« Les chroniques de l’Empire » : les amours de Napoléon

 Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, plus connue sous le nom de Joséphine de Beauharnais et Napoléon Bonaparte.

Bien des femmes passent entre les bras de l’Empereur. Ses maîtresses ont des mobiles divers et variés, qu’ils soient politiques ou sentimentaux. Il conserve une pensée pour chacune d’elles, mais certaines amantes laissent une marque profonde dans son cœur et son esprit.

Par Werner Legrand-Montigny - Chroniqueur du Contemporain.

Pour commencer, il y a les billets glissés d’une main fiévreuse à une autre qui ne l’est pas moins. Il y a les attraits de la nouveauté, celui d’un visage inconnu, la sensualité qui émane d’une silhouette et d’une personnalité. Le cœur de Napoléon bat et cogne dans sa poitrine à la vue de ces jolis yeux qui passent, s’attardent, prometteurs…

Comment se défaire d’une passion qui vous affole ? Mais la plupart du temps, quand les feux de la passion s’éteignent, tout cela se répartit en larmes et chagrins amères. Et cependant, Bonaparte n’est pas rassasié.

La chose est connue, célibataires ou mariés, Napoléon et Joséphine cumulent amants et maitresses. Ils n’ignorent rien de leurs agissements respectifs, personne n’est dupe et le pardon maintes fois accordé.

Lui qui veut instituer une certaine morale autour de lui et pour les siens, vous noterez que le paradoxe est saisissant. Mais ne l’oublions pas, Napoléon, au-delà de ses formidables et indéniables capacités de travail, de ses dons et du magnifique héritage dont nous avons encore les bienfaits à ce jour, ne reste pas moins homme et rien qu’un homme, doté de failles et qualités.

La liste de ses amours n’est pas exhaustive mais attardons-nous sur quelques personnalités, sans forcément un ordre inflexible.

Il y a Pauline Fourès, née Bellisle, Marguerite-Joséphine Weimer, dite Mademoiselle Georges ou Éléonore Denuelle de La Plaigne. De ses relations avec cette dernière nait Charles-Léon. Nous trouvons ensuite Marie Walewska qui met au monde Alexandre Walewski, fils naturel de Napoléon. Ces petits aiglons dispersés connaissent, pour certains d’entre eux, une existence parfois insolite.

Pauline Fourès, dite la Bellilote, est « une petite femme à cheveux blonds, à peau éclatante, à dents merveilleuses, très agréable en tout temps ». Elle arrive au Caire avec son époux, et reprend ses habits féminins. Oui, car c’est « sous des habits d’homme » qu’elle effectue la traversée « en quelque fond de cale de navire », pour gagner l’Égypte. Le subterfuge est bien connu dans les armées.

 Pauline Fourès.

 Marie Walewska.

 Éléonore Denuelle de La Plaigne.

La raison de ce travestissement ? Eh bien les femmes d’officier ne sont pas autorisées à suivre leur mari, mais cette consigne est largement contournée, jusqu’aux généraux, qui emmènent femmes et maitresses.

Pendant l’expédition en Syrie, « Bellilote » reste au Caire et y reçoit les tendres missives de Bonaparte. Il a bien d’autres amours ici et là, tout aussi fugaces et sans réelles consistances. A noter que les attraits des femmes orientales le laissent de marbre.

Et puis, d’autres femmes passent. « Ainsi les amours de jeunesse de Napoléon se réduisent à des flirts sans conséquence ou à de banales aventures ».

Mais il en est une qu’il n’oublie pas, « sa première inclination » et plus tendre amour. Même des années après leur liaison, l’Empereur conserve pour elle des gestes attentionnés, soucieux de répondre à ses sollicitations. Cette affection se manifeste toujours, même après son mariage avec le maréchal Bernadotte, futur roi de Suède. Il s’agit de Désirée Clary.

Elle a bientôt dix-sept ans lorsqu’elle rencontre Bonaparte. Désirée est dotée d’une « vivacité et une gaité méridionales, un cœur tendre et quelques talents de société, tels le piano, le chant et la danse. Brune, petite, potelée, elle avait un joli visage et des mains ravissantes qui voletaient autour d’elle pour accompagner ses paroles ».

 Désirée Clary.

