■ Michel Dray.
Montaigne aimait à dire qu’il n’enseignait pas, mais racontait. Avec sa « chronique terrienne », Michel Dray, en sa qualité d’historien, raconte « son » époque, avec humour et parfois avec dérision.
Aujourd’hui : « Emmanuel Macron : "mon royaume pour un gouvernement" ».
Il était une fois, un pays qui avait vu naître Descartes, Voltaire, Diderot et Victor Hugo — excusez du peu — et que d’aucuns montraient en exemple quant à sa capacité de raisonner, de philosopher, d’ergoter, de ruminer ; bref, en parler comme d’une nation très appréciée des intellectuels. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, de génération en génération, on cultivait aimablement son jardin. On sautait d’un régime à l’autre, zigzaguant entre révolutions. On bâtissait des régimes et des Constitutions comme autant de châteaux en Espagne.
C’était cela le bateau France, un navire qui — allez savoir pourquoi ? — se croyait insubmersible. Pourtant, un jour le roulis se transforma en tempête. Le capitaine du navire, un homme qui avait une fâcheuse tendance à se prendre pour Jupiter, constatant que son équipage avait la mutinerie dans le sang décida, quoi qu’il en coûte, de le renvoyer espérant s’en procurer un bien plus docile. Les étudiants en histoire, éternels cabots facétieux immortalisèrent l’épisode par l’expression « Bordelus Constitutionnalis » — expression ne manquant pas justesse car ce fut la dissolution la plus dévastatrice de toute la Vème République. En quelques mois, les Français firent un bond en arrière de 75 ans, propulsés au cœur de la IVème République, quand les ministères tombaient les uns après les autres.
Jupiter balisait. Que faire ? Lui qui se croyait maître des horloges se découvrit apprenti sorcier. Pour conjurer le sort, il se mit à imiter Chronos, en dévorant sinon ses enfants, du moins tous les premiers ministres potentiels. C’était une époque terriblement cauchemardesque. À l’extrême gauche on se la jouait Sans-Culotte-guillotineur, à l’extrême-droite on se la jouait Chouans, quant à ceux qui n’avaient ni d’affinités avec Robespierre ni avec Cadoudal, ils se demandaient ce qu’ils étaient venus bien faire dans cette galère. Dans le peuple, ce ne fut guère plus jouissif. Hausse du chômage, perte du pouvoir d’achat, démographie en berne. Côté entreprise, pas de quoi pavoiser non plus, l’instabilité politique a considérablement freiné pour ne pas dire stoppé les investissements privés, les dépôts de bilan sont passés de 57000 en 2023 à 67000 en 2025 soit 183 faillites par jour(1) Bref, la croissance s’était pris un sacré coup dans l’aile.
Vous l’avez compris. Je n’ai relaté rien d’autre que ce que les 70 millions de Français vivent en ce moment. Emmanuel Macron est devant un choix clair. Se démettre et laisser parler les urnes, ou s’obstiner et ouvrir la voie aux pires incertitudes. En l’occurence, sa démission serait sans doute l’acte de gouvernance le plus courageux de son deuxième quinquennat.
Comme dit ma concierge, une ancienne alpiniste, on a dévissé grave et personne pour vous envoyer la corde.
(1) source INSEE
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