■ Chem Assayag.
Au cours des derniers jours l’actualité a été particulièrement dense autour des problématiques de trafic de drogue et leurs conséquences : plusieurs meurtres dans des conditions atroces à Marseille, vidéo surréaliste attribuée à la DZ Mafia – un des principaux gangs contrôlant le marché dans la cité phocéenne – en mode conférence de presse d’un groupe terroriste, publication du livre Tueurs à gages. Enquête sur le nouveau phénomène des shooters (Flammarion, 256 pages, 21 euros) sur les adolescents qui commettent des « narchomicides », c’est-à-dire des meurtres en lien avec le commerce de la drogue.
Et à chaque fois le même constat, implacable : la lutte contre le trafic est un fiasco, l’économie souterraine prospère, les mafias se développent, des pans entiers de la société se délitent. En fait depuis des décennies consommation et trafic s’alimentent dans un terrifiant cercle vicieux et rien ne semble l’arrêter : des drogues moins chères, plus nombreuses, plus facilement accessibles, donc plus de consommateurs, donc plus de business, plus de gains pour les trafiquants, donc plus de capacité d’investissement pour développer de nouveaux marchés, et donc une offre encore plus agressive, et ainsi de suite, sans fin.
Et ce constat se traduit en chiffres, assez effrayants : ainsi l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) dévoilait en juin dernier les premiers résultats de son « Enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes » (EROPP) menée en 2023. La moitié des adultes français ont déjà expérimenté le cannabis, contre moins de 15% il y a trente ans, et 10,8 % en ont consommé au cours des 12 derniers mois.
Par ailleurs, l’expérimentation et l’utilisation de stimulants, notamment de cocaïne, sont en forte hausse. Près d’un adulte sur dix a déjà consommé de la cocaïne en poudre au moins une fois, et un sur douze de la MDMA. Avec 2,7 % d’usagers dans l’année (contre 1,6 % en 2017), la cocaïne est désormais la deuxième drogue illicite la plus consommée en France. Ces augmentations se produisent dans un contexte d’expansion de l’offre, tant en France qu’en Europe.
Dès lors que faire ? Sûrement pas ce qui est fait depuis des années et des années et qui ne marche absolument pas. Si « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent », pour reprendre la phrase attribuée à Einstein, la façon dont notre société lutte contre la drogue relève alors de la folie. Si nous voulons enfin des résultats il nous faut changer d’approche, et le faire vite, très vite.
Dès lors que faire ? Sûrement pas ce qui est fait depuis des années et des années et qui ne marche absolument pas. Si « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent », pour reprendre la phrase attribuée à Einstein, la façon dont notre société lutte contre la drogue relève alors de la folie. Si nous voulons enfin des résultats il nous faut changer d’approche, et le faire vite, très vite.
Il faut repenser la lutte contre la drogue.
On peut a minima évoquer deux grandes pistes. La première est bien connue c’est celle de la légalisation, c’est-à-dire « la consécration juridique des libertés d’user, de produire et de faire commerce de produits psychotropes jusqu’alors illicites ». La légalisation permet d’une part d’encadrer la production, la distribution et la consommation et vise d’autre part à assécher le marché illégal. Les modalités d’implémentation de la légalisation peuvent varier (cadre réglementaire et commercial, seuils de détention…) mais désormais plusieurs États américains, le Canada ou encore l’Allemagne, depuis le 1 avril 2024, l’ont mise en œuvre. Si les résultats globaux sont controversés, l’approche a le mérite d’un vrai changement de paradigme. En France non seulement la légalisation semble très hypothétique mais surtout aucun débat digne de ce nom n’a lieu sur le sujet, et il serait urgent que cela change et devienne un vrai thème politique.
La deuxième piste, rarement évoquée, est liée aux clients, c’est-à-dire aux consommateurs. Sans consommateurs pas de marché et donc pas de trafics. Sans consommateurs pas de problèmes sanitaires. Sans consommateurs pas de violence. Or bizarrement, alors que le problème est immense, aucune campagne massive de prévention n’est mise en œuvre, aucune communication à l’échelle nationale et sur la durée n’est proposée, alors qu’il faudrait s’inspirer de ce qui a pu être fait pour le tabac – qui illustre d’ailleurs le diptyque légalisation/prévention. Il faudrait d’une part sensibiliser les publics les plus jeunes, sans doute dès le collège, aux dangers de la consommation. Il faut le faire avec un enseignement dédié, concret, et suffisamment conséquent, et non pas de manière secondaire comme c’est le cas aujourd’hui à travers les enseignements disciplinaires comme lors des cours de sciences de la vie et de la terre. En parallèle il faudrait mener des campagnes d’information ambitieuses, sur plusieurs années, dans les médias traditionnels, Internet et aussi sur les réseaux sociaux, pour toucher l’ensemble de la population. Des campagnes pour alerter sur les dangers, notamment sanitaires, des campagnes pour alerter sur les conséquences y compris en matière de criminalité. Des campagnes qui pourraient aussi faire le lien entre troubles psychiques, qui sont un facteur de vulnérabilité, et consommation de stupéfiants. On pourrait alors espérer faire baisser la consommation de drogue comme cela a été le cas pour le tabac (-50% sur 20 ans).
Voilà donc des propositions pour repenser la lutte contre la drogue. Elles ne résoudront évidemment pas l’intégralité du problème et peuvent être discutées, mais ce qui est certain c’est que sauf à faire un aggiornamento complet dans notre appréhension de cette question de société majeure, nous aurons d’autres semaines meurtrières.
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