■ Le sommet Choose France, créé en 2018 sous l’impulsion du président Macron, s’organise chaque année à Versailles.
« Il semblerait juste désormais de reconnaître quelque mérite à ce roi, aujourd’hui souvent moqué (et associé aux caricatures en forme de poire de Philipon), notamment celui d’avoir sauvé et « actualisé » Versailles », écrivait Laurent Gervereau.
Versailles séduit le pouvoir qui sait en faire l’instrument de son marketing politique ou économique.
Depuis plusieurs années, suivant les traces de cet Orléans, le président Emmanuel Macron a fait du sommet « Choose France », organisé dans le cadre somptueux du château de Versailles, un rendez-vous emblématique destiné à promouvoir l’attractivité économique de la France.
Cet événement, conçu comme une vitrine prestigieuse, réunit des dirigeants de grandes entreprises internationales pour annoncer des investissements étrangers en France. Lors de l’édition de mai 2023, par exemple, Macron a proclamé un record de 13 milliards d’euros d’investissements, suivis en 2024 par 15 milliards, et en 2025 par une annonce de 20 milliards d’euros.
Dans une conjoncture atone, ces chiffres, présentés avec éclat, visent à illustrer une France dynamique, ouverte aux capitaux étrangers, et à présenter l’image d’un pays compétitif sur la scène mondiale.
On ne peut que s’en réjouir et j’ai savouré cette restauration du rôle central d’un édifice créé et voulu pour incarner la grandeur de la France et de ses monarques et que la République a su garder au goût du jour.
20 milliards, comme disait mon voisin de table il y a quelques jours, « ça calme… »
Puis le gros titre parlant d’une entreprise française, Sanofi, quasi concomitamment évoquait un investissement d’un montant de 20 milliards de dollars… aux États Unis.
La question se pose, est-ce un jeu à somme nulle ?
La réalité est un peu déroutante.
Les données révèlent une asymétrie frappante.
En 2023, le stock des investissements directs français aux États-Unis s’élevait à 370 milliards de dollars, environ 335 milliards d’euros, faisant de la France le cinquième investisseur étranger dans ce pays.
Des groupes, comme CMA CGM, avec un engagement de 20 milliards de dollars sur quatre ans, ou Schneider Electric, avec 700 millions de dollars prévus d’ici 2027, illustrent cette dynamique.
Ces chiffres témoignent d’un transfert massif de capitaux français vers l’économie américaine, motivé par des perspectives de croissance, des coûts de production plus compétitifs, une énergie bon marché ou encore un accès privilégié au marché nord-américain.
Les investissements étrangers en France, bien que significatifs, semblent modestes en comparaison.
Les 20 milliards d’euros annoncés en 2025 à Versailles doivent être mis en perspective face aux 335 milliards d’euros investis par la France outre-Atlantique.
Cette disparité soulève des questions sur la compétitivité réelle de la France.
Les entreprises françaises, confrontées à un environnement fiscal et réglementaire souvent perçu comme contraignant, semblent trouver aux États-Unis des conditions plus favorables, notamment en termes de coûts et d’accès au marché.
En 2025, l’appel à la suspension temporaire de ces investissements français a rencontré une résistance marquée de la part des grands patrons, comme Bernard Arnault de LVMH, qui a rejeté toute idée de gel des investissements américains.
Au-delà du marketing, tout ceci invite à une réflexion plus profonde sur les politiques économiques nécessaires pour retenir les capitaux nationaux et véritablement repositionner la France comme un acteur économique de premier plan.
Peut-être faut-il appliquer la méthode du concepteur de Versailles, Louis XIV : « Les empires ne se conservent que comme ils s'acquièrent, c'est-à-dire par la vigueur, par la vigilance et par le travail ».
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