La dette publique est-elle enfermée dans un triptyque infernal ?

 Maître Jean-Philippe Carpentier.

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris, consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie et Président du Corps consulaire de Normandie.

La question de la dette publique est aujourd’hui au cœur des débats et offre l’occasion de nous pencher sur ce que firent certains de nos prédécesseurs, pour en tirer des leçons d’une criante actualité.

Chacun a naturellement entendu parler de la banqueroute de Law, un système mis en place par un banquier anglais sous l’égide du duc d’Orléans, alors régent.

Avec l’introduction du papier monnaie, Law a testé, de 1716 à 1720, pour la première fois en France, un système de monnaie adossé à une sorte de banque centrale. La banqueroute enrichira certains initiés, ruinera les petits porteurs, et réduira de moitié la dette publique en 1722 qui passe de 80-90% en 1711 à 45% environ du PIB.

A compter de 1726, le cardinal de Fleury, principal conseiller du roi, interdisait jusqu’à sa mort, en 1743, tout déficit public.

La France devait gérer à l’équilibre budgétaire.

Ce sont, en réalité les guerres qui creusaient la dette. Celle-ci fit son retour en 1748 avec la guerre de succession d’Autriche qui ruina à nouveau les finances publiques et imposa à la France de renouer avec le déficit budgétaire.

La France s’est toujours complue dans un triptyque, augmentation des impôts, diminution des dépenses, spoliation de ses créanciers concomitante à la vente de « bijoux de famille ».

Lors de la révolution, elle s’est essayée à l’argent magique, les assignats. Les révolutionnaires spolièrent, empruntèrent et ne payèrent pas.

Le régalien disparaissait alors que la dette enflait. Elle fut portée en quatre années à de plus de 3 milliards de francs de l'époque, ce qui correspondait à cinq à six années de recettes fiscales.

La solution du Directoire, régime en vigueur de 1795 à 1799 fut simple, mais paradoxalement efficace, ce fut la spoliation.

Elle allait poser les bases de l’arrivée au pouvoir de Bonaparte qui, jusqu’en 1811 géra une France assainie par la spoliation opérée par ses prédécesseurs, en maintenant un équilibre apparent.

Il allait se faire rattraper par une crise économique qu’il n’avait pas anticipée, avec une bulle immobilière qui éclata, la production industrielle qui chût, une résurgence du chômage et une crise agricole.

La guerre, en particulier la campagne de Russie en 1812, allait avoir raison des finances et des hommes.

Le déficit, entre autres, allait précipiter la chute du régime en mai 1814. Les caisses étaient vides, la dette abyssale pour l’époque et la charge de cette dette insoutenable.

Louis XVIII allait trouver une solution.

Il n’imaginait pas que la France n’honorât pas sa dette.

Le baron Louis allait gérer, sans créer de nouvelles taxes et sans augmenter le taux de celles qui existaient.

Il renfloua les caisses par la vente de bien fonciers et réduisit drastiquement le train de vie de l’État avec une coupe de 25% des dépenses et une réduction majeure des crédits octroyés aux collectivités locales.

En quelques 15 années, les gouvernements de Louis XVIII et de Charles X sont parvenus à surmonter le fardeau de la dette de la France.

Les maîtres mots de leur gestion étaient prudence et rigueur.

L’objectif était de régler le fardeau de la dette et, pour l’avenir, de faire changer la dette de nature.

Le banquier Laffitte répétait à l’envie que la « bonne dette » se substituait à la « mauvaise » dette.

En substance, cette nouvelle dette subsistait, mais au lieu de financer des guerres, elle orientait le pays vers la croissance de son économie modernisée.

La doctrine de la « foi publique » avait permis le retour de la confiance dans la France et celui des investisseurs.

S’il ne s’agit pas ici de dresser en trop peu de lignes une histoire des finances publiques françaises, force est de constater que de nombreux parallèles sont possibles avec notre histoire contemporaine.

Une corrélation entre accroissement de la dette et guerre est, encore de nos jours, évidente, dans un contexte où la notion d’économie de guerre point au cœur de l’actualité.

Les hésitations entre rigueur, rendue nécessaire par la chute des collectes d’impôts, ou augmentation des dépenses publiques pour doper l’économie sont toujours présentes et n’ont cessé de rythmer les politiques publiques du monde occidental sur les 50 dernière années.

La « foi publique » demeure essentielle et il suffit de regarder l’impact des agences de notations pour s’en convaincre.

Nos économies n’en ont pas fini avec la dette et devraient sûrement contempler les exemples passés pour éclairer les décisions d’aujourd’hui.

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