■ Représentants des partis du Nouveau Front Populaire, Jordan Bardella Rassemblement National.
Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.
Cette dernière semaine de campagne pour le 1er tour des élections législatives va nous emmener vers un autre temps : celui des choix par défaut. En effet, dès dimanche soir, les « triangulaires », probablement plus nombreuses que d’habitude dans ce type de scrutin, seront l’occasion de « désistements pour… ». Il y a fort à parier que la plupart de ces décisions se feront en se bouchant le nez, et c’est la règle du moins pire qui s’appliquera, pour les formations centristes ainsi que pour le Nouveau Front Populaire.
Avant d’avoir connaissance des résultats du premier tour, on peut imaginer une hiérarchie qui sera celle que nous servent les sondages depuis quelques semaines. Le Rassemblement National sera en tête, et les autres devront faire des choix. En bout de piste, nous verrons si les électeurs suivront ces choix proposés pour le second tour, et quelle Assemblée Nationale représentera le pays. Au fond, même si cette fois il y a une forme politique inédite, ce scénario est toujours à l’ordre du jour lors d’élections à deux tours. La polarisation extrême de cette campagne rendra juste l’exercice plus contraignant pour les électeurs ainsi que pour les candidats qui se désisteront.
Les points clés de cette élection, si on met de côté les idéologies, sont d’ordre mécanique et marketing.
Rassemblement National : Sur le plan technique, le RN ressemble à un continent : une seule surface, une seule tête visible, aucune division, et des alliés « à la marge » de faible puissance. En gros, c’est l’exacte représentation de leur esprit de nation : peu d’ouverture mais un aspect compact et simple à comprendre, y compris au niveau du leadership « familial » Le Pen. L’aspect marketing est donc le reflet de cette posture avec une hyper-visibilité de J. Bardella, un argumentaire invariant et passant au second plan, et la notion de territoire protecteur et à protéger comme drapeau principal. Leur résultat final dépendra donc uniquement de la puissance obtenue lors du premier tour, à renouveler au second par une remobilisation de leur électorat. Mais aucune ou peu de marge de manœuvre pour recruter à l’extérieur du parti au second tour. Les triangulaires se joueront donc pour eux par la mobilisation de leur base.
Nouveau Front Populaire : Avec le NFP, pour garder la métaphore géologique, on serait plutôt sur un archipel, ce qui pose quelques problèmes techniques et marketing mais offre plus d’opportunités lors du second tour : pour eux, mais aussi pour les centristes (LR non Ciotti, Horizons, Ensemble , Modem etc..). Alors, dans cet archipel, il y a les îles « repoussoirs », à savoir LFI et NPA, et les îles fréquentables que sont les socialistes, les écologistes et dans une certaine mesure les communistes. L’île de R. Glucksmann est une presqu’île reliée aux socialistes mais sans aucun pont avec LFI. Le marketing de cette construction de circonstance est brumeux, à l’inverse du RN, avec la difficulté à choisir un leader premier ministrable, et des tensions prévisibles qui feront tourner quelques triangulaires au bénéfice des centristes. Au fond, personne ou presque n’imagine le NFP gagner cette élection, et personne n’imagine non plus que cette construction perdurera après les élections. L’absence de clarté du NFP représente leur diversité mais nuit au résultat. Une élection demande des noms, et dans ce cas un nom. Pour l’instant, il est inconnu. Donc les trois seules questions pour ces îles de gauche sont celles du second tour : qui ira vers eux par défaut ? Se désisteront-ils pour le centre ? Proposeront-ils l’abstention ?
Ex Majorité Présidentielle : Le parti présidentiel « Ensemble » souffre, mais avec combativité par l’énergie argumentaire de G. Attal. Au moins, on sait pour qui on vote quand ce vote est positif. Malheureusement, et là aussi le marketing aurait pu jouer un rôle, cette formation subit deux contrevents : le premier, le nom « Ensemble » ne reflète pas ce que les français voient. En effet, aucun effort n’a été fait dans la majorité présidentielle précédente pour assembler des tendances LR, centristes, ou de Gauche modérée afin de générer un « ensemble ». Il est sans doute trop tard, Edouard Philippe préparant un terrain de ce type pour une échéance suivante (2027). G. Attal en paie le prix aujourd’hui, dans la tourmente polarisée de cette campagne. Le second frein reste E. Macron, qui s’obstine dans la sur-personnalisation du pouvoir : « moi ou le chaos » n’est ni crédible ni audible, car aujourd’hui, avec un humour pernicieux du destin c’est « la force tranquille » du RN qui est gagnante. F. Mitterrand doit se retourner dans sa tombe, avec L. Blum et quelques autres en assistant à ce hold-up de positionnement par le RN. Dans la métaphore géologique, Ensemble est un désormais vieux continent, mis à feu par son Président, que quelques courageux fidèles tentent de sauver, pour y faire repousser ensuite de nouveaux espoirs. Il faudra un peu de temps.
3 ans peut-être.
Nous avons tous vu dans cette campagne à quel point la communication, parfois la manipulation, peuvent jouer un rôle décisif pour obtenir un résultat dans les urnes. Les discours longs et compliqués d’E. Macron face au simplisme tiktokien et selfiste de J. Bardella, les assemblages de gauche sitôt faits sitôt détruits et les trahisons théâtrales (E. Ciotti, M. Maréchal) ont créé un bruit où la simplicité et la permanence ont été les meilleurs armes. La seconde étape sera moins claire dans les prévisions de résultats car les « vraies personnes », c’est-à-dire les députés potentiels, entreront en scène.
L’humain pourrait enfin jouer un rôle, et déjouer tous les pronostics.
