujourd’hui encore jusqu’où le « conventionnel » pourra renvoyer les russes chez eux sans déclencher l’apocalypse. Mais c’est l’idée, puissante, avec ses limites inconnues.

IV. Les sudistes

Le troisième « camp » de ce conflit est celui qui ne dit mot et consent. C’est une forme de neutralité calculatrice des bénéfices à obtenir, ou des risques de punition à recevoir. Le principal effet est un refus des sanctions vers la Russie. C’est donc l’ensemble des nations « en devenir » pour qui les urgences ne sont pas les alliances politiques mais la résolution des problèmes internes. L’Inde, récemment pays le plus peuplé du monde, est emblématique de cette posture qui peut conduire à traiter avec tous les protagonistes, sans se préoccuper du droit ou des valeurs. Elle a multiplié par 22 ses importations de pétrole russe. Cela reste essentiellement une recherche de stabilisation voire de progrès économique pour la nation. L’aspect géopolitique est secondaire dans leur cas, et ils sont l’un des principaux acheteurs du Rafale français (avion de combat). D’une certaine façon, la neutralité garde toutes les portes ouvertes. D’autres pays sont dans ce glacis un peu brouillon, évitant les risques de rupture à court terme sur l’énergie, l’alimentaire ou d’autres besoins à gros volumes indispensables. On y trouve le Nicaragua, l’Erythrée, le Mali et dans une forme plus abstentionniste, l’Angola, l’Ethiopie, l’Algérie, la Guinée ou le Mozambique. Ces derniers pays restent sur une traditionnelle relation historique avec l’URSS puis la Russie. Mais aucun de ces pays ne « signe » une coopération militaire de type OTAN, restant ainsi un regroupement théorique de ceux qui ne veulent pas s’en mêler, pour résumer.

V. Rappel

Pour ceux qui pensent à juste titre que l’Ukraine est un pays agressé par un autre, on peut ajouter que cette guerre est mondiale depuis son déclenchement, dans une mise en œuvre mortelle pour les soldats et civils ukrainiens, comme pour les soldats russes. Ce drame a pour enjeux les matières premières et les valeurs ajoutées technologiques, dans une forme d’opposition de l’ère moderne face aux sursauts de régimes obsolètes. A la fin, on risque de moins compter les morts que les milliards, alors pour d’en souvenir, à ce jour : 100.000 morts ou blessés en Ukraine ; 200.000 morts ou blessés en Russie.

Peu importe que ces chiffres soient justes ou approximatifs, même divisés par 10 ils seraient effrayants.

Le Kremlin en est seul responsable, chercher ailleurs serait une complicité.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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