« Le temps est venu de réparer, mais non de démolir »

 Charles X.

Sevan Gerard - Praticien, stratège, éducateur et consultant en gestion des organisations à haute fiabilité, médecine des catastrophes et sécurité internationale. Secrétaire général de WADEM Europe. Chercheur en philosophie de la technologie et des sciences.

Cela fait déjà 20 ans, dans un article en ligne depuis le 3 octobre 2013, que des chercheurs, généticiens et historiens, Maarten H D Larmuseau, Philippe Delorme, Patrick Germain, Nancy Vanderheyden, Anja Gilissen, Anneleen Van Geystelen, Jean-Jacques Cassiman, et Ronny Decorte publiaient dans le European Journal of Human Genetics le résultat de leurs travaux.

Les profils génétiques Y de trois membres de la famille de Bourbon, l’un issu de Louis XIII, plus exactement du frère cadet de Louis XIV, Joao Henrique d’Orléans Bragance et deux issus de Louis XIV, de la branche cadette des Bourbons d’Espagne, Axel et Sixte-Henri de Bourbon-Parme, confirmaient la parenté de ces trois individus et leur place dans l’arbre généalogique des Bourbons.

La polémique sur la prétendue tête d’Henri IV et sur le mouchoir allégué comme ayant appartenu à Louis XVI qui avait servi de déclencheur à cette étude était close, aucun des deux artefacts ne portant la moindre trace ADN en lien avec le Sang de France.

En utilisant les formules d’analyse bayésiennes de Walsh, les auteurs de cet article étaient les précurseurs d’une méthode qui allait permettre en décembre 2023, au Researchers Enhancing Alzheimer's Diagnostic (READ), un groupement pluridisciplinaire international de chercheurs, de publier dans la Revue de Gériatrie, une revue scientifique à comité de lecture, un progrès scientifique déterminant pour l’identification de liens familiaux insoupçonnés entre des cas apparemment sporadiques de la maladie d’Alzheimer ou des maladies neuroévolutives apparentées et, au-delà, la perspective d’identifier une signature de ces pathologies sur la base des données recueillies par le séquençage génomique à haut débit de deuxième et troisième génération.

Dans sa démarche scientifique et après avoir pris connaissance de la littérature, le READ a complété les travaux de Larmuseau, Delorme et al, dont il a repris les données brutes des signatures génétiques des trois membres de la famille de Bourbon qu’ils avaient collectées.

Les travaux du professeur Américain Walsh avaient permis à Larmuseau, Delorme et al, d’une part de disqualifier les artefacts d’Henri IV et de Louis XVI et d’autre part de confirmer les liens généalogiques entre les Bourbons d’Espagne et leur branche cadette française, les Orléans.

Avec l’accord du professeur Walsh, en utilisant, également, l’analyse bayésienne, le READ a mis en évidence un profil génétique qui s’est révélé être un représentant vivant de la branche ainée agnatique desdits Bourbons, bouleversant ainsi l’histoire et l’ordre de primogéniture de la famille de Bourbon.

L’un des auteurs de l’étude de 2013, l’historien Philippe Delorme, dès la parution de la Revue de Gériatrie, qui citait ses travaux dans sa bibliographie, a publié, dans la revue Pointe de Vue, à laquelle il collabore habituellement un article intitulé « Une branche ainée inconnue des Bourbons découverte ? », dans laquelle, il rappelle son article princeps et explique qu’il résulte des travaux [que la personne dont le profil génétique a été analysé en 2022] « qu’il est indubitablement un descendant direct de Louis XIV, en ligne "agnatique", c'est-à-dire strictement masculine ! ».

L’historien Philippe Delorme situe dans son article l’ancêtre de l’intéressé, comme un Bourbon de la branche ainée, « à l’exclusion des Orléans et du rameau espagnol issu de Philippe V d'Anjou », ayant vécu « au XVIIIe ou au XIXe siècle ».

Philippe Delorme a raison et le Professeur d’Histoire du King’s College de Londres, Alan James, confirme la survivance de la branche ainée agnatique des Bourbons issue d’un membre de cette famille au XIXe siècle, Charles X.

Pour ma part, j’avais dans un article précédent, dans un rappel de l’état actuel des travaux du READ, mentionné que l’intéressé, Jean-Philippe C, était issu de la postérité mâle de Charles X.

Le 20 juin 2023, le professeur James a présenté publiquement les résultats de ses travaux, que je vous invite à écouter (https://www.youtube.com/watch?v=yoFl_eY4TSA&t=4s), lors d’une conférence à l’Institut d’Études Avancées de Paris, clôturée par une intervention, es qualité, de Maître Jean-Philippe Carpentier, avocat et consul honoraire Luxembourg.

Ce bref rappel nous démontre que si l’histoire se sert de la généalogie pour nous aider à comprendre le visible du présent, elle se sert de la génétique pour nous éclairer sur l’invisible du passé.

Cela est démonstrativement vrai en ce qui concerne les reliques alléguées comme royales, particulièrement sujettes à caution en raison des successions de pillages ou de guerres.