Bons votes à tous.
Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.
Cette dernière semaine de campagne pour le 1er tour des élections législatives va nous emmener vers un autre temps : celui des choix par défaut. En effet, dès dimanche soir, les « triangulaires », probablement plus nombreuses que d’habitude dans ce type de scrutin, seront l’occasion de « désistements pour… ». Il y a fort à parier que la plupart de ces décisions se feront en se bouchant le nez, et c’est la règle du moins pire qui s’appliquera, pour les formations centristes ainsi que pour le Nouveau Front Populaire.
Avant d’avoir connaissance des résultats du premier tour, on peut imaginer une hiérarchie qui sera celle que nous servent les sondages depuis quelques semaines. Le Rassemblement National sera en tête, et les autres devront faire des choix. En bout de piste, nous verrons si les électeurs suivront ces choix proposés pour le second tour, et quelle Assemblée Nationale représentera le pays. Au fond, même si cette fois il y a une forme politique inédite, ce scénario est toujours à l’ordre du jour lors d’élections à deux tours. La polarisation extrême de cette campagne rendra juste l’exercice plus contraignant pour les électeurs ainsi que pour les candidats qui se désisteront.
Les points clés de cette élection, si on met de côté les idéologies, sont d’ordre mécanique et marketing.
Rassemblement National : Sur le plan technique, le RN ressemble à un continent : une seule surface, une seule tête visible, aucune division, et des alliés « à la marge » de faible puissance. En gros, c’est l’exacte représentation de leur esprit de nation : peu d’ouverture mais un aspect compact et simple à comprendre, y compris au niveau du leadership « familial » Le Pen. L’aspect marketing est donc le reflet de cette posture avec une hyper-visibilité de J. Bardella, un argumentaire invariant et passant au second plan, et la notion de territoire protecteur et à protéger comme drapeau principal. Leur résultat final dépendra donc uniquement de la puissance obtenue lors du premier tour, à renouveler au second par une remobilisation de leur électorat. Mais aucune ou peu de marge de manœuvre pour recruter à l’extérieur du parti au second tour. Les triangulaires se joueront donc pour eux par la mobilisation de leur base.
Nouveau Front Populaire : Avec le NFP, pour garder la métaphore géologique, on serait plutôt sur un archipel, ce qui pose quelques problèmes techniques et marketing mais offre plus d’opportunités lors du second tour : pour eux, mais aussi pour les centristes (LR non Ciotti, Horizons, Ensemble , Modem etc..). Alors, dans cet archipel, il y a les îles « repoussoirs », à savoir LFI et NPA, et les îles fréquentables que sont les socialistes, les écologistes et dans une certaine mesure les communistes. L’île de R. Glucksmann est une presqu’île reliée aux socialistes mais sans aucun pont avec LFI. Le marketing de cette construction de circonstance est brumeux, à l’inverse du RN, avec la difficulté à choisir un leader premier ministrable, et des tensions prévisibles qui feront tourner quelques triangulaires au bénéfice des centristes. Au fond, personne ou presque n’imagine le NFP gagner cette élection, et personne n’imagine non plus que cette construction perdurera après les élections. L’absence de clarté du NFP représente leur diversité mais nuit au résultat. Une élection demande des noms, et dans ce cas un nom. Pour l’instant, il est inconnu. Donc les trois seules questions pour ces îles de gauche sont celles du second tour : qui ira vers eux par défaut ? Se désisteront-ils pour le centre ? Proposeront-ils l’abstention ?
Ex Majorité Présidentielle : Le parti présidentiel « Ensemble » souffre, mais avec combativité par l’énergie argumentaire de G. Attal. Au moins, on sait pour qui on vote quand ce vote est positif. Malheureusement, et là aussi le marketing aurait pu jouer un rôle, cette formation subit deux contrevents : le premier, le nom « Ensemble » ne reflète pas ce que les français voient. En effet, aucun effort n’a été fait dans la majorité présidentielle précédente pour assembler des tendances LR, centristes, ou de Gauche modérée afin de générer un « ensemble ». Il est sans doute trop tard, Edouard Philippe préparant un terrain de ce type pour une échéance suivante (2027). G. Attal en paie le prix aujourd’hui, dans la tourmente polarisée de cette campagne. Le second frein reste E. Macron, qui s’obstine dans la sur-personnalisation du pouvoir : « moi ou le chaos » n’est ni crédible ni audible, car aujourd’hui, avec un humour pernicieux du destin c’est « la force tranquille » du RN qui est gagnante. F. Mitterrand doit se retourner dans sa tombe, avec L. Blum et quelques autres en assistant à ce hold-up de positionnement par le RN. Dans la métaphore géologique, Ensemble est un désormais vieux continent, mis à feu par son Président, que quelques courageux fidèles tentent de sauver, pour y faire repousser ensuite de nouveaux espoirs. Il faudra un peu de temps.
3 ans peut-être.
Nous avons tous vu dans cette campagne à quel point la communication, parfois la manipulation, peuvent jouer un rôle décisif pour obtenir un résultat dans les urnes. Les discours longs et compliqués d’E. Macron face au simplisme tiktokien et selfiste de J. Bardella, les assemblages de gauche sitôt faits sitôt détruits et les trahisons théâtrales (E. Ciotti, M. Maréchal) ont créé un bruit où la simplicité et la permanence ont été les meilleurs armes. La seconde étape sera moins claire dans les prévisions de résultats car les « vraies personnes », c’est-à-dire les députés potentiels, entreront en scène.
L’humain pourrait enfin jouer un rôle, et déjouer tous les pronostics.
Bons votes à tous.
Note de l’auteur
Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.
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