La Secrète de Londres, un poème d’Antoine Bourdon

 La Tamise à Westminster, de Claude Monet.

Par Antoine Bourdon

L’eau sombre en elle-même;
Et passe devant la Secrète,
Qui regarde ce que l’on nomme :
La Tamise, qui coule
Entre des rives de pierres.

Une dame qui ne s’y déclare
Mire dans l’argent moyen de l’automne
Le ton d’un reflet d’or, qui demeure un moment
Dans le fleuve de Londres - reflet d’or,
Suspendu dans la blancheur brunâtre,
Qui vient en ses yeux;
Comme un long silence à contempler en elle,
Et qui rappelle comme une idée seule impalpable
La flamme d’une chandelle
Dont les rais de nuit,
Dans un volume de poussière en suspend,
Y passeraient à paraître irradier d’ailleurs.

Londres fume jusqu’aux nuages;
Et elle, comme un secret qui lui vient
En sa personne, voit cela par-delà le muret de pierres
Se fondre dans la blancheur du ciel assombri;
Les volutes, en motion, fument,
Comme une pensée seule introuvable
Qui voudrait se fonder d’elle,
Et de soi se rejette dans l’air; et allégée d’être
La Secrète ne pense point, mais parfois va,
Selon son bien, sur le chemin pavé,
Tapi derrière des feuilles molles d’eaux,
Vers ce qui redresse son droit, et détruit
Ce qui demeure d’être bâti par sa foi.

Le Bien porté et cru d’elle en soi
Choit d’être retombé par des gains;
Et puis, et alors, dans Londres s’inclinent de nouveau
Les têtes dans les pas encore
Qui vont dans le rythme consentant
D’un général : « Allons. ».

Et lors que d’un jour le soleil vient à trouer le ciel,
La tour dorée qui d’un gouvernement s’élève dans sa droiture,
Claire et légère comme l’azur en donne l’air au ciel,
Rend dans la mesure circulaire de la division,
Le temps dans un rayon tout autour;
Dans les repères de ses horloges
De blanche blancheur,
Où gyrent et indiquent ce qui permet -
De signes sombres -
De savoir un instant l’heure qui passe à Londres,
Quelque chose de commun s’en conçoit.

Un silence monotone
Vibre de l’habitude saturée des bruits,
Comme des accents et des tons
Qui viennent de partout;
Et elle n’entend point ceci, qui l’environne, dans la différence,
Mais bien seule en toute chose,
Son pas qui se joint au bruit de ville
Afin de s’entendre davantage à son sien silence.

L’eau sombre en elle-même;
Et passe devant elle comme un secret,
Qui regarde ce que l’on nomme :
La Tamise, qui coule
Entre des rives de pierres.

Et bien haut dans l’impression
Que permet la forme des choses existantes,-
Ces choses de l’existence et qui sont importantes
D’être enfin - bien au-dessus d’elle qui va -
Sur le chemin pavé, tapi de feuilles molles d’eaux
Et trouées de leur mollesse piétinée -,
Par le dôme de blafardes nuées mouvantes qui s’ombrage en son sein,
Ainsi que le ciel qui se cache d’être le ciel,
Le clair-obscur de l’endroit rend sens à ce qui se voit.

Ainsi, comme après avoir aimé des yeux,
Luit dans tous les coins de la Cité,
Brille au creux des lignes convergentes,
Un parfum qui semble aux yeux échappé,
Qui sent l’amer et la douceur
Et qui fortifie dans sa rumeur
Le désir en l’âme qui régit et parachève le corps.

Londres fume jusqu’aux nuages;
Et elle, comme un secret qui lui vient,
Voit se fondre, dans la blancheur du ciel assombri,
Les volutes en motion qui fument, comme une pensée
Seule introuvable, qui voudrait se fonder d’elle,
Mais de soi se rejette dans le ciel même
Qui se cache d’être le ciel.

Londres fume jusqu’aux nuages;
C’est un quelque chose de la dépense
Qui remplit le ciel du travail,
Et qui se répète d’en trouver le nouveau, dans la différence.
Il y a ce nom bien connu
Pour cet Élan à s’investir de la vie :
Le Pari, par quoi Londres se donne
Comme une cité se doublant dans son effort même :
De l’Homme vers et pour autre chose
Que ce dernier - pour elle enfin peut-être,
La Cité. C’est dans le repli de cette dernière,
Qu’elle, qui regarde, contemporaine,
Reçoit la mise de ce général « Allons. » -
L’apparence d’une situation
Dans le coi présent qui se donne,
Ineffable et sans cause d’être mystère.

Un moment qui dure au symbole d’un présent
Dans l’éternité d’une forme qui demeure :
Tamise en son nom qui passe
Et qui sombre et qui change, en son lieu même.

Et dans la lueur venant à l’esprit
Qui mire comme une chose en lumière dans l’eau,
La dame d’une indicible pâleur,
Dont le flegme convole au silence et au teint exsangue,
Ainsi que le fantasme d’un fantôme abject
Que l’on adore et adore enfin à trouver
Son intensité de la complicité de soi secrète,
Comme un mot tu qui s’avoue par l’action du corps,
Et qui pénètre la chair d’être encore un dire à parler
Dans le grand jeu parié de la situation de cité,
La dame, dis-je, que je nomme ici
Dans ces lignes, la reçoit et la fond
À la fraîcheur de l’impression qu’elle inspire -
Ô, belle lueur fraîche à l’esprit d’une dame,
Comme un miroir de la conscience de sa lumière,
Pour elle propre et par elle et en nous -
Présence inexprimable, intacte d’être l’imminence
De la pensée, et vierge, et pure encore -
Désir par surcroît de présence…

Un silence monotone
Vibre de l’habitude saturée des bruits,
Comme des accents et des tons
Qui viennent de partout,
Et qu’elle n’entend plus pour s’entendre davantage.

Étampes, décembre 2024.

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