La guerre du macronisme n’aura pas lieu

 Emmanuel Macron.

Nous abordons désormais le dernier tiers du second quinquennat d’Emmanuel Macron et la question de son héritage et donc en filigrane celle de la survie du « macronisme » va se poser de façon de plus en plus forte, a fortiori dans un contexte où le Président de la République semble condamné à subir les évènements jusqu’à la fin de son mandat et donc peu à même d’infléchir la politique suivie avant son départ. Notre réponse à cette question est assez simple et lapidaire, il ne restera rien du « macronisme » car sa seule « substance », ce qui le constitue de façon unique, c’est la personne même d’Emmanuel Macron et rien d’autre. Sans Emmanuel Macron au pouvoir le « macronisme » ça n’existe pas.

Ici il faut se rappeler qu’en 2014 lorsque le jeune Emmanuel Macron avait fait irruption sur la scène politique, l’attrait de la nouveauté, un style et une personnalités présentés comme disruptifs – y compris dans le mise en récit du couple formé avec Brigitte Macron , une promesse de renouveau dans la manière de faire de la politique, et un « en même temps » annonciateur de synthèses fructueuses, l’ensemble de ces différents ingrédients avaient constitué la base du cocktail de son élection. On pouvait alors penser que le « macronisme » entendu comme doctrine politique prendrait corps et se consoliderait autour de ces marqueurs. Or en 2025 force est de constater qu’il n’en est rien.

Tout d’abord Emmanuel Macron a été incapable de structurer réellement un parti avec une doctrine et un positionnement clairs, autre que la fidélité à son fondateur. Concrètement le parti du Président est un banal parti de centre droit et on serait bien en peine de définir le corpus idéologique distinctif de ses soutiens. On notera d’ailleurs le passage d’un « En Marche ! » – mouvement qui reprenait les initiales du jeune président et pouvait laisser envisager la naissance d’un corpus idéologique spécifique – à LREM puis à Renaissance, nom de parti creux, qui pourrait être celui d’un fonds d’investissement ou encore celui d’une offre de formation en développement personnel. Comme si le « macronisme » avait été dilué avant d’avoir avant pris la moindre consistance.

Sur le plan économique Emmanuel Macron a défendu sans faillir une politique de l’offre, pro-business, d’une facture libérale classique, en somme ce qu’on pouvait attendre d’un ancien banquier d’affaires. Le « en même temps » s’est avéré être une valse hémiplégique où la jambe droite servait de seul soutien, là aussi sans aucune originalité.

Sur le plan social on serait bien en peine de citer une seule réforme d’envergure, et la réforme des retraites qui portait à l’origine dans le programme du candidat de 2017 l’ambition d’un changement de paradigme à travers la mise en œuvre d’une retraite à points est devenue un habituel projet de décalage de l’âge de départ.

Quant à la promesse de renouvellement des pratiques politiques, étendard brandi en 2017 à travers la notion de « République exemplaire » non seulement elle n’aura pas été tenue, mais on ne peut que constater un affaissement continu des standards en la matière tout au long des deux quinquennats. Il y a d’abord toutes les nominations qui semblent surtout tenir du copinage et du fait du prince comme celle, qui pourrait presque prêter à sourire, d’un Christophe Castaner à la tête à la tête de la société des Autoroutes et du tunnel du Mont Blanc, à celle beaucoup plus problématique d’un Richard Ferrand, sans expertise juridique réelle et impliqué dans plusieurs affaires judiciaires, à la tête du Conseil Constitutionnel. Et puis il y a le soutien sans faille affiché pour Alexis Kohler, le principal et plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron, malgré sa mise en examen dans l’affaire MSC, ou encore les nominations récentes et incompréhensibles d’une Rachida Dati ou d’un François Bayrou eux-mêmes impliqués dans plusieurs affaires judiciaires en cours.

Le symbole des multiples rencontres entre Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy, malgré sa condamnation définitive dans l’affaire dite des écoutes, ayant finalement montré à quel point les promesses n’engagent décidément que ceux qui veulent bien y prêter attention.

Et puis comme un dernier clou dans le cercueil d’un « macronisme » mort avant d’avoir été vivant il y a la nomination de Sébastien Lecornu. Le nouveau Premier Ministre semble tellement aux antipodes d’Emmanuel Macron en termes de parcours et de personnalité, qu’on pourrait presque y voir l’aveu de l’impossible survie du "macronisme" aux mandats du Président.

Alors qu’Emmanuel Macron apparaissait comme un « outsider » de la vie politique, avec une expérience de la « vie civile », Sébastien Lecornu est un apparatchik, un professionnel de la politique qui n’a rien fait d’autre depuis ses 20 ans et semble déterminé à y passer le reste de sa carrière comme en témoigne son élection comme sénateur à 34 ans. Alors qu’Emmanuel Macron n’avait jamais été élu avant son accession à l’Élysée, Sébastien Lecornu a lui collectionné tous les mandats possibles (maire, conseiller départemental puis président de conseil départemental, sénateur).

Alors qu'Emmanuel Macron rechignait à assumer un positionnement sur l'échiquier politique, Sébastien Lecornu est un homme de droite, sans discussion possible.


Alors qu’Emmanuel Macron est énarque, membre du prestigieux Corps de l’Inspection Générale des Finances, Sébastien Lecornu a pour seul bagage universitaire une licence de droit.

Alors qu’Emmanuel Macron aime cultiver une image d’intellectuel – on se rappellera la mise en avant répétée de son compagnonnage avec Paul Ricoeur ou sa propension à faire des discours -, Sébastien Lecornu lui aime à évoquer son grade de colonel de réserve de la gendarmerie Nationale.

En somme deux profils différents de façon quasi caricaturale, qui semblent uniquement reliés par la fidélité sans faille de l’un envers l’autre.

Ainsi, où que l’on se tourne on ne trouve aucun appui pour définir le « macronisme », et le nouveau premier Ministre – nous pensons par ailleurs qu’il n’y aura plus de premier Ministre nommé par Emmanuel Macron après Sébastien Lecornu – ne pourra en aucun cas être celui qui pourrait en être le continuateur, même s’il s’agissait de simplement entretenir une illusion.

Dès lors la question du « macronisme » disparaîtra au plus tard le 11 avril 2027, au soir du premier tour de la prochaine élection présidentielle, avec le départ d’Emmanuel Macron.

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