Le fanatisme de la raison, chronique d’un roi qui avait tout prévu

 Le roi Frédéric II.
 

« Mon cher Voltaire » « Nous connaissons le fanatisme de la religion ; connaîtrons-nous jamais celui de la raison ? »

Frédéric II écrivait cela à Voltaire le 8 avril 1771, d’une plume rapide, presque lasse, comme s’il pressentait déjà la farce tragique qui nous attendrait.

Il n’imaginait pas que deux cent cinquante-quatre ans plus tard, sa question rhétorique recevrait une réponse aussi nette, aussi brutale : oui, Majesté, nous le connaissons.

Mieux que quiconque. Nous y vivons.

Le fanatique d’aujourd’hui brandit un thread de 47 tweets commençant par « Thread : pourquoi vous avez tort ».

Il ne damne plus l’âme ; il ruine la réputation.

Le bûcher est devenu viral, l’excommunication prend la forme d’un signalement, et l’Inquisition a été sous-traitée à des algorithmes.

Le plus terrifiant ne provient même plus de la violence des assertions ; elle est plus douce, plus propre, presque hygiénique.

Le plus terrifiant est l’absolue bonne conscience.

Le bourreau d’hier tremblait parfois devant Dieu.

Celui d’aujourd’hui dort tranquille : il agit pour le Bien, documenté, sourcé, fact-checké.

Il ne croit pas ; il sait.

Et c’est là que Frédéric, avec son sourire sardonique, avait touché le cœur du problème : la foi peut douter, la certitude jamais.

Nous avons vu la raison se faire religion totale.

Elle a ses prophètes qui annoncent la fin du monde tous les cinq ans, les hérétiques qu’on ne discute plus, qu’on ne réfute plus mais qu’on efface, ses indulgences vendues sous forme de « sensibilisation » obligatoire.

Elle a ses croisades climatiques, identitaires, sanitaires, où l’on marche au pas cadencé de l’émotion juste.

Le vieux roi de Prusse, athée et tolérant, qui laissait bâtir mosquées, églises et temples dans son royaume « pourvu qu’ils paient leurs impôts », doit se retourner dans sa tombe en voyant ses héritiers des Lumières transformer la liberté de penser en police de la pensée.

Car le fanatisme de la raison possède une arme que celui de la religion n’a jamais eue : il est légitime aux yeux de la modernité.

Il parle le langage du progrès, de l’universel, de l’avenir.

Il ne dit pas « Dieu le veut ». Il dit « les études le prouvent » et cela suffit à faire taire les derniers sceptiques.

Frédéric posait la question avec inquiétude.

Il craignait que la raison, poussée à l’extrême, ne devienne à son tour une forme d’intolérance dogmatique.

Gardons en mémoire la fin de sa lettre, « Mais hélas ! la raison elle-même a ses excès, et l’on voit déjà des sectaires de la philosophie qui, sous prétexte de lumière, veulent imposer leur vérité comme un dogme. Puissions-nous éviter cet écueil ! » Mais est-ce vraiment cela, la raison ?

La solution est pourtant simple, centrer l’action sur le bien commun et assurer le plus strict respect des droits et devoir fondamentaux.

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