Délinquance informatique, intelligence artificielle, les enjeux de 2024

 Maître Jean-Philippe Carpentier.

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris et consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie.

Les technologies de l’information atteignent aujourd’hui, par certains aspects, leurs limites ou questionnent pour 2024 sur les règlementations qu’elles devraient susciter.

Les fraudes sont nombreuses et me conduisent à vous conter une anecdote dont les leçons sont importantes.

Pour la démonstration, je vais vous parler de Madame X.

Madame X est utilisatrice d’un ordinateur de la marque américaine à la pomme. Découvrant très récemment qu’elle était victime d’un piratage, Madame X a alerté la maintenance de son ordinateur et découvert que l’identifiant présent sur son ordinateur avait été, à son insu, pris par un tiers qui, de ce fait, avait accès à l’intégralité du contenu de cet ordinateur.

Cette situation anecdotique, désormais corrigée, nous interroge tous sur cette nouvelle forme de délinquance plus insidieuse que la délinquance ordinaire, mais aux conséquences tout aussi violentes et délétères, la cybercriminalité.

Elle nous ramène, d’abord à la protection de nos vies privées qui, dans notre monde connecté, passe par la protection toujours plus forte de nos données numériques, où qu’elles soient stockées et par une sécurisation du contrôle de l’accès à ces données.

La question porte également sur ce qu’apprennent nos fournisseurs connectés, les propriétaires des sites internet que nous fréquentons et les administrations.

L’exemple d’acte de cybercriminalité présenté ci-dessus porte, également, sur la notion d’intrusion, puisque le délinquant, usurpateur d’identité, avait accès à l’ordinateur et donc à de très nombreuses informations qu’il pouvait utiliser à son profit, la question étant naturellement de savoir ce qu’il en a fait.

Si, de prime abord, la cybercriminalité fait penser à des infractions en lien avec le captage des données financières, elle passe également par l’usurpation d’identité et l’accès à des informations confidentielles ou privilégiées.

Sur ce terrain, notre arsenal juridique, le plus souvent pénal, existe, en France, comme dans de nombreux pays extra-communautaires.

En France, par exemple, le délinquant auteur de actes dont Madame X est victime, encourt une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Pour prendre un exemple extra-communautaire, en Suisse, le même acte est réprimé par une peine privative de liberté d’un an ou plus et une amende pécuniaire.

Les peines sont différentes, mais elles sont, ainsi, dans leur application, potentiellement plus fortes en Suisse qu’en France.

Cependant, notamment avec l’essor de l’intelligence artificielle, de nouveaux champs se sont ouverts pour les délinquants numériques et l’arsenal juridique devra être complété.

On est désormais, le plus souvent, loin de la simple usurpation d’identifiants, dont la preuve est aisée à apporter.

J’avais déjà insisté sur la nécessité d’un encadrement de l’intelligence artificielle, qui, si elle peut être dévoyée par certains, peut aussi être utilisée par d’autres pour combattre la cybercriminalité.

L’actualité montre combien cette thématique est importante.

Le 8 décembre 2023, le parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont trouvé un accord sur un texte qui sera la première Loi sur l’intelligence artificielle.

Parmi les objectifs de ce texte figure la sécurité juridique. Le projet contient, de surcroît, une réminiscence, finalement essentielle au regard de notre sécurité informatique, puisque le projet rappelle que l’informatique et, en particulier, l’intelligence artificielle ne fait pas échec aux droits fondamentaux, et donc à l’un de ces derniers, le respect de la vie privée.

Lutter contre la délinquance de toute nature pour faire respecter la vie privée est naturellement un objectif qui doit s’inscrire durablement dans les politiques tant incitatives que répressives.

Mais surtout, je vous invite à réfléchir à l’enjeu épistémologique soulevé par l’anecdote : la vie privée existe-t-elle encore et quelle sera sa place dans notre monde hybride et ultra-connecté ?

Il faut prendre un peu de hauteur et sûrement répondre par l’affirmative, car préserver nos modes de vie et préserver notre civilisation passe surtout par les perpétuer dans la vie réelle.

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