■ Bourges
Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris et consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie.
En 2022 Esch sur Alzette, 36 000 habitants, une petite ville industrielle du Luxembourg était capitale européenne de la culture.
Les capitales européennes de la culture ont été instituées par la Décision n°1622/2006/CE de la Commission et du parlement européen du 24 octobre 2006.
Cette initiative vise à :
- Mettre en lumière la richesse et la diversité des cultures européennes ;
- Célébrer les liens culturels unissant les Européens ;
- Renforcer le sentiment d’appartenance des citoyens européens à un espace culturel commun;
- Favoriser la contribution de la culture au développement des villes.
Capitale des terres rouges, Esch sur Alzette a un passé sidérurgique et a vécu, comme tout le territoire lorrain la crise et l’arrêt de son activité industrielle minière obligeant la région à une nécessaire reconversion.
Si les traditions, le marché de Noël et la Saint Nicolas y sont toujours très ancrées, Esch sur Alzette, à la frontière française, a su évoluer et développer un urbanisme favorisant l’intégration du passé sidérurgique de la ville, notamment ses hauts fourneaux.
Pour devenir capitale Européenne de la culture, la ville luxembourgeoise a réussi à fédérer au-delà des frontières, 10 municipalités luxembourgeoises et 8 municipalités françaises, frontalières, donnant une dimension européenne naturelle à la manifestation.
A Esch, toute l’année 2022 a eu pour maître mot REMIX, un mot qui évoque la rencontre et le mélange entre différents univers. Chaque événement de l’année a invité à repenser les frontières entre les pays, entre les personnes, entre les arts.
Le projet pluriel Red a mêlé arts visuels, audiovisuels et numériques, théâtre et littérature, pour valoriser l’héritage industriel de la région.
H2Only « Naturpark Öewersauer » a permis à Esch de décliner le thème de l’eau et du textile, autour d’un bar à eaux, d’ateliers, de dégustations, de concerts, de conférences, d’actions de nettoyage de cours d’eau et de collecte des déchets.
Tous ces ingrédients ont concouru au succès de la capitale européenne de la culture luxembourgeoise, en accélérant la transition de ce qui était autrefois la plus grande aciérie du Luxembourg vers un pôle où la recherche et l’enseignement, le travail et les loisirs, l’industrie et le commerce, l’habitat et la culture se combinent pour incarner et mettre en œuvre l’un des projets de développement urbanistiques les plus importants et les plus ambitieux en Europe.
C’est maintenant à d’autres villes de prétendre puis de détenir ce titre prestigieux et si cher à Mélina Mercouri.
La nouvelle est tombée et Bourges a été désignée pour devenir en 2028, en France, la capitale européenne de la culture.
Avant toute chose, je tiens à féliciter cette ville pour laquelle j’ai un attachement ancien. Ville étape, historique et familiale, je fréquente depuis toujours l’hôtel d’Angleterre, qui tire son nom des personnes éponymes qui y séjournèrent.
Le palais Jacques Cœur, du nom du célèbre argentier, la cathédrale Saint Etienne, déjà inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, font partie des nombreux joyaux de la capitale du Berry, dont les ducs ont marqué l’histoire de France et celle des arts.
Les très riches heures du duc Jean Iᵉʳ de Berry, propriété de l’institut de France, demeurent une mes plus fortes émotions artistiques produite par le quattrocento gothique, préfigurateur de la renaissance.
Bourges a su se démarquer et, comme Esch, montrer que la culture est. Elle ne s’achète pas et ne se réduit pas à un budget de communication.
La sobriété de la démarche de Bourges a séduit.
Comme Esch, la ville de Bourges s’est centrée sur ses friches existantes et leur valorisation dans le cadre de sa candidature.
Bourges s’est concentrée sur son territoire et a fait la part belle à la ruralité, montrant que la culture ne concerne pas que les métropoles, mais intéresse tous les publics.
Enfin, Bourges n’a pas oublié la dimension européenne du projet qu’elle a présenté en mettant en place des dispositifs d'accompagnement économique et social pour les artistes européens avec « une matrice d'une quinzaine de villes européennes et françaises qui va constituer un réseau pour des artistes en résidence », dixit Yannick Bedin maire-adjoint de Bourges délégué à la culture.
Bourges retrouve finalement ainsi l’esprit de Jean, le duc de Berry qui, au XIVème siècle, attirait dans cette ville de nombreux artistes européens parmi les plus brillants de son temps.
Bourges s’inscrit aujourd’hui dans une Europe où les artistes travaillent comme le souhaitait à la fin du XIXème siècle le sultan de Constantinople qui ordonnait « Que les artistes ne rencontrent aucune opposition lorsqu'ils se déplacent, qu'ils observent, qu'ils contemplent les images et les édifices qu'ils peuvent souhaiter dessiner ou copier ».
Souhaitons ainsi à Bourges de faire rayonner en 2028 notre culture en Europe et au-delà.
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