Antiterrorisme : Les missions impossibles

 Un regain d’animation terroriste sur le territoire dès lors que des tensions extrêmes, ou des embrasements de guerre se déclenchent, en particulier au Moyen-Orient. (Gouvernement)

Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

L’actualité liée au terrorisme, et les stupeurs qu’elle engendre, peut vite se transformer en inquiétudes légitimes et réactions parfois irrationnelles en France. Cela valait bien un article qui parle des gens qui ont été sauvés sans même le savoir, et d’un ensemble qui protège de la barbarie, sans média ni lumière. Un monde fait d’impossibles autant que de victoires.

La communauté du renseignement français est composée de 6 services, avec une organisation chapeau sous l’égide du Président de la République : la CNRLT ( Coordination Nationale du Renseignement et de la Lutte contre le Terrorisme) créée en 2017 et en lien avec les services internationaux.

La DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure) dépend du Ministère de l’Intérieur additionnant les compétences de police en lien avec la justice. D’autres services, locaux, sont liés à la DGSI par le biais de la gendarmerie et des services pénitentiaires.

Les DGSE (Sécurité Extérieure), DRSD (Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense), DRM (Renseignement Militaire) sont les services dépendant du Ministère des Armées, en prise directe avec les opérations et risques extérieurs au territoire.

Les DNRED (renseignement et Enquêtes Douanières) et TRACFIN (blanchiment et trafic), liés au Ministère des Finances, travaillent sur les transactions financières croissantes liées au terrorisme et blanchiment d’argent.


L’intérêt de ce résumé, développé de manière détaillée sur les sites du gouvernement, est de mettre en lumière l’intense investissement qui est fait en France et dans la majorité des pays alliés pour coordonner une surveillance antiterroriste. L’aspect renseignement financier est plus récent, en ligne avec les trafics croissants observés lors des premières actions d’Al-Qaïda et de l’EI (Etat Islamique). 10/10/2023 - Tracfin - Rapport annuel du service de renseignement financier - Presse - Ministère des Finances (economie.gouv.fr)

300 000 fonctionnaires dépendent du Ministère de l’Intérieur, et, de près ou de loin, participent à cette lutte antiterroriste, hors finance. Un simple contrôle routier peut devenir une source d’information.

Mais cet ensemble ne résout pas tout, en France, pour deux raisons majeures :
  • La loi limitant les interventions aux actes et non aux vagues intentions
  • L’initiative spontanée individuelle, par nature imprévisible.
Les 20.000 « fichés S » sont effectivement surveillés mais c’est le passage à l’acte, soit avéré, soit programmé (qui, lieu, date), qui peut donner lieu à une action de police et un traitement judiciaire dans le cadre de la loi. Clairement, en la matière, le diable est dans les détails, dans un magma monumental d’échanges plus ou moins sérieux sur les réseaux sociaux. L’identification d’un réel danger dans ces échanges ressemble à l’aiguille dans la meule de foin, d’autant que la diversité des causes de fichage complique le sujet (sur les 20 000, 3 000 appartiennent à l’ultra-gauche et 1300 à l’ultra-droite). Le djihadisme reste le sujet principal mais il n’est pas le seul, ce serait trop simple…

La situation sévère d’aujourd’hui relève de ce qui a toujours été observé dans ce domaine, à savoir un regain d’animation terroriste sur le territoire dès lors que des tensions extrêmes, ou des embrasements de guerre se déclenchent, en particulier au Moyen-Orient comme c’est le cas aujourd’hui. Au-delà du meurtre de Dominique Bernard d’Arras, c’est cet embrasement qui justifie d’avoir remonté Vigipirate au niveau « Urgence Attentat » immédiatement après la saisine du Parquet National Antiterroriste.

Car l’agression terroriste sur Israël diffère totalement de celle du Kremlin sur l’Ukraine, le premier ayant une forme internationale contagieuse sur fond de fanatisme religieux, et le second étant une simple agression de territoire impliquant des pays en défense. Aucun des deux ne se justifie selon le droit international, à l’évidence. Tout doit être surveillé, mais il est clair que les actions terroristes de nature ou prétexte religieux représentent le danger le plus intense puisqu’il ne s’agit pas d’infiltrations d’étrangers avec intentions terroristes, mais de français radicalisés prenant le relais d’actions d’origine étrangère. C’est la menace endogène, par opposition à celle venue de l’extérieur (exogène).

Une conséquence secondaire, mais à prendre en considération car cela peut constituer un risque « de société » est le renforcement des amalgames traditionnels des extrémistes politiques, les uns ( extrême droite ) confondant immigrés et terroristes, et les autres (extrême gauche) ne condamnant pas les exactions des agresseurs à la limite de l’antisémitisme, agrémenté d’un « anti-police » primaire. La France n’a besoin d’aucun de ces deux groupes du point de vue du progrès, et la DGSI se passerait également bien de ces « huiles sur le feu » politiques propres à brouiller encore un peu plus les recherches et actions sérieuses. (Plus de 200 actes antisémites recensés depuis le 7 octobre en France, à la suite du massacre terroriste du Hamas sur Israël).

Les missions impossibles, essentiellement la lutte contre les actes isolés tels que l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020, ou l’attentat récent du lycée d’Arras, n’en demeurent pas moins l’une des priorités de l’antiterrorisme français. Depuis 2012, 71 attentats ont été déjoués dont 63 par l’action de la DGSI. A l’extérieur, l’élimination des hauts cadres d’Al-Qaïda, tel qu’Ayman Al Zawahiri le 31 juillet 2022 à Kaboul, fait partie de cette guerre protéiforme où quelques succès méritent d’être cités. Les têtes du serpent sont toujours bonnes à prendre.

La protection d’une démocratie comme la France nécessite des moyens qui prennent en compte le processus démocratique et, compte tenu de cela, on ne peut enfermer les 20 000 « fichés S ». La communauté antiterroriste, avec tous les services cités en début d’article ne fait pas exception à la règle. C’est une gageure quotidiennement relevée par cette partie de la fonction publique qui travaille, du renseignement à l’action, pour protéger la société française et européenne, dans le cadre légal, des flux de violence fanatiques inspirés par le Moyen-Orient, l’Afrique (Somalie, Sahel), mais également l’Amérique du Sud.

À l’instar de la lutte contre les cartels, si cette guerre ne peut être gagnée définitivement, elle ne peut en aucun cas être perdue.

Aujourd’hui, elle ne l’est pas.

Merci aux Services.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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