Par Chem Assayag - Essayiste, Blogueur.
Le sujet politique du moment, c’est le budget, et le budget c’est l’acte politique par excellence. En effet un budget explicite la vision et les priorités d’un gouvernement, il montre les choix et les orientations définis pour le pays.
Or la construction du budget 2025 intervient dans un contexte très dégradé : pas de majorité politique à l’Assemblée, une trajectoire des finances publiques particulièrement inquiétante avec un niveau de déficit attendu très élevé et une brusque accélération de ce déficit, sans que l’on sache déterminer à ce stade si la majorité précédente avait sciemment caché les chiffres en raison de la séquence électorale de cette année.
Ce contexte ne favorise pas une approche sereine des débats ; ainsi ceux-là mêmes qui sont comptables de la situation, à l’instar de Gabriel Attal ou de Gérald Darmanin, se permettent de donner de doctes conseils pour proposer des mesures qu’ils n’ont jamais mises en œuvre pendant sept ans, d’autres se livrent à l’habituel concours Lépine des suggestions budgétaires avec le sempiternel tube du relèvement des taxes sur l’énergie, avec l’électricité en tête de gondole des innovations fiscales, et enfin certains réclament une baisse drastique des moyens de l’État – ce qu’on appelle la rigueur – tout en se lamentant sur la dérive de nos services publics comme la Police ou la Justice. En somme la situation est vraiment préoccupante.
Ici nous ne rentrerons pas dans une analyse détaillée des chiffres – qui serait fastidieuse et compliquée – mais nous rappellerons quelques informations qui nous paraissent cruciales : pour 2024 le budget de l’État et des ODAC (organismes divers d’administration centrale) dans la loi de finance initiale était de 684 milliards (dépenses) pour 536 milliards d’Euros de recettes, ce qui signifiait un déficit de 148 milliards. Le déficit finalement prévu serait plutôt autour de 180 milliards, c’est-à-dire près de 26% des dépenses ! Toute personne qui a établi un budget au moins une fois dans sa vie peut rapidement se rendre compte du problème.
Par ailleurs dans ce budget national de nombreuses dépenses sont totalement contraintes, ce qui diminue fortement les marges de manœuvre: par exemple les dépenses de personnel – c’est-à-dire les salaires des fonctionnaires - représentaient plus de 163 milliards en 2023, soit 33% du total des dépenses de l’État (hors ODAC), et la charge de la dette autour de 52 milliards (source Direction du Budget). Même en ne remplaçant plus les fonctionnaires qui partent à la retraite ou qui démissionnent, nous aurons plus de 210 milliards de dépenses automatiques sur ces deux postes (personnel + remboursement de la dette)!
Si les dépenses sont très largement contraintes les recettes dépendent de la conjoncture : par exemple l’impôt sur les sociétés aura un rendement très faible en 2024 par rapport à ce qui était initialement attendu, c’est-à-dire moins de 60 milliards pour 72 initialement prévus. Et, mauvaise nouvelle, dans un contexte de faible croissance depuis des années les recettes sont orientées tendanciellement à la baisse.
Dès lors, on voit bien que l’équation est quasiment insoluble si on veut changer structurellement la trajectoire des finances publiques, c’est-à-dire avoir des budgets qui tendraient vers l’équilibre à un horizon de 10/15 ans, et non pas simplement prendre des mesures d’urgence comme celles discutées pour le budget 2025 – j’augmente une taxe par-ci, je réduis une dépense par là – qui justement ne font pas une politique mais relèvent de la pure tactique.
Finalement on revient à des questions simples, impossibles à aborder dans un tableur excel, mais fondamentales: dans quelle société voulons-nous vivre et quels sont les choix que cela entraîne, et à partir de là quels sont les budgets qui les reflètent. Malheureusement c’est ce débat qui est le grand absent de notre vie politique.
PS - Ici, nous nous sommes focalisés sur le seul budget de l’État et des ODAC (organismes divers d’administration centrale) et non pas des administrations publiques, qui intègrent en plus les ASSO (Administrations de la Sécurité sociale) et les APUL (Administrations Publiques Locales). On notera que le déficit public – qui est pris en compte dans le respect des fameux critères de Maastricht - est quasi intégralement dû au déficit de l’État.