Si Napoléon a une vie digne d’un roman, celle de Désirée ne l’est pas moins. Une formidable aventure qu’est la leur ! Qu’est-ce qui les prédestinait tous deux à devenir monarques au cours de leur existence ? A vrai dire rien. Tout se réalise par le jeu des circonstances et des opportunités.

C’est à Marseille, où Bonaparte a son quartier général, qu’il rencontre Désirée. Cette jeune femme vient d’une famille bourgeoise de la région. Au temps de sa rencontre avec elle, c’est Joseph, le frère de Napoléon qu’elle fréquente. Habilement, ce dernier fait valoir les attraits de la sœur de Désirée, Julie Clary. Cela fonctionne tant et si bien, qu’ils s’unissent en août 1794.

Cela dit le futur empereur tombe éperdument amoureux de la jolie marseillaise. Mais les avis divergent sur la nature intime de leur relation et les historiens avancent plusieurs hypothèses. Amour platonique ? Oui, peut-être. Napoléon s’est-il montré caressant, entreprenant ? On peut également l’imaginer. Ce qui s’est réellement passé reste à jamais dans le secret de l’alcôve.

Quasiment fiancés, cette nouvelle est plutôt bien accueillie chez les Clary. Joseph n’est pas rancunier, il aide même son frère en coulisse à mettre sur pied cette union.

De retour à Paris, Bonaparte rencontre Joséphine, semble-t-il chez le vicomte de Barras, mais les historiens ne sont pas unanimes. Cela dit, Barras possède un entregent, des relations qui s’avéreront utiles au futur empereur. Déjà Talleyrand le remarque et lui prédit un destin fabuleux…

A noter qu’à l’époque, Joséphine, vicomtesse de Beauharnais, est la maîtresse officielle de Barras. Mais cela ne les arrête point et très vite, une passion brûlante dévore ces nouveaux amants. Tous deux s’exercent au jeu de la reproduction et aux voluptuosités de l’amour…

Pendant ce temps à Marseille, Désirée se morfond de revoir son bel officier. Les lettres se font plus rares, le ton de Bonaparte devient un peu plus lointain à chaque missive. Désirée lui écrit des lettres désespérées qui restent sans réponses durant de longs jours et elle comprend. Même si elle le sait déjà en son for intérieur, leur histoire est terminée.

Elle apprend plus tard le mariage de Napoléon, intervenu le 09 mars 1796. « Vous m’avez rendue malheureuse pour toute ma vie, et j’ai encore la faiblesse de vous tout pardonner. Vous êtes donc marié ! Il n’est plus permis à la pauvre Eugénie, (elle reprend son ancien prénom), de vous aimer, de penser à vous… ».

Sous sa plume, l’Empereur dicte au maréchal Bertrand à Sainte-Hélène : « Je voulais marier Désirée qui avait été ma première inclination. Elle fut fort étonnée et fâchée en apprenant mon mariage et m’en fit alors beaucoup de reproches ».

Il se montre désolé d’avoir causé tant de peine à cette jeune femme, car ce n’était évidemment pas son intention. Les années passant, l’Empereur lui conserve son amitié, fera tout pour son époux Bernadotte, le favorisant et ne refusant rien à Désirée.

Enfin, à la suite de son mariage, ce fameux général remporte victoire sur victoire, notamment la célèbre bataille du pont d’Arcole en novembre 1796, lors de la première campagne d’Italie.

De retour à Paris, « Le Directoire tremblait devant Bonaparte dont la puissance se révélait soudain menaçante », « Le général disposait de forces suffisantes pour balayer le pouvoir exécutif ». Il fait peur, on le craint, il faut vite l’éloigner et pourquoi pas si possible, qu’il se fasse oublier.

Nous sommes en 1798 et c’est trop tôt, son temps n’est pas encore venu.

Pour l’heure, Napoléon est envoyé en Orient, et là débute la fabuleuse campagne d’Egypte. Mais ceci est une autre histoire.

Références de l’auteur
  • « Bonaparte et les femmes », de Frédéric Masson de l’Académie française.
  • « Napoléon à Sainte-Hélène », de Las Cases, Montholon, Gourgaud, Bertrand.
  • « Revue du Souvenir Napoléonien », de Marc Allégret.
  • « Napoléon », de Jean Tulard, de l’Institut.
  • « Désirée Clary », d’après une correspondance inédite avec Bonaparte, Bernadotte et sa famille, de Gabriel Girod de l’Ain.
  • « Mémoires », d’Eugène de Beauharnais.

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