Les tombeaux des quatre premiers rois Bourbons, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV et Louis XV, enterrés dans la nécropole royale de Saint Denis, détruits à la révolution puis restaurés en sont les parfaits exemples. Il en va de même du pillage des reliques royales, y compris celles enchâssant les cœurs des rois de France longtemps conservé à l’Église du Val de Grâce, que la révolution ou les bombardements de la capitale au XIXème et XXème siècles auront, pour partie, détruits ou endommagés.

Leur successeur, Charles X, le dernier roi de France et de Navarre, de lignée ainée des Bourbons, n’échappe pas à la règle. Mort en exil le 6 novembre 1836 à Göritz (en Autriche à l’époque, en Slovénie aujourd’hui). Il a été inhumé dans une crypte, sous l'église de l'Annonciation du couvent franciscain de Kostanjevica dans l’actuelle ville de Nova Gorica. D’autres membres de sa famille l’ont également été, et de fait, leurs tombes ont été fortement endommagées par les bombardements de la seconde guerre mondiale, puis déplacées par deux fois pour revenir à leur emplacement initial en Slovénie.

De nombreuses personnalités, et non des moindres, de l’Historien Philippe Delorme au Président François Mitterrand, ont œuvré, sans succès jusqu’à présent, pour que les cendres de Charles X ou son cœur embaumé reviennent à Saint-Denis.

Cette question de la translation de la dépouille du dernier roi de France agite et divise depuis toujours, chacun ayant son opinion basée le plus souvent sur des convictions fort éloignées du droit.

Quel qu’en soit le motif, le transport de tout ou partie de la dépouille de Charles X, comme de tout Roi de France et de tout citoyen sans exception, implique préalablement l’exhumation du cercueil ou des restes du défunt de son caveau.

Elle est donc soumise à des autorisations administratives et à l’avis de la famille du défunt.

Par exemple, en France, elle impose une autorisation du maire de la commune en sa qualité de premier magistrat.

Le Code général des collectivités territoriales est formel (article R2213-40) : seul le plus proche parent peut demander l'exhumation « Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande ».

Ne pas se conformer à ces simples règles expose à voir la démarche requalifiée en violation de sépulture définie par le Code Pénal (article 225-17) : « La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d'urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. La peine est portée à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende lorsque les infractions définies à l'alinéa précédent ont été accompagnées d'atteinte à l'intégrité du cadavre ».

Les dispositions sont comparables dans le droit Slovène.

Jusqu’à présent, le descendant de la lignée masculine de Charles X, de facto son plus proche parent, ne s’est pas exprimé sur le sujet du sort de la dépouille de son aïeul. J’ai pu recueillir sa position sur le sujet.

Sans être nécessairement opposé au retour en France des cendres ou du cœur de Charles X, il émet diverses réserves et opinions.

Il n’envisage ce retour que dans le plus strict respect dû aux morts enterrés dans la foi catholique, point d’autant plus crucial pour Charles X, dont la dévotion dans la deuxième partie de sa vie est de notoriété historique. Il ne conçoit ce retour qu’à la condition qu’il se fasse dans le respect de la tradition catholique, qu’il respecte les règles de droit international et soit entouré d’une réelle entente diplomatique.

Il souhaite, qu’en cas de retour, l’histoire de la vie Charles X, les circonstances de son décès et de la violation préalable de sa sépulture soient rappelées.

Toutefois, il ne s’oppose pas à la translation d’une seule partie de la dépouille, que ce soient les cendres ou le cœur, en cohérence avec la tripartition traditionnelle du corps des Rois de France.

Il souhaite, en tout état de cause, un renforcement des liens entre les deux nécropoles royales que sont la basilique de Saint-Denis et le couvent de Kostanjevica pour le développement des dimensions spirituelles et culturelles des deux lieux.

Pour conclure ses propos, il me rappelait ceux de Monseigneur Saje, l’évêque de Novo mesto : « C’est notre devoir d’homme d’enterrer les morts et de leur montrer du respect. Le droit à une sépulture découle de la dignité inaliénable de chaque être humain. [...] Il n’y aura pas de paix dans notre nation et les divisions destructrices ne seront pas surmontées tant que nous ne dépasserons pas les interprétations idéologiques du passé, que nous ne parviendrons pas à un consensus sur les faits historiques et que nous n’enterrerons pas respectueusement tous nos concitoyens ».

Le droit à une tombe n’est-il pas finalement un droit fondamental de l’homme qui représente la véritable valeur de l’éthique humaine universelle.

« Requiescat in pace »

1 Commentaires

  1. Les rois comme les manants ont droit au repos jusqu'à ce que l'ange de la résurrection embouche sa trompette pour appeler les corps à la lumière.
    Laissons le roi Charles X, son fils Angoulême et son petit-fils Chambord, les femmes et les fidèles de la famille dans la pénombre silencieuse de la crypte de Kostanjevica. Ils y sont en sûreté.
    RIP signifie "en paix".

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