Par Chem Assayag - Essayiste, Blogueur.
Philadelphie, États-Unis, mai 1787. Cinquante-cinq délégués représentant 12 États se réunissent en Assemblée Constituante. Pendant trois mois ces hommes – parmi lesquels George Washington ou James Madison – vont écrire la Constitution américaine, qui est toujours en vigueur.
Ce texte fondateur fixe les règles de l’élection présidentielle, plus précisément dans son Article II, Première Section. A la suite de débats parfois vifs il est décidé que l’élection aura lieu au suffrage indirect via un collège de grands électeurs chargés de représenter le peuple, qui seront répartis entre les États fédérés en fonction de leur population. L’objectif de ce mode de scrutin est de refléter la structure fédérale du pays, d’équilibrer les intérêts des grands et petits États et enfin d’éviter l’élection directe par le peuple, considérée comme potentiellement dangereuse.
Aujourd’hui ce sont 538 grands électeurs – désignés par le vote populaire – qui élisent le Président et le Vice-Président. Il faut donc remporter 270 grand électeurs pour s’installer à la Maison Blanche.
Ici il faut noter plusieurs particularités du système : tout d’abord le nombre de grands électeurs par État favorise les petits États. Ainsi 1 grand électeur correspond à 700 000 électeurs en Californie, pour environ 200 000 dans le District de Columbia ou le Wyoming. Dans le « grand pays de la démocratie » une voix n’est donc pas égale à une voix. Autre particularité : dans 48 États sur 50 le système dit du “winner-takes-all” s’applique : le candidat qui remporte la majorité du vote populaire obtient tous les grands électeurs de l’État. Concrètement, vous avez une voix de plus que votre adversaire en Californie, et bien vous remportez les 55 grands électeurs de l’État.
Avec de telles règles on comprend qu’il est primordial de se focaliser sur les États pour lesquels le vote est très serré car une victoire ou une défaite fait basculer tous les grands électeurs d’un côté ou de l’autre. Ce sont ces États qu’on appelle les « Swing States », littéralement les « États bascule ». On comprend aussi qu’on peut gagner l’élection alors que le vote populaire à l’échelle nationale donne plus de voix à son adversaire. C’est par exemple ce qui est arrivé à Donald Trump en 2016 face à Hillary Clinton (elle avait obtenu 65 853 514 voix – 48,18% du vote populaire – contre 62 984 828 voix – 46,09% du vote populaire – pour Trump). On peut même imaginer des cas limite où un candidat pourrait gagner avec moins de 40% du vote populaire car il aurait remporté de justesse suffisamment d’États et aurait perdu largement dans d’autres.
Une des autres conséquences de ce cadre électoral c’est la difficulté de prédire les résultats de l’élection car elle peut se jouer sur un nombre de voix très restreint, parfois quelques milliers de voix dans les Swing States. Aujourd’hui, avec des sondages qui donnent Kamala Harris gagnante avec 48% des voix et Donald Trump à 46%, l’incertitude est en fait très grande.
Globalement on voit bien que ce système électoral est largement archaïque : poids inégal des électeurs, vote populaire qui peut être désavoué, focalisation des campagnes sur quelques États…et on peut s’étonner qu’il n’y ait pas de débat sérieux pour le remettre en cause. Comme si le contexte de 1787 – l’esclavage, la Louisiane disputée entre la France et l’Espagne, ou encore la guerre contre la couronne britannique – pouvait être encore pertinent en 2024, comme si la Constitution était un texte religieux, intouchable, des tables de la Loi écrites par des hommes mais d’ordre quasiment divin. De façon prémonitoire, le 30 août 1787, Thomas Jefferson, dans une lettre envoyée depuis Paris à John Adams, anticipant sur ce caractère sacré, avait d’ailleurs qualifié l’assemblée réunie à Philadelphie, d’assemblée de demi-dieux (« an assembly of demigods »). Pour notre part il nous semblerait utile que de simples hommes s’emparent à nouveau du sujet.
Ce texte fondateur fixe les règles de l’élection présidentielle, plus précisément dans son Article II, Première Section. A la suite de débats parfois vifs il est décidé que l’élection aura lieu au suffrage indirect via un collège de grands électeurs chargés de représenter le peuple, qui seront répartis entre les États fédérés en fonction de leur population. L’objectif de ce mode de scrutin est de refléter la structure fédérale du pays, d’équilibrer les intérêts des grands et petits États et enfin d’éviter l’élection directe par le peuple, considérée comme potentiellement dangereuse.
Aujourd’hui ce sont 538 grands électeurs – désignés par le vote populaire – qui élisent le Président et le Vice-Président. Il faut donc remporter 270 grand électeurs pour s’installer à la Maison Blanche.
Ici il faut noter plusieurs particularités du système : tout d’abord le nombre de grands électeurs par État favorise les petits États. Ainsi 1 grand électeur correspond à 700 000 électeurs en Californie, pour environ 200 000 dans le District de Columbia ou le Wyoming. Dans le « grand pays de la démocratie » une voix n’est donc pas égale à une voix. Autre particularité : dans 48 États sur 50 le système dit du “winner-takes-all” s’applique : le candidat qui remporte la majorité du vote populaire obtient tous les grands électeurs de l’État. Concrètement, vous avez une voix de plus que votre adversaire en Californie, et bien vous remportez les 55 grands électeurs de l’État.
Avec de telles règles on comprend qu’il est primordial de se focaliser sur les États pour lesquels le vote est très serré car une victoire ou une défaite fait basculer tous les grands électeurs d’un côté ou de l’autre. Ce sont ces États qu’on appelle les « Swing States », littéralement les « États bascule ». On comprend aussi qu’on peut gagner l’élection alors que le vote populaire à l’échelle nationale donne plus de voix à son adversaire. C’est par exemple ce qui est arrivé à Donald Trump en 2016 face à Hillary Clinton (elle avait obtenu 65 853 514 voix – 48,18% du vote populaire – contre 62 984 828 voix – 46,09% du vote populaire – pour Trump). On peut même imaginer des cas limite où un candidat pourrait gagner avec moins de 40% du vote populaire car il aurait remporté de justesse suffisamment d’États et aurait perdu largement dans d’autres.
Une des autres conséquences de ce cadre électoral c’est la difficulté de prédire les résultats de l’élection car elle peut se jouer sur un nombre de voix très restreint, parfois quelques milliers de voix dans les Swing States. Aujourd’hui, avec des sondages qui donnent Kamala Harris gagnante avec 48% des voix et Donald Trump à 46%, l’incertitude est en fait très grande.
Globalement on voit bien que ce système électoral est largement archaïque : poids inégal des électeurs, vote populaire qui peut être désavoué, focalisation des campagnes sur quelques États…et on peut s’étonner qu’il n’y ait pas de débat sérieux pour le remettre en cause. Comme si le contexte de 1787 – l’esclavage, la Louisiane disputée entre la France et l’Espagne, ou encore la guerre contre la couronne britannique – pouvait être encore pertinent en 2024, comme si la Constitution était un texte religieux, intouchable, des tables de la Loi écrites par des hommes mais d’ordre quasiment divin. De façon prémonitoire, le 30 août 1787, Thomas Jefferson, dans une lettre envoyée depuis Paris à John Adams, anticipant sur ce caractère sacré, avait d’ailleurs qualifié l’assemblée réunie à Philadelphie, d’assemblée de demi-dieux (« an assembly of demigods »). Pour notre part il nous semblerait utile que de simples hommes s’emparent à nouveau du sujet.
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