Politique et médias : Les arbres qui cachent la forêt

 Photo officielle du Gouvernement Barnier 2024. Emmanuel Macron absent, ce qui est une première (© Reuters/Benoit Tessier).

Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

Les journées de construction d’un gouvernement et les premiers pas des ministres nouvellement nommés ont été une source intarissable de paroles et opinions exprimées dans les médias.

On ne peut s’empêcher de penser que M. Barnier va avoir un certain travail à faire auprès de son équipe pour réguler le flot de paroles et contredites qui viennent polluer le travail de l’Etat. Apparemment, la consigne d’un silence mesuré adossé à des actions concrètes n’a pas été suivie, occasionnant un brouhaha et des départs de feux politiques inutiles. Le relais média est toujours un amplificateur de conflits, lorsque le terrain s’y prête.

Le Négociateur : Michel Barnier n’a pas été nommé pour s’engager sur la voie de 2027 comme candidat, mais pour négocier une « paix armée » avec les groupes d’opposition afin d’amener à bonne fin le mandat d’Emmanuel Macron sans nouvelle dissolution. Cette mission est claire, compliquée à mener, mais n’implique aucune recherche de pouvoir excédant celle d’un Premier Ministre. La configuration exceptionnelle de l’Assemblée Nationale et les nominations que nous connaissons désormais donnent à ce mandat de Premier Ministre une couleur de négociation permanente. Le feu déclenché par le Ministre de l’Economie, puis les excuses faites à M. Le Pen ont donné lieu à un incendie médiatique idéal pour les tribunes d’opposition, mais ont masqué l’essentiel de ce moment : les opinions doivent laisser place à une recherche de balance équilibrée. On peut le regretter, s’agissant du RN, mais M. Barnier n’a aucun autre choix, et c’est ce qu’il fera, inlassablement. Pour mémoire, ce n’est pas lui qui a décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale, ouvrant ainsi la porte aux contre-pouvoirs extrêmes.

Le Parangon : Bruno Retailleau (Ministre de l’Intérieur), n’a pas suivi la consigne de silence justement destinée à éviter un désordre médiatique. Son entrée en matière venant challenger le Ministère de la Justice a seulement remis au goût du jour l’éternelle tension entre Justice et Police. Le Garde des Sceaux, Didier Migaud, avait déjà en tête les problèmes de gestion carcérale, de réglages sur les lois de protection des femmes (inclure le consentement dans la loi), et l’infernal problème des OQTF. Il ne s’est exprimé que pour confirmer ces points comme dossiers prioritaires. B. Retailleau se pose donc en parangon de l’ordre, ce qui en soi est très bien, sauf lorsqu’il souhaite « remettre de l’ordre dans les idées ». Cette déclaration largement diffusée par les médias, hors de l’esprit républicain, aurait pu être celle de Maduro ou de Poutine. Gageons que ce ne fût qu’un excès de parole de sa part, le ministère de la Bonne Pensée n’ayant pas encore été créé. A la suite de ces interviews et apparitions sur les plateaux TV, la promesse de l’ordre devra très vite produire des résultats probants, et il est à craindre que B. Retailleau se soit mis quelques pressions inutiles. Les médias vous poussent toujours à promettre. On dirait que D. Migaud, dans l’approche de communication, a été nettement plus malin. En communication, la frugalité paye.

La Star :
Nul doute que Rachida Dati peut endosser ce titre. Non seulement sa personnalité inimitable l’a toujours rendue visible, mais son parcours déterminé reste relativement exemplaire. L’ombre de soucis juridique liés à la période Carlos Ghosn vient toutefois légèrement ternir ce tableau, mais elle a de la ressource. Le Ministère de la Culture lui revient à nouveau, ce qui en remet une couche sur son univers multicolore et varié. Les médias ont bien insisté sur ces points, pas toujours en sa faveur. Mais son ambition est ailleurs. Elle est soutenue probablement par la Droite dans son ensemble, pour briguer, si possible en 2026, la Mairie de Paris. Dans ce gouvernement sans avenir au-delà de la prochaine Présidentielle, R. Dati est sans doute la seule à voir bien au-delà. Les stars ont souvent le vrai plan A, derrière le plan B. Quant à la Culture, espérons qu’elle n’en souffre pas plus qu’aujourd’hui.

Le Phare : Ce n’est pas une personnalité, c’est ce dont on nous rebat les oreilles dans les médias depuis des semaines : le Budget. Et qui dit budget dit dette. Une sorte de Yin-Yang économique inextricable, source de toutes peines et de toutes solutions. Les français, focalisés grâce à l’engrenage média évoquant les sommes invraisemblables sur ce sujet, se demandent surtout si l’argent a un sens pour les Etats. Nul doute que les projets sur la fiscalité leur rappellent durement que les petites rivières font les grands fleuves.

La date : Mardi 1er octobre sera le jour de la déclaration de politique générale de M. Barnier à l’Assemblée Nationale.

Espérons ensemble que nous y verrons enfin toute la forêt.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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