Le sujet politique du moment, c’est le budget, et le budget c’est l’acte politique par excellence. En effet un budget explicite la vision et les priorités d’un gouvernement, il montre les choix et les orientations définis pour le pays.
Or la construction du budget 2025 intervient dans un contexte très dégradé : pas de majorité politique à l’Assemblée, une trajectoire des finances publiques particulièrement inquiétante avec un niveau de déficit attendu très élevé et une brusque accélération de ce déficit, sans que l’on sache déterminer à ce stade si la majorité précédente avait sciemment caché les chiffres en raison de la séquence électorale de cette année.
Ce contexte ne favorise pas une approche sereine des débats ; ainsi ceux-là mêmes qui sont comptables de la situation, à l’instar de Gabriel Attal ou de Gérald Darmanin, se permettent de donner de doctes conseils pour proposer des mesures qu’ils n’ont jamais mises en œuvre pendant sept ans, d’autres se livrent à l’habituel concours Lépine des suggestions budgétaires avec le sempiternel tube du relèvement des taxes sur l’énergie, avec l’électricité en tête de gondole des innovations fiscales, et enfin certains réclament une baisse drastique des moyens de l’État – ce qu’on appelle la rigueur – tout en se lamentant sur la dérive de nos services publics comme la Police ou la Justice. En somme la situation est vraiment préoccupante.
Ici nous ne rentrerons pas dans une analyse détaillée des chiffres – qui serait fastidieuse et compliquée – mais nous rappellerons quelques informations qui nous paraissent cruciales : pour 2024 le budget de l’État et des ODAC (organismes divers d’administration centrale) dans la loi de finance initiale était de 684 milliards (dépenses) pour 536 milliards d’Euros de recettes, ce qui signifiait un déficit de 148 milliards. Le déficit finalement prévu serait plutôt autour de 180 milliards, c’est-à-dire près de 26% des dépenses ! Toute personne qui a établi un budget au moins une fois dans sa vie peut rapidement se rendre compte du problème.
Par ailleurs dans ce budget national de nombreuses dépenses sont totalement contraintes, ce qui diminue fortement les marges de manœuvre: par exemple les dépenses de personnel – c’est-à-dire les salaires des fonctionnaires - représentaient plus de 163 milliards en 2023, soit 33% du total des dépenses de l’État (hors ODAC), et la charge de la dette autour de 52 milliards (source Direction du Budget). Même en ne remplaçant plus les fonctionnaires qui partent à la retraite ou qui démissionnent, nous aurons plus de 210 milliards de dépenses automatiques sur ces deux postes (personnel + remboursement de la dette)!
Si les dépenses sont très largement contraintes les recettes dépendent de la conjoncture : par exemple l’impôt sur les sociétés aura un rendement très faible en 2024 par rapport à ce qui était initialement attendu, c’est-à-dire moins de 60 milliards pour 72 initialement prévus. Et, mauvaise nouvelle, dans un contexte de faible croissance depuis des années les recettes sont orientées tendanciellement à la baisse.
Dès lors, on voit bien que l’équation est quasiment insoluble si on veut changer structurellement la trajectoire des finances publiques, c’est-à-dire avoir des budgets qui tendraient vers l’équilibre à un horizon de 10/15 ans, et non pas simplement prendre des mesures d’urgence comme celles discutées pour le budget 2025 – j’augmente une taxe par-ci, je réduis une dépense par là – qui justement ne font pas une politique mais relèvent de la pure tactique.
Finalement on revient à des questions simples, impossibles à aborder dans un tableur excel, mais fondamentales: dans quelle société voulons-nous vivre et quels sont les choix que cela entraîne, et à partir de là quels sont les budgets qui les reflètent. Malheureusement c’est ce débat qui est le grand absent de notre vie politique.
PS - Ici, nous nous sommes focalisés sur le seul budget de l’État et des ODAC (organismes divers d’administration centrale) et non pas des administrations publiques, qui intègrent en plus les ASSO (Administrations de la Sécurité sociale) et les APUL (Administrations Publiques Locales). On notera que le déficit public – qui est pris en compte dans le respect des fameux critères de Maastricht - est quasi intégralement dû au déficit de l’État.
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