Futur politique : Passer d’un monde à l’autre

 Colonnade de l’Assemblée nationale (© Assemblée nationale)

Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

Il paraît clair aujourd’hui que la planète croule sous un amoncellement de problèmes, d’autocrates-dictateurs au pouvoir dans certains pays, et d’une tension politique et humaine générale palpable. Naturellement, si on exclut la fin du monde par voie atomique, on ne peut pas en rester là, ou jouer les ignorants. Les coups d’Etat d’Afrique de l’Ouest sont un signal à ne pas ignorer tant ils démontrent le besoin des peuples à être identifiés « en tant que tels », quitte à laisser le mandat politique à des incompétents, des brutes ou des mercenaires extérieurs. Le Niger et le Gabon ne représentent pas une spécificité, si ce n’est sur la forme, mais une extension des recentrages nationalistes tels que ceux de D. Trump, de G. Méloni, ou de notre propre extrême droite. La démocratie a donc du fil à retordre.

I. Le commerce de dictature

Il n’y a pas que Poutine dans ce domaine, même s’il remporte la palme des mauvaises décisions. On peut douter que le peuple de Russie bénéficie d’une quelconque façon des nostalgies staliniennes mortifères de son dirigeant. A l’autre bout du monde, E. Musk, dans les frontières légales, joue d’un pouvoir financier pour atteindre ce que la plupart des méga- arrivistes font lorsque l’argent devient si massif qu’il est « incomptable » : le pouvoir mental sur les peuples. Twitter devenu X est le contraire d’une bonne affaire, mais dans un puits sans fond, quelle importance ? Dans une moindre mesure, on connait cela en France avec les rachats de médias (pourtant souvent déficitaires) comme V. Bolloré avec Canal+, Europe 1, C news et dernièrement le Journal du Dimanche. Ce ne sont que de petits médias, rapportés à l’ensemble du monde, mais le principe est le même : pénétrer l’opinion, si possible par la paranoïa, pour le plus grand bonheur du RN et de Reconquête. A bien y regarder, le rejet de la France par les putschistes des pays d’Afrique tient du même schéma : passer d’une vision collaborative à une inquiétude défensive pour apparaître en libérateurs. Le bénéfice final reste celui de quelques-uns mais certainement pas celui du peuple. On notera toutefois que l’Etat français paye également une posture ancienne, donnant ainsi tout le grain à moudre aux extrémistes de tous poils. Peu importe « à qui la faute », le résultat est là : il y aura plus de pauvres. Que ce soient les milliardaires affamés de médias ou les Poutine, Ebrahim Raïssi (Iran), D. Trump, M. le Pen ou J.L. Mélenchon (plus proches de nous), ces personnes n’ont que faire de la démocratie : les uns pour une extension de pouvoir au-delà de l’argent, les autres pour retrouver un pouvoir vertical perdu ou pour d’autres encore, le conquérir.

II. Les entre-deux

Il y a ceux qui ont bien compris cet « entre deux mondes » dans lequel nous sommes et qui s’appuient sur ce que les démocraties défendent sur le plan commercial ou technique en évitant de couper les ponts, malgré leurs gènes dictatoriaux. Deux exemples, à ne pas comparer entre eux : Giorgia Meloni (Italie) et Xi Jinping (Chine). Ils sont dans un schéma poursuite du progrès tout en conservant des relents fascistes pour l’une et autocratiques pour l’autre. C’est une forme neutre d’acceptation des régimes quels qu’ils soient tant que le bénéfice national est préservé. La Chine n’a d’ailleurs jamais déclaré de guerre, pas plus que les démocraties. Taïwan pourrait être l’exception, mais rien n’est moins sûr. Ce qui est à surveiller sur ces deux exemples c’est leur aptitude à redistribuer le progrès à l’intérieur de leurs frontières ainsi que leurs amitiés dangereuses. Mais ces deux pays aspirent à la prospérité et non au respect d’un dogme guerrier ou revanchard. On pourrait ajouter à cette liste le Brésil et l’Inde ainsi que d’autres mais la comparaison politique ne serait pas aussi flagrante.

III. La démocratie Imparfaite

En France, comme dans d’autres pays d’Europe ou d’ailleurs, la démocratie est réelle et imparfaite. L’imperfection en est une variable, voire même une donnée essentielle. Ce qui définit la démocratie, au-delà de ses valeurs, ce sont ses défauts, paradoxalement. La démocratie n’attaque pas mais défend. Ce n’est pas toujours aussi clair en ce qui concerne la CIA , le MI5 ou la DGSE, mais ce ne sont que des outils. A priori, les démocraties se protègent. On le vit en ce moment avec l’Ukraine. Le défaut est que cette posture ne génère de crainte chez l’agresseur qu’en déployant un progrès (d’armement par exemple) et une coordination tels que la défense doit devenir plus impressionnante que l’attaque. C’est très cher, difficile à faire perdurer, mais ça fonctionne pour le moment. Une autre imperfection, concernant la France, est que les lois peuvent être contestées mais votées tout de même, soit par décret soit par l’utilisation du 49-3. C’est une verticalité utile, et de circonstance, mais à surveiller pour ne pas engendrer de souhaits plus structurels de renfort d’autorité. Ce sera un argument donné aux extrémistes politiques si ce système est trop souvent utilisé. On est déjà dans « le trop » en cette rentrée 2023. L’équilibre démocratique, qu’il soit de nature militaire, politique ou économique est fragile car, plus qu’aucun autre système, la démocratie doit prévenir les risques en évitant de les provoquer. C’est un exercice quasi impossible lorsque l’autoritarisme gagne des points basés sur la critique même de ces imperfections. Le feu aux poudres n’est jamais loin.

IV. D’un monde à l’autre

Le séisme dramatique au Maroc nous rappelle durement aux réalités simples du risque naturel. Pourtant, dans l’ombre de cet épisode terrible, les commentaires fusent dans les médias français sur l’absence d’autorisation des autorités marocaines pour une aide massive au sauvetage. Et dans la foulée ressort l’inimitié politique franco-marocaine, et du froid engendré par la politique de la France vis-à-vis de l’Algérie. Est-ce vraiment le moment d’évoquer cela ? Est-ce vraiment la raison ? Cette politisation d’un tel événement servira la soupe aux oppositions radicales, M. Le Pen étant sortie de ses grandes vacances médiatiques et E. Zemmour laissant Marion Maréchal tenter de séduire la droite républicaine. Nul doute aussi que la NUPES aura les ingrédients parfaits pour remettre le couvert sur le mépris de l’Etat français représenté par son Président et des conséquences multiples sur la zone Afrique. Ce n’est pas raisonnable, mais dans ce qui n’est pas complètement faux, on laisse toujours les extrêmes mettre un pied dans la porte. On devrait plutôt encourager les pays qui apportent leur aide, et soutenir mordicus le peuple marocain. Ce serait l’occasion d’unir les partis démocratiques français, de gauche ou de droite, dans ce qui serait pour une fois une majorité absolue. Chiche ?

L’autre monde possible n’est pas celui de J.L. Mélenchon, qui part du principe qu’une nouveauté naît d’une destruction. Ce n’est pas non plus celui de M. Le Pen et sa famille qui pensent qu’un autre monde ne peut être qu’un ilot de solitude, avec deux genres et une seule couleur.

Il y a suffisamment d’élus entre ces extrêmes, à l’Assemblée, pour s’unir vers autre chose.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

Laissez-nous un commentaire

Plus récente Plus ancienne