Acculturation, de ad à a

 Maître Jean-Philippe Carpentier.


Je n’ai pas besoin de dictionnaire pour comprendre le mot français « dormition ».

Ce n’est pas un néologisme, ni un mot moderne, mais un mot qui figurait dans la langue française dès la parution des premiers dictionnaires, dont celui de l’Académie, en 1694, soit une soixantaine d'années après la création de cette Académie intervenue le 29 janvier 1635 par lettres patentes de Louis XIII.

J’ai donc été ébahi de lire récemment de nombreux articles qui s’étonnaient que ce mot existât.

Pourtant la sémantique est importante et c’est souvent avec elle que change la société.

En écoutant un maire sur France Info, je l’entendis répéter par quatre fois un mot généralement peu usité, mais qui semble entrer désormais dans le champ du politique, le verbe « acculturer » qui va avec le substantif « acculturation ».

Un rapide panorama de la presse suffit à convaincre de l’emploi, plus fréquent que je ne l’imaginais, de ces termes lourds de sens.

Le Courrier des Maires du 21 novembre 2023 titrait déjà, dans un article consacré aux maires de France « Budgets verts : entre urgence et acculturation, les élus se sentent pris en étau ».

On y apprend qu’« entrer dans la comptabilité “extra-financière” demande du temps et de l
acculturation ».

Ce fut une découverte pour l’ancien maire, un peu naïf sans doute, que je suis, qui considérait que la comptabilité devait être tenue strictement et qui n’avait jamais eu dans sa commune de comptabilité « extra-financière ».

Je n’étais pas acculturé.

Je me suis souvenu qu’en 2018, le président de Dijon Métropole, Pierre Pribetich avait convié les élus à participer à une réunion « d’acculturation ».

J’ai réalisé, en me plongeant dans la littérature, que les maires auraient eu une longue tradition d’acculturation, interrompue par le régime de Vichy, conforté que j’en ai été en lisant cette phrase « le régime de Vichy, liberticide, centralisateur et autoritaire, marque une rupture dans l’histoire de l’acculturation des maires aux principes démocratiques », dans un livre d’Emmanuel Bellanger.

Avais-je été plus Monsieur Jourdain que maire ? M’étais-je acculturé sans le savoir ?

Il fallait que j’en aie le cœur net car à bien regarder, l’acculturation est partout, du document d’urbanisme de l’agglomération de Saintes à l’article scientifique du Professeur Maurice Alexandre Baslé de Rennes.

Mais alors quelle est la définition de ce terme omniprésent ?

Le Larousse nous explique que l’acculturation est la « modification des modèles culturels de base de deux ou plusieurs groupes d
individus, de deux ou plusieurs ethnies distinctes, résultant du contact direct et continu de leurs cultures différentes ».

Le même dictionnaire fait part d’une difficulté : « Acculturation a le sens positif ou neutre d
« adaptation dune personne à une culture autre que la sienne ». Ne pas confondre avec inculture (= absence de culture intellectuelle) ».

Je suis alors resté songeur.

En tant que maire, comment avais-je pu passer à côté de ce concept ? J’avais conservé, sans m’en rendre compte, ma culture et pire que tout, personne ne m’en avait jamais fait grief.

Il est vrai que j’avais été élu dans la ruralité.

Néanmoins, à l’acculturation, je préfère la Culture. Il ne s’agit pas de nier celle d’autrui, mais lorsqu’il a vocation à s’intégrer, c’est à lui de s’adapter à ceux qui l’accueillent.

L’intégration ne devrait pas conduire à s’acculturer, mais au contraire, à permettre à celui qui s’intègre de comprendre et de s’approprier la culture de celui qui l’intègre.

Jusqu’à présent, ma culture m’a permis de comprendre le monde et de m’y adapter.

Soudain, mon latin est revenu, acculturation vient de ad (vers) cultura (culture).

Et pourtant, tout ce que j’ai lu m’avait fait perdre mon latin, comme si le ad latin était devenu un a privatif grec ; je me suis dit que non, je ne souhaitais pas renoncer à ma culture et aux délices qu’elle propose.

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