Les guerres contemporaines et la solidarité démocratique.

 Maître Jean-Philippe Carpentier.

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris et consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie.

Je débarque en Islande et, à l’aéroport, un étrange sentiment s’instille en moi, je suis à contretemps.

Alors que l’actualité internationale est dominée par la question du Proche-Orient, à l’arrivée à l’aéroport de Reykjavík, une file dédiée et rapide s’adresse spécifiquement aux Ukrainiens.

Une importante communication est mise en place par le gouvernement islandais à destination des Ukrainiens et l’Islande, dans son site internet d’État, à leur intention, précise : « Les citoyens Ukrainiens et les membres de leur famille ont droit à une protection collective en Islande. »

J’ouvre alors les principaux médias français. L’Ukraine, qui fit, naguère, toutes les unes, est absente, ou reléguée, alors que la guerre y sévit toujours. La guerre entre Israël et les terroristes du Hamas est au cœur de l’actualité.

Bien que différents, ces conflits sont unis par un point commun, les mobilisations internationales spontanées en leur faveur procèdent d’une solidarité démocratique.

Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, l’objectif général, au moins de toutes les nations européennes, a été que le fascisme soit à jamais éradiqué.

Pourtant, il fait aujourd’hui, dans une certaine mesure, son grand retour, et se voit, de surcroît, dans sa version moderne, conjugué avec certaines formes de wokisme.

Pour en revenir à l’Ukraine, il faut se souvenir qu’il est là, bien présent dans la propagande russe qui présente les Ukrainiens comme des nazis.

Pour comprendre cette propagande, comme souvent, il faut se souvenir de l’Histoire et du fait que la collaboration de certains Ukrainiens avec les nazis a existé.

Certains collaborateurs, comme Stepan Bandera et Roman Choukhevytch, sont encore perçus de manière ambivalente puisque, coupables d’atrocités au nom du nazisme, ils ont, d’un autre côté, mené l´Ukraine à son indépendance face à l´URSS.

La propagande russe fait référence à cette histoire et seul l’élan démocratique de l’Ukraine a pu lui attirer les sympathies des sociétés occidentales.

C’est, du reste, le caractère démocratique de l’Ukraine et la solidarité qui en a découlé qui a conduit l’Islande, la plus vieille démocratie du monde (l’Althing, le premier parlement islandais, a été fondé en 930), à fermer son ambassade en Russie en août 2023 et à promouvoir l’accueil des Ukrainiens.

La guerre se poursuit en Ukraine et, dans ce monde troublé, la fin du conflit ne semble pas poindre, sauf à voir émerger une solution diplomatique, car, ne l’oublions pas, les jeunesses ukrainiennes et russes s’épuisent au combat.

S’agissant du conflit entre Israël et le Hamas, il a des relents similaires. Israël est une démocratie et les attaques terroristes sont intervenues pendant un période d’intense débat public dans le pays.

La solidarité démocratique est, dans ce conflit également, une, certes pas la seule, des clés des positions géopolitiques internationales.

Les Israéliens ont tous au fond d’eux-mêmes la mémoire de la Shoah.

Ils font néanmoins, aujourd’hui face à un totalitarisme d’un genre nouveau, l’islamisme terroriste.

Curieusement, l’islamisme terroriste est rarement présenté comme une sorte de fascisme alors qu’il en a de nombreuses caractéristiques.

L’islamisme terroriste est antisémite, fondamentalement patriarcal et donc antiféministe. Il abhorre les homosexuels. Il exècre la démocratie.

Il gagne cependant la sympathie de quelques-uns en alléguant être du côté des opprimés, par opposition aux dominants, sous-entendu comme étant les Occidentaux et par extension les juifs.

C’est à ce titre qu’il séduit certains tenants du wokisme, de l’intersectionnalité et de la convergence des luttes.

En récusant l’Histoire, comme appartenant aux dominants, cette forme de wokisme se perd elle-même jusqu’à suivre des idéologies mortifères.

L’Histoire a cependant un mérite, celui de nous apprendre que les guerres ont toujours eu une fin.

Mais qu’en est-il de la démocratie ? Pourra-t-elle être maintenue dans des pays en guerre pour lesquels la tenue des élections, centrale dans le processus démocratique, peut s’avérer difficile ?

Le péril est sûrement là, car l’élan de solidarité démocratique serait mis à mal par un recul de cette même démocratie dans ces pays.

Enfin, en ces périodes troublées, Louis XV nous offre une perspective et une hauteur de vue qu’il faut toujours conserver : « Voyez tout le sang que coûte un triomphe. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire est de l’épargner. »

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