La cérémonie d’investiture, une fiction de Chem Assayag

 J. D. Vance prêtant serment en tant que nouveau vice-président des États-Unis, le 20 janvier 2025 (© CC0/WikiCommons).

Au moment où la réalité dépasse sans cesse la fiction, et les États-Unis semblent tourner le dos à la démocratie, le scénario décrit ici ne nous semble pas impossible. A ce titre il nous aide à comprendre les bouleversements en cours.

James David Vance arborait un sourire un peu crispé ; le moment était solennel et d’une certaine façon historique. Il allait devenir le 48ᵉ Président des États-Unis d’Amérique en prêtant serment sur la Bible d’Abraham Lincoln tenue à deux mains par sa femme Usha, en prononçant les fameux 35 mots remontant aux Pères Fondateurs « « Je jure solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des États-Unis, et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la Constitution des États-Unis ».

Sur les marches du Capitole où se déroulait la cérémonie on trouvait bien sûr Donald Trump et sa famille, les membres de la Cour Suprême dont son Président John G. Roberts, Jr., le milliardaire Peter Thiel – qui désormais s’affichait ouvertement dans les cercles du pouvoir, comme Elon Musk avait pu le faire au début du second mandat de Donald Trump, et qui était identifié comme le mentor du futur Président -, les principaux membres de la précédente administration et des invités triés sur le volet. Mais globalement les cérémonies d’investiture avaient été beaucoup moins clinquantes qu’en janvier 2025. Cela correspondait plus à la personnalité du nouveau Président mais aussi à la configuration politique un peu étrange de ce moment. Une certaine forme de retenue aurait-on pu dire si cela avait encore un sens dans ce Washington là.

En y repensant l’ancien vice-président se disait qu’ils avaient accompli un travail incroyable et totalement changé la face des États-Unis. La bascule avait eu lieu lors des élections des mid-terms de 2026. Le redécoupage électoral – « charcutage » était le mot plus adéquat pensa-t-il – combiné à l’interdiction du vote à distance avait permis de consolider le Parti républicain tant à la Chambre des Représentants qu’au Sénat. Désormais il comptait 250 Représentants et 57 Sénateurs rendant l’adoption de toutes les lois quasi automatique et privant l’opposition de tout poids réel. En revanche une modification de la Constitution avec la règle des deux tiers restait hors de portée.

Aussi quand Donald Trump avait exprimé la volonté d’effectuer un troisième mandat aucune solution législative et légal ne paraissait envisageable. Certains, dans l’entourage du POTUS avaient proposé de décréter la loi martiale – les prétextes ne manquaient pas autour de la question de la sécurité ou celle de l’immigration, quitte à les provoquer ou les amplifier – pour repousser les élections et maintenir Donald Trump au pouvoir mais cela paraissait trop risqué et cela blessait l’ego du milliardaire qui souhaitait « être élu pour la 3ᵉ fois » et ainsi entrer dans l’Histoire.

C’est alors qu’en lisant un tweet de Dmitri Medvedev, l’ex-président russe, que Vance avait eu une idée de génie : pourquoi ne pas faire ce que Poutine et Medvedev avaient fait en 2008 en échangeant leurs places ! Vance se présenterait comme Président et Trump comme vice-président, tout en étant clair que Trump serait vraiment la personne aux manettes. Rien n’interdisait cette acrobatie et Trump pourrait flatter son ego en étant « réellement élu ». L’idée avait estomaqué les démocrates et une partie des Américains – sans parler des observateurs et politiques étrangers- mais le duo avait un argument imparable : ils faisaient cela au vu et au su de tous et les électeurs américains, le peuple souverain, déciderait en dernier ressort. La maîtrise du Congrès et de la Cour Suprême avait ensuite étouffé dans l’œuf toutes les tentatives juridiques de contrecarrer la manœuvre. Le coup était parfait.

Le duo s’était donc présenté en 2028 (« Keep America Great ! » était le slogan retenu), utilisant à son service toutes les ressources de l’appareil fédéral, multipliant les coups bas dans certains Etats contre leurs adversaires démocrates, et déversant des centaines de millions de dollars aux bons endroits. Le ticket Vance/Trump avait été élu facilement dans ces conditions, en remportant le vote populaire de surcroît, et ils pouvaient parader en se félicitant d’avoir redonné la parole au peuple, le vrai.

Et voilà, nous étions désormais le 8 janvier 2029 et Vance allait prêter serment ; alors bien sûr la question du fonctionnement au quotidien de l’attelage allait sans doute poser quelques problèmes mais de grands principes avaient été retenus. Vance et Trump assisteraient ensemble à tous les rendez-vous du Président Vance, et si ce dernier était le seul habilité à signer les actes relevant de sa charge Trump devait être explicitement d’accord et un protocole de cosignature allait être soumis au Congrès. De mêmes toutes les prises de parole se feraient à deux.

Alors évidemment pour Vance ce n’était pas idéal, il n’était pas « pleinement » Président, mais la santé de Trump commençait à décliner – il avait désormais presque 83 ans et avait dû renoncer à jouer au golf, à part pour de longues séances de putting – et sa propension à travailler ne cessait de baisser. Il serait assez rapidement un « vice-président » fantoche. En revanche Vance, il avait à peine 44 ans, se projetait déjà sur sa réélection en 2032, voire au-delà – il serait toujours temps de voir comment modifier cette satanée Constitution.

En repensant au cas de figure où il aurait un problème de santé voire mourrait pendant son mandat, Vance ne put s’empêcher de sourire. Dans ce cas Trump deviendrait théoriquement Président à nouveau et les juristes et autres constitutionnalistes ne cessaient de débattre de ce casse-tête. Mais bon cela relevait un peu de la science-fiction.

« Je jure… »

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