Élus des Territoires : Les Locaux-Motivés

« Merci à nos Élus locaux ».

Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

I. Promettre et livrer

Les analystes évoquent souvent la difficulté qu’ont les responsables politiques élus à livrer leurs promesses. Ce phénomène est devenu une habitude, presque attendue par le public, comme si les paroles ne valaient guère plus que rien. Cette vision pessimiste est en grande partie liée à la confiscation de la communication par les élus nationaux, gouvernants ou d’opposition, médiatisés et visibles. Trop médiatisés, et trop visibles.

Naturellement, cette dimension « happening » exacerbe les différences entre ce qui a été promis et ce qui a été fait. La dégradation de la confiance politique se nourrit de cela. Il y a pourtant un réel pouvoir « exécutionnel » (ce mot n’existe pas) en France entre les mains des élus locaux : Députés, élus des conseils régionaux et départementaux, Maires et conseils municipaux. Ce sont ceux qui font fonctionner la machine « service public » et qui produisent par les lois, actions, décisions, investissements et présence, ce qui manque à la parole donnée. Ils sont nombreux et inconnus, mais ils sont la locomotive. Avant cette période de pause estivale, et après les nombreux traumatismes récemment vécus, la moindre des chose était de leur faire une place dans ce blog.

II. La culture du concret

Les campagnes électorales nationales ont souvent accentué l’effet de distance entre la parole et l’acte. On a trop vu de candidat(e)s tenter de convaincre avec une approche « territoires » accompagnée d’images campagnardes. C’est une erreur de communication doublée d’un manque de connaissance des villes de province. Le cas de Paris est en soi un mandat territorial sur lequel on peut s’appuyer pour expliquer ce que sont l’action locale, les progrès, les barrières, et l’efficacité directe qu’on peut mettre en œuvre. Paris est la ville qui a le moins de grandes surfaces commerciales et le plus de « quartiers-villages ». Les Maires d’arrondissements ont un rôle. Le commerce local et régional fonctionne, avec des dimensions de proximité que beaucoup de villes moyennes envieraient. Bref, il y a une démonstration à faire sur ce qui est, au lieu de laisser croire à ce qui n’est pas. Les candidatures présidentielles d’élus locaux brouillent souvent ce message, sans résultat probant dans les urnes (A. Hidalgo, V. Pécresse).

La communication autour des territoires doit pouvoir se concentrer sur les réalisations concrètes et visibles, la plupart du temps entre les mains des élus locaux. La fameuse décentralisation existe déjà dans un travail quotidien et souvent fait d’abnégation des personnes en lien avec les citoyens et élus pour les aider, et avancer avec eux. La question générale porte sur l’image dégradée des politiques, alors qu’il y a des milliers d’exemples de réussites locales dans des univers différents, des urbanisations de tailles variées et des besoins divers associés aux régions. La parole politique nationale des gouvernants, candidats, partis opposants ou mouvements est le plus souvent un poids supplémentaire sur les épaules de ceux qui travaillent dans ce qui est souvent dépolitisé et toujours concret.

III. Un « bout de chaîne » stratégique

La période pandémique a généré une forme de retour sur soi des personnes mais aussi des nations avec les risques qu’on connait… Dans son versant positif, le retour sur soi a aussi été l’occasion de s’interroger sur la consommation locale, la réindustrialisation, l’autonomie européenne de défense, et nous l’espérons tous, la rénovation du système de santé. La guerre en Ukraine et le détachement de l’Europe vis-à-vis de la dépendance énergétique (et in fine globale) à la Russie accélèrent aujourd’hui ce mouvement. Ces sujets, en particulier sur la réindustrialisation et la transformation des productions locales, sont de réels enjeux stratégiques, pris à bras le corps en bout de chaîne par les élus avec des effets à court et moyen terme sur l’économie et le progrès, mais aussi sur la confiance des entrepreneurs sur « le local » en général.

A ce sujet, B. Lemaire et E. Macron évoquent quasi quotidiennement la nouvelle attractivité de la France pour les investisseurs étrangers. C’est évidemment une bonne nouvelle, mais les aménagements locaux nécessaires à l’accueil de nouveaux projets, l’intégration géographique, sociale, l’explication aux citoyens, la récupération des plaintes, l’encouragement aux opportunités, et, pour résumer, la gestion de la faisabilité, est du ressort des élus en lien avec le réel et le concret. Le défi est de taille. Investissements étrangers en France | Direction générale du Trésor (economie.gouv.fr)

IV. Communiquer par preuves

La communication sur ce qui est réalisé, sur la proximité avec les citoyens, ou sur la traduction des directives nationales en enjeux géographiques serait essentiellement une communication « de preuves » mais elle est inexistante ou invisible. Ce serait pourtant un relais efficace d’explication des politiques nationales et de leurs effets, au lieu d’un bavardage très souvent contredit des responsables politiques nationaux. Les marques « à réseaux » (banques, immobilier, pétroliers, distributeurs etc..) ont depuis longtemps utilisé cette forme de communication de preuves vers leurs clients, le « tout numérique » n’ayant pas rayé de la carte les agences et commerces physiques. Dans les moyens investis par l’Etat en communication et sondages, augmenter la part dédiée aux élus locaux pour qu’ils puissent exprimer publiquement leurs succès de terrain serait bien plus puissant que l’éternel discours « promesses » décrédibilisant et si souvent traditionnel dans les communications et interviews des élus nationaux ou des ministres en charge.

Il existe en France un tissu d’élus locaux très vaste et bien supérieur aux volumes de nos voisins européens. Et si on s’interroge sur les coûts de cette population, on peut juste retenir que l’immense majorité des Maires touchent moins de 700€ par mois d’indemnités.

Le retour d’une forme de confiance des français dans la politique en général n’est pas un jugement réel de ce qui a réussi ou échoué, mais une impression permanente d’échec de la parole. La conséquence en est une perte de confiance dans cette même parole dès lors qu’elle ne semble suivie que de peu d’effets. La mise en lumière des élus locaux serait une voie de compréhension mutuelle, de preuves et de retour à une meilleure forme de relation entre la France et ses politiques.

Compte tenu du nombre de projets et de personnalités, cela mériterait une plateforme audiovisuelle à part entière. Il y en a bien une sur les débats de l’Assemblée Nationale, et un essai avec Territoire.TV, mais celle qu’on pourrait imaginer sur les vraies locomotives de la politique territoriale serait beaucoup plus teintée d’aventure, de risques, mais aussi de rêves réalisés. France TV pourrait produire ce sujet, service public oblige ! En attendant, voici leur média : le Journal des Maires : premier mensuel des élus locaux de france

Merci à nos élus locaux, et bon été à tous !

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques , mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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