France-Belgique, quel pays aura le premier un gouvernement ?

 Parlement fédéral belge et Assemblée nationale française.

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - 
Avocat au barreau de Paris, consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie et Président du Corps consulaire de Normandie.

Les institutions de la Vᵉ République ont permis à la France de limiter considérablement la vacance de ses gouvernements.

Le journal Le Monde, le 24 août 2024, s’émouvait et rappelait qu’avec « trente-neuf jours, le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal dépasse le record de la IVᵉ République ».

Les politiques de tout bord peinent à établir une coalition, peut-être par manque d’habitude d’une Assemblée Nationale proche de ce qu’un résultat à la proportionnelle aurait donné.

Une sorte de « journée des dupes » se met en place entre une minorité qui s’auto-proclame majoritaire, un groupe au nombre de voies prépondérantes, pourtant réduit à la portion congrue par le jeu du suffrage et des alliances, et un centre et une droite hétéroclites, tous préoccupés de leur image et songeant à la présidentielle.

Dans le même temps, la Belgique se cherche un gouvernement.

Le royaume avait connu entre 2010 et 2011 une période de 541 jours sans gouvernement, tant la recherche d’une coalition était difficile.

493 jours avaient été nécessaires avant de voir émerger le gouvernement de l’actuel premier ministre, Alexander De Croo, dont l’entrée en fonction date du 1er octobre 2020.

Moins de quatre ans après, mais après une défaite électorale le 9 juin 2024, Monsieur De Croo a remis sa démission au roi, seul pôle institutionnel de stabilité, et ce dernier lui a demandé de gérer les affaires courantes, ce qu’il fait encore.

La vacance gouvernementale belge est ainsi bien plus longue que la française, sans que cela n’émeuve la population ou les médias vernaculaires.

La raison est simple, depuis 1950 il n’a jamais existé de majorité absolue au parlement belge et celui-ci est composé de formations politiques relativement petites qui doivent trouver un modus vivendi.

Pascal Delwit, Professeur de sciences politiques de l’Université libre de Bruxelles pose ainsi le problème : « on accepte le principe d’un gouvernement qu’on peut qualifier de bigarré, qui associe des partis de gauche et de droite. Ce n’est pas une difficulté. Nous avons eu des gouvernements de toutes natures et de toutes coalitions ».

A l’issue des dernières élections, le roi avait confié à Bart De Wever, le chef de la Nieuw-Vlaamse Alliantie, parti conservateur et nationaliste flamand sorti en tête du scrutin, le soin de discuter d’une coalition ayant une majorité pour gouverner. Les discussions perdurent.

Bart De Wever vient de remettre son mandat de « formateur » de gouvernement, faute d’avoir pu rassembler cette alliance majoritaire nécessaire. La fiscalité a été le facteur bloquant.

Le roi Philippe a entamé des discussions avec les cinq groupes arrivés en tête, qui vont de la droite conservatrice à une gauche sociale pour nommer un nouveau « formateur », mais les discussions et la formation du gouvernement peuvent durer longtemps.

En Belgique comme en France, la situation est bloquée.

Si le roi des Belges assure une réelle continuité des institutions, il laisse aux formations politiques désireuses de former une coalition permettant d’assurer des majorités parlementaires le soin de former, sur le temps long, un nouveau gouvernement.

Devenu moins stable, le système français donne, néanmoins, plus de pouvoir au Président de la République pendant son quinquennat, puisqu’il nomme le premier ministre, sans que ce dernier doivent nécessairement disposer d’une majorité au parlement.

Il permet la dissolution du parlement, et des députés s’en emparent médiatiquement, dans un cadre constitutionnel précis, la destitution, en l’espèce hautement improbable, du Président de la République qui devrait terminer son dernier mandat.

Néanmoins, en l’état, une situation de blocage se dessine dont l’issue la plus vraisemblable, en France, serait un gouvernement minoritaire ou un gouvernement technique, gérant le pays comme est gérée la Belgique pendant ses périodes sans gouvernement.

Tout ceci pose deux questions de fond.

La première est celle de l’écoute des Français et des Belges qui ont, par leurs votes respectifs, exprimé des souhaits relégués au second rang, alors qu’il faudrait les entendre, sous peine d’attiser les mécontentements.

La seconde est le mur de la dette.

Même si elle est en meilleure posture que la France, la Belgique a un déficit qui s’établit à 4,4% du PIB, contre 5,5% pour la France.

Les deux pays sont sous le coup de procédures de déficit excessif, enfreignent le pacte de stabilité et doivent soumettre d’ici au 20 septembre 2024 un plan budgétaire à moyen terme à l’Europe.

Le défi est immense.

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