Politique et Enquêtes : Le Passé Décomposé


 Conférence de presse de la Commission d'enquête sur les violences scolaires.


Enquêtes et numérique : Il faut bien admettre que la notion de justice a évolué avec le temps, l’avènement du numérique et des réseaux sociaux. On peut d’ailleurs aisément imaginer que le monde digital en évolution puisse apporter un nouveau flot de jugements populaires basés sur les expressions de l’Intelligence Artificielle. On passera de la grande conversation de bistrot actuelle au méga mensonge des images et des sons, venant prouver telle ou telle opinion. Dans cet océan factice, les juges, les procureurs, les avocats et toute la chaîne qui mène au Garde des Sceaux doit s’accrocher aux textes, au réel, aux preuves, aux témoignages pour finalement juger. Il en va de même pour les commissions d’enquête de l’Assemblée Nationale.

Hyper-perception : L’accélération du temps numérique a rendu lointain et incompréhensible un passé objectivement proche. L’hyper-connexion des humains, récente au regard de l’Histoire, a généré une forme d’augmentation des perceptions. L’ignorance « d’avant » a été remplacée par une surpopulation d’informations, non hiérarchisées. L’ignorance reste finalement gagnante, mais l’impression de savoir devient la norme.

Les exemples de G. Depardieu et de F. Bayrou (sans comparaison des cas sur le fond, bien évidemment, la justice ne concernant que le premier) sont typiques de cet état des choses, où ce qui doit être jugé ou mis au clair sont les potentielles fautes commises à une époque où l’absence de connexion numérique rendait impossible ou peu probable une diffusion populaire d’un doute, d’un témoignage, ou même d’une plainte. En effet, ces deux personnages déjà puissants à cette époque (encore une fois assez récente) n’étaient pas ou peu « en risque » de visibilité, alors qu’aujourd’hui ce serait un risque certain. N’y a-t ’il donc pas à se poser la question d’une part du réel apport du numérique sur la gestion comportementale des « puissants » aujourd’hui, et d’autre part de la culture peu contrainte par l’écho populaire de ces mêmes « puissants » hier ?

Juger le passé : Voilà de quoi sont faits les dossiers juridiques, de faits de plus de 20 ans, ayant trait aux personnes publiques, et qui ressortent aujourd’hui sous un jour partagé et médiatisé, alors qu’au moment des faits le silence était bien d’or, car il était possible de le garder. Le jugement d’une époque, dans ce cas disons la fin du XXe siècle à partir des années 60 et jusqu’au début du XXIe, est extrêmement délicat car il faut faire la moyenne de l’ « hyper-silence » d’hier et de l’ « hyper-vacarme » d’aujourd’hui. Ni l’un ni l’autre ne disent la vérité ; l’un la cache, l’autre l’exagère ou la travestit et les autorités ou les simples enquêteurs, plus que jamais, doivent objectiver un réel. La tâche est plus que difficile car les éléments sont aujourd’hui universellement partagés. Les exemples Depardieu-Bayrou parmi d’autres viennent de le démontrer par la médiatisation en live des étapes, des questions-réponses etc… Il s’en suit immédiatement commentaires et « pour ou contre » de toutes sortes venant polluer la simple réflexion que nous devrions garder pour nous-mêmes : comment observer le réel de l’époque, et quelles sont les responsabilités objectives ?

Assumer ou gommer : Nous voyons bien, dans nos démocraties encore en vie (leur nombre se réduit…) que le jugement politique du passé est un caillou dans la chaussure de l’évolution. Les changements de noms de rues, l’effacement de certaines expressions, pour justifiés qu’ils soient, représentent la difficulté que nos sociétés ont à assumer leurs erreurs car le prisme du jugement n’est plus le même. L’erreur apparaît plus grave, parfois insupportable, alors on efface l’évènement ou ce qui s’y rattache. Les dictatures passent également la savonnette sur l’Histoire, ce serait dommage de leur ressembler, même avec de bonnes intentions.

Alors respectons au moins les juges, l’appareil juridique, et les institutions de nos élus qui travaillent à la recherche d’une vérité objective passée.

Décomposer le temps est une nouvelle compétence à acquérir, pour eux, mais aussi pour nous.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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