L’humanité en danger ?

 Maître Jean-Philippe Carpentier.


Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris et consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie.


Alors que notre monde est en pleine mutation, une sorte de peur bruisse, sommes-nous à la fin de l’humanité ?


Il ne s’agit pas ici d’évoquer les peurs millénaristes.

Le bug de l’an 2000 n’est pas arrivé et l’entrée dans le second millénaire n’a pas eu de conséquence sur nos vies.

Il n’en demeure pas moins que la période d’incertitude actuelle, d’instabilité économique, d’inflation, d’inquiétude climatique, crée un climat potentiellement délétère qui alimente les peurs et engendre des sentiments d’instabilité, voire d’insécurité.

Certains mouvements, survivalistes, par exemple, s’alimentent de ces peurs et se préparent.

C’est dans ce contexte global que la question de la survie de l’humanité vient se poser, et cette question n’est pas nouvelle.

Immédiatement, l’Apocalypse de Saint-Jean vient à l’esprit, alors que d’autres textes de la Bible évoquent la fin des temps.

Le commencement et la fin sont au cœur de ce mystère rappelé dans l’Apocalypse (22 :13) « Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. »

De tout temps, les hommes se sont questionnées sur leur destin individuel, comme sur celui, plus collectif, de l’humanité.

L’art s’en fait écho et le Jugement dernier de Michel Ange dans la chapelle Sixtine en est un des plus éclatants témoignages.

Issu de la philosophie stoïcienne, le Memento Mori n’a cessé, dans la culture, de rappeler à chacun son caractère mortel.

La formule de Marc-Aurèle l’illustre parfaitement : « La perfection de notre conduite consiste à employer chaque jour que nous vivons comme si c’était le dernier, et à n’avoir jamais ni impatience, ni langueur, ni fausseté. Il nous faut nourrir l’âme avec la sagesse qui vient de l’acceptation de la mort ».

Ce souvenir de notre propre finitude a irrigué le Moyen Âge chrétien, dans lequel le paradis, l’enfer et le salut de l’âme revêtaient une importance particulière.

Sur ce terrain, la sculpture permet encore aujourd’hui, par les œuvres qu’elle a laissées, d’apprécier les contours de cette notion.

Gisants et transis se superposent, montrant ainsi la gloire du défunt, mais aussi son état de décomposition, nous rappelant ainsi à notre humanité.

Commandé en 1515 par François 1er, le tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne fut mis en place en 1531 dans la basilique de Saint-Denis et constitue un magnifique exemple de cette dualité.

Les mœurs ont évolué. La laïcité veut s’imposer et reléguer la religion, du moins dans nombre de pays d’Europe, dans le domaine de la sphère privée.

Il n’en demeure pas moins que la notion même de religion est présente et la rentrée scolaire imminente a vu en France le gouvernement prendre des mesures visant à faire échec aux atteintes croissantes à la laïcité dans le monde éducatif.

« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », cette phrase choc de 1946, est attribuée à André Malraux, dont elle synthétise la pensée visant à mettre l’accent sur la réintroduction du religieux dans le débat public de la société occidentale sécularisée, par opposition à d’autres espaces géopolitiques où la religion demeure les fondements de l’État, voire du droit, avec comme corolaire la persécution des minorités religieuses.

Tous ces sujets sont d’une actualité souvent cruelle.

La sécularisation de la société ne supprime pas la recherche de réponses spirituelles à nos interrogations, en tant qu’individus aux prises avec le matérialisme et l’individualisme de nos sociétés.

À ces questionnements individuels se superposent ceux de la survie même de l’espèce humaine, que certains, comme le mouvement écologiste américain VHEMT (Mouvement pour l'extinction volontaire de l'humanité) souhaiteraient même voir disparaitre pour préserver une nature fantasmée.

Dans le même temps, la disparition brutale de certaines civilisations, les Mayas, par exemple, interroge.

Dans ce contexte, une plongée dans l’histoire de l’humanité, non son histoire récente, mais son histoire d’il y a environ 1 million d’années, apporte un éclairage original.

Le 31 août 2023, un article paru dans la revue américaine Science ouvre de nouvelles perspectives scientifiques.

Cette étude révèle que l’humanité a déjà failli disparaitre et que la population humaine pourrait s'être maintenue à environ 1 300 individus pendant une centaine de milliers d'années, c’est-à-dire moins d’individus que le nombre de pandas vivant aujourd’hui à l’état sauvage.

Cette quasi-extinction pourrait même avoir joué un rôle essentiel dans l'évolution des hommes modernes et celle de nos cousins disparus.

Cette étude nous invite ainsi à relativiser notre vision.

L’espèce humaine a aussi été en voie d’extinction et pourtant, aucune structure, personne n’a cherché à la protéger et elle a survécu.

Les peurs de l’extinction de l’homme paraissent alors dérisoires.

Aussi plutôt que de nous centrer sur notre condition, à laquelle nous n’échapperons pas, ou sur l’humanité dont le destin nous échappe, il vaut mieux nous center sur notre vie, sur notre culture, notre patrimoine national et sur notre civilisation qu’il nous faut défendre et qui n’est autre, finalement, qu’un présent du passé.

« Il faut être fier d’avoir hérité de tout ce que le passé avait de meilleur et de plus noble. » disait Gandhi.

L’éducation est notre futur et Louis XIV l’avait compris lorsque, avec son Ordonnance royale du 13 décembre 1698, il généralisait les écoles paroissiales et les rendaient obligatoires jusqu’à 14 ans.

La survie de notre humanité ne sera plus une question conceptuelle, mais celle très concrète de notre identité, du lien tangible avec nos racines, notre histoire et de cette force qui nous unit et nous construit et nous permet de regarder vers l’avenir.

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